S'agissant de notre montée en puissance en Indo-Pacifique, il faut distinguer deux aspects complémentaires.
D'abord, il faut plus de moyens, et plus récents, sur place. Il faut rompre avec la logique consistant à réserver à nos outre-mer les moyens les plus rustiques ou les plus âgés. Un virage à 180 degrés s'impose. Nous devons nous persuader que les outre-mer sont des outils essentiels pour renforcer la présence et la puissance de la France dans cette région, pour protéger notre souveraineté et gagner en influence.
Les avions Casa de La Réunion et de Polynésie française sont de vieux avions qui n'ont pas l'allonge nécessaire pour remplir des missions de soutien, voire de surveillance. Yannick Chenevard a rappelé le manque de moyens pour assurer la présence de l'État en mer. Les Casa participent à la surveillance de la pêche illégale, mais les pêcheurs, malgaches le plus souvent, savent quand ils passent et échappent à leur surveillance. Quant aux hélicoptères Puma, dont la moyenne d'âge est 50 ans, ils ne sont plus adaptés aux missions.
Il faut aussi travailler sur la complémentarité entre les moyens aériens et ceux de la marine. Nous avons l'habitude du air-land integration ; il faudrait faire aussi du air-sea integration. Les outre-mer en général, et la zone indo-pacifique en particulier, sont le lieu idoine pour développer ce travail interarmées et la complémentarité des deux forces.
Nos forces de souveraineté jouent notamment un rôle essentiel dans la lutte contre l'immigration illégale – voilà un début de réponse à votre question, monsieur Jacques, sur les moyens –, notamment à Mayotte. Elles préviennent également l'exploitation des fonds marins et des ressources de notre zone économique exclusive (ZEE), dont 93 % sont en Indo-Pacifique.
Parmi les moyens plus modernes à installer dans la région figurent les drones de l'AAE, en complément ceux de la Marine. Les drones Reaper rapatriés du Niger pourraient être déployés à La Réunion ou en Polynésie, pour répondre aux besoins de surveillance. L'utilisation des ALSR en Indo-Pacifique offrirait également une plus-value.
Outre ce renforcement capacitaire en moyens plus modernes et plus efficients, il faut que nos bases, qui ne sont pas des confettis d'empire, puissent accueillir dans la durée des opérations de projection de puissance, ce qui nécessite une transformation des infrastructures. Ce qui se fait de mieux dans nos armées pour échapper à la tyrannie de la distance, c'est le triptyque A400M-MRTT-Rafale. Or pour accueillir ces appareils, il faut des hangars et des soutes à munitions complexes telles que le système de croisière conventionnel autonome à longue portée (Scalp) ou le missile air-air à longue portée (Meteor).
Pour renforcer nos capacités de projection dans la région, il faudra aussi développer des points d'appui. C'est tout l'enjeu de l'exercice Pégase 2023, qui participe de la diplomatie aérienne : aller à la rencontre de pays de la zone appréciant notre position singulièreet équilibrée, avec lesquels nous pouvons travailler. L'Indonésie, par exemple, pourrait être un point d'appui permettant de rayonner plus loin vers l'Est et vers la Polynésie.