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Intervention de Brigitte Henriques

Réunion du jeudi 5 octobre 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Brigitte Henriques, ancienne présidente du CNOSF :

Je vous remercie de m'avoir conviée à cette audition. Je suis ravie de pouvoir y participer. J'aimerais tout d'abord revenir sur mon action au sein du CNOSF. Dans le projet politique qui était le mien qui avait été co-construit avec l'ensemble des présidents lors de la campagne, nous avons considéré que la priorité pour le mandat 2021-2025 serait de renforcer le rôle du CNOSF et la représentation des dix-sept millions de licenciés, des trois millions de bénévoles et du million d'éducateurs qui le composent ainsi que de ses cent neuf fédérations. Il s'agissait aussi de mettre le CNOSF au service de ses membres et des territoires. La particularité de ma vision politique était que les comités départementaux olympiques et sportifs (CDOS) et leurs équivalents régionaux (CROS) devaient bien évidemment mettre en place leurs propres projets locaux, riches de leur connaissance du terrain, mais aussi décliner les priorités de ce projet politique national. Cela représentait une évolution par rapport au mandat précédent compte tenu de l'absence de rapport hiérarchique avec ces instances territoriales, qui pourtant sont les plus proches des clubs et des licenciés.

À partir de ce projet politique sur la base duquel j'ai été élue avec 58 % des voix, j'ai souhaité en premier lieu mettre en place, au sein du CNOSF, les structures nécessaires au déploiement opérationnel du projet. Mon programme politique comportait six axes : la sortie de la crise du Covid ; mettre le CNOSF au service de ses membres et des fédérations ; les grandes causes nationales (incluant les thématiques de l'éthique et de la lutte contre les discriminations, la santé et l'éducation) et la lutte contre le dopage (avec la création d'un département dédié) ; la transformation économique des fédérations – afin qu'elles ne soient plus dépendantes des subventions étatiques et des licences ; les relations internationales ; la réussite des Jeux (performance, mobilisation du mouvement sportif et héritage des Jeux).

Autre changement en ce début de mandat, je souhaitais mettre en place une gouvernance partagée et donc faire en sorte que les vice-présidents soient investis d'une délégation – ce qui était une évolution – et travaillent en binôme avec les directeurs afin d'être parties prenantes du projet et surtout de challenger les propositions des différents services.

Ma première grande décision, en lien avec la loi du 2 mars 2022, a été de rendre la composition du bureau exécutif paritaire (six hommes et six femmes), avec une présidente, une secrétaire générale adjointe et d'autres femmes vice-présidentes, et bien sûr six hommes tous présidents de fédérations. J'ai également fait en sorte qu'il y ait autant de directrices que de directeurs et surtout – car certains postes étaient vacants – que les écarts de salaires entre les hommes et les femmes puissent être réduits à ces postes. J'ai aussi demandé que les recrutements des membres de commissions soient organisés de manière à atteindre la parité. Cet objectif n'étant pas simple à atteindre, j'ai consenti à ce qu'un seuil de 40 % de femmes soit mis en place pour la première année de mon mandat. Enfin, j'ai fait en sorte que toutes les commissions institutionnelles soient dirigées par un homme et une femme aux postes de président et de vice-président. J'ai donc souhaité que nous montrions l'exemple en matière de gouvernance.

Pour rappel, en 2017, j'étais à la fois vice-présidente du CNOSF et vice-présidente de la FFF. À cette époque, j'ai animé des débats au sein du CNOSF à la demande de M. Masseglia sur des sujets tels que la parité, le nombre de mandats et les droits de vote des clubs. En 2019, j'ai été fortement sollicitée pour l'organisation de la Coupe du monde 2019 féminine en France. Durant cette période, j'étais donc moins impliquée au sein du CNOSF mais en tant que présidente, j'ai pu reprendre mes positions.

Je suis donc bien évidemment engagée depuis très longtemps en faveur de la parité. C'est mon combat de vie. Pour rappel, à l'époque où j'ai voulu jouer au football, les clubs n'acceptaient pas les femmes. Quand je faisais partie de l'équipe de France de football, nous n'avions pas accès au stade et nous nous préparions dans des conditions minimales. Mon engagement vise donc à permettre aux femmes de faire du sport mais également de pouvoir devenir entraîneures, arbitres, dirigeantes, etc.

