Le PLF 2024, qui est le premier budget de la LPM 2024 – 2030, est, comme les précédents, conforme à la programmation.
Le budget de la défense, qui était de 32,3 milliards en 2017, s'élèvera en 2024 à 47,2 milliards d'euros, franchissant la marche de 3,3 milliards d'augmentation par rapport au budget 2023, dont 310 millions supplémentaires en CP pour l'armée de terre, soit une augmentation de 16 %. Le montant du budget opérationnel des forces terrestres est ainsi porté à 2,19 milliards en CP, afin de financer le renforcement de leur cohérence, tout en permettant d'accompagner leur transformation.
Ce budget est d'abord placé sous le signe de la cohérence, conformément aux orientations de la LPM.L'une des dimensions essentielles de cette cohérence réside dans le niveau de préparation opérationnelle de nos armées. L'augmentation des crédits du BOP Terre sera mise à profit grâce à un effort important réalisé au bénéfice de l'entretien programmé des matériels (EPM), avec une hausse significative de 19 %.La hausse des crédits dédiés à l'EPM contribuera à améliorer le niveau de disponibilité des matériels et permettra de maintenir le niveau d'activité des forces terrestres. Cette augmentation bénéficiera principalement à la poursuite des opérations de modernisation du véhicule blindé léger (VBL) dans sa version Ultima, à la pérennisation du char Leclerc et à la notification de nouveaux marchés de maintien en condition opérationnelle (MCO), notamment celui de l'hélicoptère Tigre.De plus, au-delà de l'augmentation des crédits, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) a entamé une démarche visant à améliorer la performance du MCO grâce à un plan d'optimisation des dépenses, à travers notamment à la renégociation des contrats – recommandée dans mon précédent rapport – pour y inclure davantage d'exigences en matière de stocks de pièces de rechange
Sur le plan capacitaire, le recadencement des cibles du programme Scorpion ne remet pas en cause l'accomplissement du contrat opérationnel des forces terrestres. Le PLF 2024 permet de poursuivre la modernisation engagée. Ainsi, 25 % de la cible Scorpion devrait être atteinte fin 2023 et 36 % en 2024. En 2024, quarante-cinq Jaguar, 253 Griffon et quatre-vingt-dix-sept Serval supplémentaires seront commandés ; quand 138 Griffon, 103 Serval et trente-trois Jaguar, ainsi que les huit premiers véhicules blindés mortiers embarqués pour l'appui au contact (Mepac) seront réceptionnés.
Le budget relatif aux équipements d'accompagnement et de cohérence (EAC) s'établit à 261 millions, soit une hausse de 7 %. Ces crédits permettront de couvrir les besoins en entraînement des forces terrestres et d'entamer la remontée de certains stocks critiques, en priorité ceux des obus de 155 mm et des mortiers de 120 mm, lesquels feront l'objet de deux marchés-cadres d'acquisition, ce que nos industriels apprécient. Par ailleurs, les crédits d'infrastructures enregistrent une forte augmentation de 41 %, qui permet de poursuivre l'adaptation des infrastructures de préparation opérationnelle et de préparer l'arrivée des nouveaux équipements.
Si le PLF 2024 contient de nombreuses améliorations permettant à l'armée de terre de poursuivre sa remontée en puissance, les forces terrestres feront face à deux défis principaux en 2024 : le défi humain et celui de la préservation du niveau d'activité opérationnelle.
D'une part, l'armée de terre rencontre des difficultés de recrutement, qui nécessitent que nous soyons attentifs à la fidélisation de nos militaires, dans un contexte marqué par la réorganisation profonde des forces terrestres. Les efforts spécifiques annoncés par le chef d'état-major de l'armée de terre (Cemat), combinés à ceux du ministère et aux mesures de revalorisation indiciaire ciblées, doivent constituer autant de priorités pour fidéliser davantage de militaires.
D'autre part, 'engagement opérationnel demeure soutenu. Il suscite des défis accrus pour les militaires en matière de conciliation avec leur vie personnelle et familiale, et pourrait diminuer le temps disponible pour l'entraînement. L'année 2024 sera notamment marquée par un engagement important sur le territoire national lors des JOP 2024. Aussi, l'armée de terre doit-elle maintenir ses efforts pour atteindre les normes d'entraînement fixées par la LPM. Compte tenu de la forte inflation et de la prolongation dans la durée des efforts fournis en faveur de l'Ukraine, je demeurerai vigilant, comme l'année dernière, à la préservation, en gestion et dans les prochains exercices, du niveau d'activité des forces terrestres.
