Intervention de Céline Gauer

Réunion du lundi 26 septembre 2022 à 15h00
Commission des affaires européennes

Céline Gauer, Directrice générale de la task force pour la reprise et la résilience de la Commission européenne :

Tout d'abord, il est important de rappeler que le plan NextGenerationEU est une facilité d'un type nouveau qui a cassé le tabou d'un emprunt commun. Une autre spécificité de cette facilité est la combinaison qu'elle opère entre les réformes et les investissements. Cette nouvelle facilité exige des États membres qu'ils engagent à la fois des réformes et des investissements pour pouvoir bénéficier des subventions et des prêts. Contrairement aux fonds structurels, basés sur un remboursement des coûts, le plan de relance est basé sur un contrat entre chacun des États membres et l'Union, qui consiste à effectuer les réformes et les investissements contenus dans le plan dans les temps impartis, en échange de ces financements.

Grâce à cet argent, on observe d'importants progrès réalisés au sein des pays membres. Nombreux d'entre eux ont inclus dans leurs plans des mesures de réformes extrêmement ambitieuses qui répondent à des enjeux de long terme. Par exemple, en Espagne, le marché du travail était extrêmement segmenté, avec un taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes, et une difficulté d'accès à des CDI. Grâce à la réforme du marché du travail, adoptée en accord avec les partenaires sociaux et mise en œuvre avec le soutien des fonds européens, nous assistons à un changement rapide et radical du marché du travail en Espagne – avec notamment des créations d'emplois de qualité et des mouvements qui réduisent la segmentation du marché du travail. En Italie, le système judiciaire ralentit généralement les investissements et vient diminuer la productivité des entreprises. Une réforme très ambitieuse de la justice administrative, commerciale, civile et pénale a été incluse par le gouvernement italien dans le plan de relance. La Slovaquie a également proposé de réformer en profondeur son système d'éducation grâce aux fonds européens. La facilité européenne propose donc des financements massifs, mais surtout des financements bien employés.

En matière d'investissements, la facilité pour la reprise et la résilience vise en priorité le changement climatique, la biodiversité et l'environnement. En moyenne, plus de 40% de l'ensemble des financements vont vers ces mesures, avec l'exigence que les mesures contenues dans le plan n'endommage pas l'environnement ou le climat. Nous avons vu dans chacun des plans nationaux, tant pour la mobilité durable que pour l'efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables, une attention particulière et un effort sans précédent de la part des États membres pour s'engager dans la lutte contre le changement climatique et faire évoluer leurs économies vers davantage de soutenabilité.

En France, le plan est beaucoup plus riche en investissements qu'en réformes. Quelques réformes sont importantes, comme celle sur le climat et l'énergie. Il y a aussi un encadrement plus important de la progression des finances publiques. Les investissements sont déjà très avancés dans leurs mises en œuvre. Il faut par exemple considérer le succès de « MaPrimeRénov' », financée à 70% par le plan européen. Beaucoup de citoyens en ont bénéficié, mais très peu savent qu'il s'agit de financements européens. Il existe également des financements dans la formation et l'apprentissage, avec le financement de « 1 jeune, 1 solution » ou encore un investissement très important sur le ferroviaire, tant sur les grandes lignes que sur les lignes régionales, avec 4,4 milliards d'euros dédiés à l'amélioration des réseaux ferroviaires.

Nous jugeons le bilan intermédiaire très positif. 2026 est la date butoir pour la mise en œuvre de toutes les réformes et de tous les investissements.

L'État de droit s'impose à tous et commande que le cadre juridique applicable soit respecté. Le plan polonais, qui nous a été soumis, remplissait parfaitement les exigences du règlement sur la facilité pour la reprise et la résilience. C'est la raison pour laquelle la Commission a approuvé le plan polonais. Un objectif du plan fait l'objet d'une attention particulière : la réforme de la justice, et en particulier le régime disciplinaire des juges polonais. Cet élément fait partie du plan polonais : il est essentiel à la bonne utilisation des fonds publics européens. Cela implique qu'aucun paiement ne pourra être fait tant que cet objectif ne sera pas parfaitement rempli. Ce n'est pas le cas à ce stade et la Pologne n'a d'ailleurs pas émis de demande de paiement. Lorsque nous recevrons celle-ci, nous examinerons si les reformes mises en œuvre par la Pologne sont conformes aux exigences de la Cour de justice de l'Union européenne et si le régime disciplinaire des juges est conforme à l'état de droit. Si c'est le cas, nous serons ravis de pouvoir financer les réformes et les investissements en Pologne, comme dans l'ensemble des autres États membres.

Vous avez raison de souligner l'urgence et l'importance des nouvelles ressources propres. Nous avons fait une première série de propositions l'année dernière qui ne sont pas totalement suffisantes. Nous travaillons à d'autres propositions qui devraient être formulées prochainement.

Enfin, REPowerEU a été la réponse de la Commission afin d'accélérer la transition climatique et énergétique et d'aider les États à sortir de leur dépendance à la Russie. Il y a encore 225 milliards d'euros d'emprunts qui n'ont pas été demandés et il existe une possibilité pour les États membres d'utiliser les fonds structurels pour cet objectif particulier. La Commission propose également d'acquérir 20 milliards d'euros supplémentaires en mettant aux enchères des certificats ETS (Emissions Trading System) de manière anticipée. Ces 20 milliards permettront de financer des investissements et des réformes susceptibles d'accélérer la transition énergétique et de se désengager des approvisionnements russes, sur le même modèle que le plan de relance et de résilience

La Cour des comptes européenne fait part de ses réserves en estimant qu'il n'y a pas assez d'argent engagé. Or la Commission est allée chercher l'argent là où il y en avait encore et ne souhaitait pas solliciter davantage les États membres. Nous avons essayé de mobiliser tous les financements disponibles pour cet objectif, il sera toujours possible d'évaluer les besoins restants une fois que les réformes et les investissements auront été mis en œuvre.

En ce qui concerne le risque évoqué de renationalisation de REPowerEU, les politiques entreprises dans le cadre du plan sont des politiques européennes. L'efficacité climatique, avec par exemple l'isolation des bâtiments, est une politique européenne. Mais sa mise en pratique se fait bien évidemment au niveau national et local, avec des moyens mis à disposition par l'Union. La seule exception à ce raisonnement concerne les infrastructures énergétiques transfrontalières. Ce n'est l'objectif de personne de déployer de nouveaux gazoducs ou oléoducs. Nous devons nous désengager des combustibles fossiles. Des investissements ciblés à fort ancrage territorial seront toutefois possibles.

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