Puisque vous ne voulez pas associer l'Assemblée nationale à l'exercice d'une loi de programmation des finances publiques, je vous propose que nous commencions cet exercice ensemble, madame la Première ministre, depuis cette tribune.
Une loi de programmation doit d'abord permettre de tracer des perspectives ; ce n'est pas un exercice consistant à aligner des chiffres pour faire plaisir à Bruxelles ou aux agences de notation.
Il y a exactement cinquante ans, en 1973, Pierre Mendès France a publié un manuel intitulé Science économique et lucidité politique, où il démontre que l'économie n'est rien sans la politique, et que la politique ne saurait faire abstraction totale des lois économiques. Soulignant la multitude des paramètres et la complexité des situations, il écrivait à propos de la responsabilité de l'État : « Une action publique éclairée, continue, énergique, est nécessaire. » Pour la conduire, il insistait sur l'intérêt de la planification. Une loi de programmation des finances publiques devrait en effet reposer sur une planification de l'élan que vous souhaitez donner au pays.
Ainsi devrait-elle intégrer les objectifs pour la transition écologique que vous avez présentés en mai dernier, madame la Première ministre. Vous constaterez avec moi que ce n'est pas le cas, puisque le texte que vous voulez faire adopter par 49.3 est celui que vous avez écrit en 2022, bien avant de présenter ces objectifs. Elle devrait mettre en avant l'élan à donner à notre pays pour réaliser la transition écologique, mobiliser toutes les forces vives, donner une perspective crédible et préciser comment elle sera financée.
Faute d'une telle ambition, votre projet de loi de programmation des finances publiques est un exercice abstrait que vous accomplissez pour dire à Bruxelles que vous l'avez fait.
Ensuite, une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques doit tenir compte des urgences du pays. Là encore, madame la Première ministre, l'objectif n'est pas rempli. Le groupe Socialistes et apparentés a déposé une proposition de contre-budget pour 2024, dans laquelle nous identifions cinq urgences et nous proposons une refonte de la trajectoire budgétaire que vous avez fixée.
Si on jette un regard sur le passé, on observe qu'aucune réduction du déficit public de 0,5 point de PIB par an, comme celle que vous inscrivez dans ce projet de loi, ne s'est faite alors que la croissance économique était inférieure à 2 % par an. La seule exception est la réduction du déficit en 2013, qui a endommagé l'économie du pays.
L'alternative est donc la suivante : soit le Gouvernement n'entend pas respecter cette trajectoire, et alors il ment à Bruxelles et au peuple français ; soit il la respecte, ce qui conduira inéluctablement à casser notre économie.
Comme je le disais, le groupe Socialistes et apparentés a identifié cinq urgences et a conçu un budget pour y répondre, ce qu'il nous paraît très important de faire.
Premièrement, les Français connaissent une grave crise du pouvoir d'achat. Nous vous avons fait plusieurs propositions : le Smic à 1 600 euros, l'instauration des repas à 1 euro au centre régional des ?uvres universitaires et scolaires (Crous) pour tous les étudiants ou le blocage des prix de première nécessité pour nos concitoyens d'outre-mer.
Deuxièmement, il faut répondre à la crise sanitaire et sociale historique à laquelle nous faisons face.