Ma position à propos de la loi du 2 mars 2022 n'était pas nécessairement partagée par l'ensemble du mouvement sportif, mais j'ai finalement réussi à convaincre mes interlocuteurs. Je considérais en premier lieu qu'il était primordial de savoir combien de femmes occupaient des postes de responsabilité dans les organes de gouvernance, car cette information n'était pas connue pour les cent neuf fédérations. Nous avons alors constaté qu'il manquait environ trois cents femmes sur ces postes. D'où la création du Club des 300 dont je vous dirai quelques mots ensuite. Nous avons effectué un autre décompte au niveau régional et nous avons constaté qu'il y manquait trois mille femmes. Durant mes trente-cinq années d'engagement, j'ai toujours entendu que les femmes, on ne les trouvait pas… Mais ce n'est pas vrai, nous avons simplement besoin de constituer un réservoir dans lequel on identifie ces femmes. Il faut aussi les accompagner et les valoriser. La parité, ça ne se décrète pas, ça se construit. J'ai toujours parlé de mixité avant que de parler de parité, parce que je pense qu'une fois qu'au fil du temps, il a été possible de construire ce réservoir, une première case peut être cochée. La deuxième case à cocher est de trouver des hommes qui s'engagent et qui soient convaincus que la parité est une plus-value pour n'importe quelle organisation. Cela a été prouvé dans le monde de l'entreprise mais ce n'était pas le cas pour le mouvement sportif. La parité n'est pas qu'une affaire de femmes, c'est une affaire d'hommes et de femmes. L'idée était donc que la constitution de binômes mixtes offrirait de nombreuses possibilités : un travail d'équipe différent, une productivité accrue, le partage de convictions complètement différentes, etc. Il était donc important d'avoir des hommes portant ces idées. C'est aussi pour cela qu'il était important d'avoir des hommes co-présidents, et un bureau exécutif paritaire. J'avais avec moi des présidents qui étaient engagés en faveur de la mixité. Nous avons enfin créé le club de la mixité au sein du CNOSF.

Il est important de préciser que ce sont les présidents de fédération qui devaient proposer des candidates au CNOSF pour rejoindre le Club des 300. J'avais mené une expérience similaire au niveau de la FFF. Une fois encore, si ce ne sont pas les présidents de fédération eux-mêmes qui proposent des candidates, ce n'est plus une affaire d'hommes et de femmes, et le projet n'est plus porté par l'institution toute entière. La volonté politique est indispensable à l'atteinte de la parité.

J'avais donc souhaité que l'objectif de parité soit reporté à 2028 pour les territoires car comme vous le savez certainement mieux que moi, et comme les auditions précédentes l'ont montré, des contournements sont toujours mis en place. Il était insupportable pour moi d'entendre qu'une fois que la loi serait mise en place au niveau national ou régional, des modes de contournement allaient apparaître : des sièges destinés à des femmes resteraient vides car les fédérations ne « réussiraient » pas à les trouver. J'étais pour la parité effective et j'ai donc formulé une demande de fixer l'échéance à 2028 pour les territoires. Les deux raisons à cela étaient que la parité nécessite un certain temps pour se construire, et que les bénévoles sont difficiles à trouver à tous les échelons dans certaines fédérations étant donné que ces derniers sont déjà fortement impliqués au niveau des clubs et au niveau national. Il est donc parfois difficile de les mobiliser au niveau régional ou départemental. Pour autant, je suis certaine qu'avec des démarches proactives et volontaristes – et des moyens bien entendu – nous y parviendrons.

Je parle ici de la parité en nombre. Mais le mouvement sportif est-il prêt à révolutionner sa gouvernance pour permettre aux femmes d'accéder aux postes à responsabilités ? Je suis la preuve réelle que ce n'est pas le cas. On accepte aujourd'hui de voir des femmes au sein des instances de gouvernance mais sont-elles acceptées à leur tête ? Il y avait trois femmes présidentes de fédération : une n'a pas été réélue, une autre n'a pas été réélue alors qu'elle faisait office d'intermédiaire… S'il s'agit simplement de faire participer les femmes à la gouvernance et de se donner bonne conscience, sans que les femmes puissent jamais briser le plafond de verre et accéder aux responsabilités suprêmes sans risquer de se faire « tuer » ensuite pour porter des idées jugées trop révolutionnaires… Force est de constater que celles qui deviennent numéro un ne le restent pas longtemps.

En ce qui concerne le nombre de mandats, un débat a eu lieu au sein du CNOSF. Il s'est même prolongé après la promulgation de la loi. Je suis très partagée. Il peut être difficile de « décrocher » d'une fonction de président de fédération. Pour autant, en ayant une vision pragmatique, le premier mandat sert à mettre en place les fondations d'une réforme, le deuxième à faire en sorte qu'elle fonctionne et le troisième à en récolter les fruits. Cela représente donc douze ans. Cependant, si cela ne fonctionne pas, le renouvellement avant le troisième mandat est parfois nécessaire. Cela étant, j'ai aussi beaucoup travaillé à l'international, à travers la FFF ou le CNOSF, et il est vrai que pour devenir président ou secrétaire général d'une fédération internationale, avoir accompli trois mandats apparaît comme une nécessité. Il ne s'agit donc pas seulement d'être membre mais d'être numéro un ou numéro deux. Lorsque la France n'est pas présente à ces postes de numéro un ou de numéro deux au niveau international, son influence sur des décisions parfois très importantes est insuffisante. C'est la raison pour laquelle, avec Mme Roxana Maracineanu, à l'époque où j'étais vice-présidente, nous avons fait en sorte de ne pas « tirer une balle dans le pied » aux présidents et présidentes qui souhaitaient pouvoir représenter le sport français à l'international.

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