Je passerai rapidement sur les crédits qui se rattachent au commerce extérieur : les montants ont très peu évolué par rapport à l'année dernière et, surtout, ne représentent qu'une infime partie des enjeux financiers économiques relatifs au commerce extérieur français.
Seules deux actions budgétaires traduisent le soutien financier de l'État au commerce extérieur. En premier lieu, l'action Développement international des entreprises et attractivité du territoire du programme 134 Développement des entreprises et régulations comprend des crédits au bénéfice d'opérateurs chargés de l'internationalisation de l'économie française. Elle ne connaît pas d'évolution budgétaire notable, la hausse de 132 % des crédits correspondant à l'engagement de la totalité des dotations annuelles de BpiFrance sur la période 2024-2028.
La deuxième action, intitulée Développement international de l'économie française, figure dans le programme 114 de la mission Engagements financiers de l'État. Elle regroupe les dispositifs de garanties aux entreprises exportatrices et connaît une baisse de 8,2 % en crédits de paiement, à environ 111 millions d'euros, l'abondement de l'assurance-prospection ayant diminué.
Ainsi, le soutien au commerce extérieur dans le budget s'élève à environ 300 millions d'euros. Mais le chiffre important en la matière, et véritablement consternant, est celui du déficit commercial de la France en 2022 : 163,6 milliards d'euros. Il devrait légèrement s'améliorer en 2023, mais ce sera principalement du fait de la baisse conjoncturelle des prix de l'énergie.
Le Gouvernement n'est jamais avare de communication sur les rares bonnes nouvelles économiques qui peuvent lui tomber dessus. Mais il y a un grand absent dans les discours, qui pèse pourtant, tel un boulet, depuis plus de vingt ans : la performance catastrophique de la France dans le commerce international. Notre pays perd de manière continue des parts de marché. Nous représentions plus de 5 % des exportations mondiales en 2002, et seulement 2,5 % aujourd'hui. Nous n'avons pas connu d'excédent commercial depuis 2002, et chaque année nous battons des records de déficit commercial.
Les causes structurelles de notre solde abyssal sont pourtant bien connues : une désindustrialisation planifiée et organisée pendant une vingtaine d'années, une compétitivité prix moindre que celle de nos concurrents ou encore un tissu de PME et d'ETI (entreprises de taille intermédiaire) exportatrices plus faible que chez nos voisins allemands ou italiens.
Pour remonter cette pente, il faudra beaucoup de temps et un certain courage, car on ne décrète pas la réindustrialisation de la France. Toutefois, des actions rapides et de bon sens pourraient d'ores et déjà être entreprises. En premier lieu, il faut définir une politique claire pour le commerce extérieur et cela ne peut passer que par la mise en place d'un ministère de plein exercice, en lien avec l'administration du ministère de l'économie. Si les ambassadeurs ont leur rôle à jouer, c'est au sein de l'économie française que le commerce extérieur se joue. Rien ne justifie la mise sous tutelle de cette politique par le Quai d'Orsay.
La construction d'une politique ambitieuse pour le commerce extérieur doit également passer par une stabilité à sa tête. En onze ans, nous avons connu douze secrétaires d'État ou ministres délégués chargés du commerce extérieur : je vous mets au défi de n'en citer ne serait-ce que la moitié. Il s'agit pourtant d'une politique vitale pour notre économie, qui mérite mieux que cette inconstance.
Ensuite, il faut revenir sur les erreurs des précédents gouvernements, en particulier le retrait de l'assurance-prospection et de la garantie des grands contrats des mains de la Coface (Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur). C'est une décision qui a coûté cher à notre modèle d'exportation, BpiFrance, qui en a hérité, n'ayant pas l'expérience accumulée par la Coface dans les pays où pourraient rayonner les entreprises françaises exportatrices.
Surtout, il faut renouer avec une politique volontariste et mettre le commerce extérieur au cœur de l'action publique, car il s'agit d'une politique transversale qui touche tous les secteurs. Ainsi, je m'étonne que dans la mission budgétaire Investir pour la France de 2030, le mot « export » ne soit pas écrit une seule fois : comment peut-on penser la réindustrialisation sans organiser la projection à l'export des futures industries ?
Face à tous ces défis, le Gouvernement annonce un plan Osez l'export doté de 125 millions d'euros, sans que l'on sache l'emploi de ce montant. Donner plus d'argent aux agences de l'État n'y changera rien : il faut revoir en profondeur la structure de notre politique commerciale. Pour toutes ces raisons, je vous invite à ne pas voter les crédits de la mission Économie.