Intervention de Jean-Charles Larsonneur

Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis :

Cette année, les ressources du programme 144 s'élèvent à 2,198 milliards en AE et à 1,968 milliard en CP, soit une hausse de 10 % des AE et de 3 % des CP. Ce budget est à la hauteur des engagements de la LPM 2024 – 2030, que notre Assemblée a votée à une très large majorité en juillet dernier. Pour la partie budgétaire de mon rapport, j'ai quatre points d'attention.

S'agissant des projets immobiliers de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), leur coût a sensiblement augmenté sous l'effet de l'inflation qui frappe le secteur du bâtiment, comme je le redoutais l'an dernier.

Le coût de la nouvelle direction centrale de la DRSD, qui sera livrée cette année, a augmenté d'environ 10 millions par rapport à son coût initial, pour s'élever à environ 90 millions d'euros. Dans le cas de la DGSE, le surcoût est estimé à 184,8 millions, soit une hausse significative de 17 %. Le calendrier de réalisation de ce projet a pris du retard, de sorte que l'emménagement, initialement prévu pour 2028, n'aura lieu qu'en 2032. J'ai auditionné des représentants de ces deux directions et resterai attentif à l'évolution de ces projets, en particulier à celui de la DGSE.

En ce qui concerne le budget dédié aux études amont, je me réjouis que l'objectif fixé dans la précédente LPM de porter l'enveloppe dédiée à l'innovation de défense à 1 milliard en CP soit maintenu. Ce budget ambitieux permettra à l'Agence de l'innovation de défense (AID) de poursuivre ses efforts dans les dix domaines d'innovation prioritaires identifiés par la LPM.

Toutefois, une analyse fine met en évidence une baisse des crédits dédiés aux projets d'accélération de l'innovation portés par les entreprises les plus innovantes et surtout par les PME. À titre d'exemple, les crédits du dispositif « régime d'appui à l'innovation duale » (RAPID) diminuent de 30 % en AE et de 12 % en CP, tandis que ceux du fonds Definvest baissent de 50 % en AE et en CP. Si les augmentations et les baisses de crédits peuvent fluctuer d'une année sur l'autre sans remettre en cause l'ambition initiale, et ce d'autant que le montant global est préservé, je serai vigilant sur ce point dans les mois à venir.

J'en viens au soutien apporté aux think tanks. En 2015, la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) a réformé son dispositif de soutien à la recherche stratégique pour soutenir davantage le vivier des chercheurs français. Plusieurs programmes ont été mis en place. Ils ont porté leurs fruits. Toutefois, les représentants de trois think tanks français que j'ai auditionnés m'ont fait part de difficultés persistantes. Il sera nécessaire de dresser un bilan de la réforme afin d'identifier les moyens de soutenir mieux encore nos centres de recherche.

S'agissant du projet de fusion de l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) de Paris et de celle de Bretagne, j'ai fait part l'an dernier de mon souhait qu'il prenne corps. Lors de sa dernière audition, le ministre des Armées a indiqué avoir demandé aux autorités de tutelle d'accompagner le rapprochement des deux écoles. Je me réjouis que ce projet soit en bonne voie. Je resterai vigilant aux cursus des étudiants pour que les élèves ingénieurs des études et techniques de l'armement (IETA), de statut militaire, soient traités au même niveau que les élèves civils.

J'en viens à la partie thématique de mon rapport, consacrée à la présence militaire française à Djibouti. J'ai choisi ce thème pour deux raisons : d'abord parce que ce partenariat unique mérite d'être mieux connu ; mais également parce que la coopération de défense entre la France et la République de Djibouti est encadrée par un traité de coopération militaire et de défense signé en 2011, ratifié en 2014 et qui expirera le 30 avril 2024. Il m'a donc semblé pertinent de dresser un état des lieux de notre coopération bilatérale de défense.

Je me suis rendu à Djibouti du 19 au 22 septembre. Je m'y suis notamment entretenu avec M. Dileita Mohamed Dileita, président de l'Assemblée nationale, avec le général de corps d'armée Zakaria Cheikh Ibrahim, chef d'état-major général des armées, et avec M. Mohamed Ali Hassan, secrétaire général du ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale.

Je tire de mes travaux trois conclusions.

D'abord, la présence militaire de la France à Djibouti revêt une importance capitale pour nos armées. Grâce à ce positionnement stratégique, notre pays dispose d'une capacité de projection unique dans des espaces clés tels que la mer Rouge, le détroit de Bab-el-Mandeb et l'océan Indien. Cette capacité est indispensable à notre stratégie dans la zone indopacifique.

Forte de plus de 1 450 hommes, les Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) constituent une force interarmées disposant d'un spectre complet de capacités. La France est le seul pays de l'Union européenne (UE) à posséder de telles capacités militaires dans cette zone, dont toute l'Europe dépend pour son approvisionnement. Ces forces constituent également un point d'appui essentiel pour l'opération européenne Atalante de lutte contre la piraterie dans la mer Rouge.

Ensuite, les FFDj bénéficient d'un excellent niveau de coopération avec les forces armées djiboutiennes (FAD). Contrairement aux autres États qui y sont présents – les États-Unis, la Chine, le Japon et l'Italie –, la France a pour mission de contribuer au maintien de l'intégrité territoriale de Djibouti, en application de la clause de sécurité inscrite à l'article 4 du traité de coopération militaire et de défense, qui fait la singularité de notre partenariat bilatéral.

Au surplus, nos relations avec les FAD sont excellentes. De très nombreux projets de coopération et de formation resserrent chaque jour les liens entre nos deux armées. Près de 70 % des actions menées par les FFDj sont dédiées à la formation des FAD, notamment avant leur déploiement au sein de la mission de transition de l'Union africaine en Somalie (ATMIS).

Enfin, j'estime que nous devons approfondir ce partenariat. Par-delà les chiffres, j'ai constaté qu'il y a une envie de France à Djibouti, sous l'angle de notre contribution à la souveraineté du pays, mais aussi de la perspective de développer un partenariat global incluant une dimension civile. Lorsque les FFDj se déplacent, elles sont acclamées et la population vient à leur rencontre. Au demeurant, les militaires français participent à la vie civile du pays en vivant au sein de la population djiboutienne.

Le futur traité de coopération militaire et de défense est en cours de négociation. Compte tenu de la séparation des pouvoirs et des dispositions de l'article 52 de la Constitution, je n'ai pas vocation à en connaître les contours ni à en commenter les termes. Je n'en suis pas moins persuadé, sur la base de mes observations et des échanges que j'ai eus, non seulement que cette négociation aboutira, mais qu'elle ne sera fructueuse qu'à la condition qu'elle s'inscrive dans un cadre plus vaste excédant les enjeux militaires.

La France est présente à Djibouti de multiples manières. Seule une approche globale de la relation bilatérale permet d'apprécier à leur juste valeur la teneur et la profondeur des liens qui nous unissent. Les actions civileo-militaires, l'aide au développement, la francophonie et le développement économique sont autant de domaines dans lesquels la France doit faire davantage pour resserrer ses liens avec ce pays ami.

Je tiens à remercier les Djiboutiens, qui nous ont réservé un excellent accueil, ainsi que les FFDj et les équipes de l'ambassade de France à Djibouti, qui œuvrent chaque jour avec brio, dans un environnement difficile, au rapprochement de nos deux pays.

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