Avant de terminer mon propos relatif au budget, je voulais souligner que cette année, dans le contexte de durcissement des menaces internationales, la décision a été prise de placer sous la mention diffusion restreinte les données relatives à la disponibilité des matériels et à l'atteinte des normes d'entraînement Otan sur matériels majeurs. Si je partage – je ne suis pas le seul – la position du Gouvernement, qui a considéré que la publication de ces données est susceptible de fragiliser nos armées, je demeure attaché au bon exercice de la mission parlementaire de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, conformément à l'article 24 de la Constitution.
Je propose donc la création d'une instance au sein de laquelle la disponibilité opérationnelle des matériels et l'atteinte des normes d'entraînement puissent être débattues. Elle pourrait prendre la forme d'un comité restreint, constitué des membres du bureau de la commission de la défense nationale et des forces armées ainsi que des rapporteurs budgétaires, habilités secret-défense ès qualités, ce qui leur conférerait le droit de connaître ces sujets mais également le devoir de protéger les informations partagées auxquelles ils auraient accès. Cette année, 32 % des réponses à mon questionnaire budgétaire reçues à la date du 10 octobre étaient placées en diffusion restreinte. Une réflexion pourrait également être menée sur la proportion élevée des réponses qui ne peut être utilisée, afin que les rapporteurs budgétaires disposent des informations nécessaires à leurs travaux, tout en protégeant les informations qui doivent l'être.
J'en viens à la partie thématique de mon rapport, que j'ai choisi de consacrer à l'appropriation par les forces terrestres du retour d'expérience (Retex) de l'exercice Orion, auquel plusieurs d'entre nous ont participé aux côtés de nos militaires.
Cet exercice, qui a duré de février à mai 2023, a constitué un rendez-vous majeur pour nos armées. Première étape d'une nouvelle génération d'exercices, il participe d'un véritable changement d'échelle en matière de préparation opérationnelle. L'objectif était d'entraîner les armées françaises dans un cadre interarmées et multinational, selon un scénario réaliste et exigeant tenant compte des différents milieux et champs de conflictualité.
Orion a constitué un exercice inédit, dans son processus de planification, qui a nécessité une expertise de haut niveau, et sur le terrain, en raison de la complexité et de la diversité des manœuvres conduites, ainsi que des capacités de soutien mobilisées. Il ressort de mes travaux que le nombre de forces engagées, la durée de l'exercice ainsi que sa dimension multimilieux et multichamps ont été de véritables défis, que nos armées ont su relever. Pour y avoir participé à deux reprises, je puis dire que l'exercice est réussi.
Orion est un jalon important de la montée en puissance de l'armée de terre vers la préparation à la haute intensité. Il confirme la pertinence du modèle d'armée complet. Même si celui-ci manque d'épaisseur à certains égards, il constitue un socle solide pour la remontée en puissance des savoir-faire du combat de haute intensité, au moyen d'une préparation opérationnelle durcie, dont l'exercice ORION 2023 ne constitue qu'un premier jalon.
Les cinq principaux points d'attention du Retex confirment les grandes orientations de la transformation de l'armée de terre et constituent autant d'axes de progression.
Il faut renforcer l'entraînement du commandement, notamment au niveau corps d'armée, et la furtivité des postes de commandement (PC).
L'exercice a confirmé nos besoins capacitaires pour produire des effets dans la profondeur, s'agissant notamment de l'artillerie, des feux dans la profondeur, de la défense sol-air, des capacités en matière de drones et des munitions télé-opérées.
Il faut renforcer l'épaisseur logistique des forces terrestres en matière de dimensionnement des services de soutien, des appuis, ainsi que de niveau des stocks de munitions et de pièces de rechange. Il y va de la crédibilité de nos armées. Pour assurer le rôle de nation-cadre, la France doit être capable de fournir les appuis de niveau corps d'armée et division, ainsi que les soutiens nécessaires à l'intégration des nations alliées.
Il faut relever le défi de la performance et de l'interopérabilité des systèmes d'information opérationnels et de commandement.
Il faut relever le défi du réalisme de l'exercice et des outils de simulation.
Ces points d'attention ont été dans l'ensemble bien anticipés dans le cadre de la LPM. Ils confirment les orientations prises dans le cadre de la transformation des forces terrestres, au premier rang desquels l'accroissement du réalisme de la préparation opérationnelle, grâce notamment à la régionalisation des divisions, la création de nouveaux commandements et d'unités intégrant nativement les exigences du combat multi-milieux et multi-champs, et l'autonomisation accrue à l'échelon des brigades.
Ainsi, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.