Intervention de Philippe Lottiaux

Réunion du vendredi 27 octobre 2023 à 14h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Lottiaux, rapporteur spécial (Patrimoines) :

Le programme 175 Patrimoines rassemble les crédits dédiés aux monuments historiques, aux musées de France, aux Archives nationales et aux acteurs de l'archéologie.

Le montant cumulé de ces crédits représente 1,476 milliard en autorisations d'engagement et 1,190 milliard en crédits de paiement, soit des montants en progression respectivement de 365 millions et de 90 millions. C'est la plus forte hausse des quatre programmes de la mission.

L'année 2024 verra la réouverture de Notre-Dame de Paris – qui est hors programme – et du Grand Palais – chantier majeur qui devrait, chose rare, respecter globalement l'enveloppe prévue, avec une petite correction due à l'inflation – mais aussi l'ouverture de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts – dont le budget initial a été cette fois largement dépassé.

L'année 2024 sera-t-elle pour autant une année faste pour le patrimoine ? Pas forcément. La hausse des autorisations d'engagement tient très largement aux prochains travaux du centre Pompidou qui sera fermé entre 2025 et 2030. La progression des crédits de paiement s'explique principalement par l'accompagnement des opérateurs du ministère de la culture face à l'inflation – pour 41,5 millions – et par la hausse du point d'indice – pour 19 millions.

Ce sont des ajustements nécessaires mais il n'y a pas là d'innovation.

Dans ces crédits, il y a de bonnes choses : l'accroissement des moyens dédiés au fonds incitatif et partenarial pour les collectivités à faibles ressources, que j'appelais de mes vœux l'an passé ; le début de la reconversion du site de Clairvaux, qui donne lieu à un appel à projets ; la poursuite du plan « Sécurité cathédrales » ; l'augmentation de 4 millions des fonds alloués à la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État ; ou des crédits supplémentaires pour l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).

Je dois néanmoins nuancer mon propos. En effet, plusieurs incertitudes pèsent à court terme sur le budget du patrimoine. Combien coûtera le fonctionnement en année pleine de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts ? Trouvera-t-on les opérateurs pour la seconde partie de l'édifice ? Quel sera le montant des travaux à la charge de l'État à Clairvaux ? Le montant final pourrait aller très loin. Quel sera l'impact des Jeux olympiques sur la fréquentation des grands musées parisiens ? On entend déjà parler ici et là de subventions complémentaires pour faire face à une diminution de la fréquentation. Et ne risque-t-on pas de se trouver bientôt face à un pic d'investissement pour les grands projets, comme l'a souligné par la Cour des comptes ?

Par ailleurs, j'avais l'an dernier constaté plusieurs carences qui perdurent. Ainsi, le montant des crédits d'entretien des monuments historiques n'appartenant pas à l'État demeure très faible. Les rapports joints au projet de loi de règlement montrent que ces crédits ne sont même pas exécutés en totalité : 17 millions dépensés en 2022 sur les 23 millions prévus. Cela montre que les directions régionales des affaires culturelles (Drac) manquent d'architectes des bâtiments de France pour suivre les opérations. Le classement annoncé de nouveaux monuments de notre patrimoine religieux, si je m'en réjouis, risque de ne servir à rien si ces moyens ne sont pas renforcés.

Une collecte a été annoncée au bénéfice du petit patrimoine religieux local qui a été concrétisée par un amendement au projet de loi de finances. Il s'agira de collecter 200 millions d'euros, avec 75 % de défiscalisation, sous l'égide de la Fondation du patrimoine. C'est une bonne nouvelle, mais qui pourrait toutefois donner l'impression que l'État se défausse sur les particuliers. On peut aussi craindre un effet d'éviction sur les autres sollicitations auxquelles les Français sont soumis, leur générosité n'étant pas infinie.

Rien n'est vraiment fait à ce jour pour pallier le déficit d'ingénierie des petites communes pour les travaux sur leurs monuments. Il conviendrait à mon sens d'inciter les départements à agir – quelques-uns le font déjà très bien. Par ailleurs, les crédits alloués aux services archéologiques des collectivités demeurent en deçà des besoins. On peut enfin regretter que le plan « Sécurité cathédrales » n'ait pas été étendu à celles qui appartiennent aux collectivités.

Deux questions ressortent de mes travaux.

La première concerne l'évolution des emplois au sein des dix-huit opérateurs du programme 175, qui devraient baisser de 186 équivalents temps plein travaillés. J'ai interrogé le ministère mais je n'ai pas reçu la clarification attendue et je ne sais à quoi correspondent ces 186 suppressions.

La seconde concerne l'établissement public du château, du musée et du domaine de Versailles, qui n'offre pas moins de 120 logements de fonction pour un millier de salariés. Cela paraît beaucoup, et je ne vous cache pas que je m'interroge sur certaines des nécessités absolues de service qui justifient l'octroi de ces logements. À l'heure où le château recherche des espaces supplémentaires, je m'efforcerai de creuser cette question.

Le budget du programme 175 comporte donc d'incontestables aspects positifs ; il suscite quelques inquiétudes et plusieurs carences demeurent. Je m'abstiendrai donc sur le vote de ces crédits.

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