Intervention de Isabelle Santiago

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2023 à 16h00
Protection des enfants victimes de violences intrafamiliales — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Santiago, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je suis ravie de vous retrouver pour l'examen en deuxième lecture de cette proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, que j'avais déposée dès le début de la nouvelle législature. Ce texte a été adopté à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale, le 9 février dernier, lors de la niche du groupe Socialistes et apparentés.

La proposition de loi revient en deuxième lecture dans le cadre de la navette parlementaire. Elle a fait l'objet d'un travail transpartisan, qui explique jusqu'à présent l'unanimité. J'espère qu'il en sera de même ce soir. C'est l'intérêt général, celui des plus vulnérables et des enfants victimes.

Il est nécessaire de mieux protéger les enfants des violences qu'ils subissent au sein de leur famille, qu'ils en soient les victimes directes ou les covictimes. Pour mémoire, 400 000 enfants vivent dans un foyer dans lequel s'exercent des violences conjugales et, chaque année, 160 000 subissent des violences sexuelles en France.

La mise en sécurité rapide de l'enfant et un accompagnement médico-social adapté sont indispensables pour limiter les effets négatifs de ces expériences traumatiques – l'Organisation mondiale de la santé (OMS), notamment, l'a mis en évidence.

Il faut garantir la sécurité physique et psychique des enfants : il est vain de soigner un enfant qui côtoie toujours son agresseur et rien n'est plus créateur d'inégalités dans sa construction que l'insécurité dans la maison pour un enfant. La proposition de loi s'attache donc à agir vite lorsque l'enfant est en danger, pour limiter les relations voire, dans les cas les plus graves, rompre le lien entre l'enfant et le parent violent ou agresseur.

En première lecture, le Sénat a largement modifié la proposition de loi. Il est revenu sur les principales avancées prévues à l'article 1er .

Je regrette qu'il n'ait jusqu'ici pas été possible d'aboutir à une version commune du texte. J'espère que lorsque les sénateurs l'examineront à nouveau, ils l'adopteront avec le moins de modifications possible. Je mettrai toute ma détermination à ce que la navette parlementaire aboutisse : il y a urgence à adopter cette proposition. Il s'agit d'un texte attendu, élaboré à partir des préconisations de la Ciivise et fruit d'un travail de longue haleine. Il est désormais temps de l'adopter définitivement.

Le mois dernier, la commission des lois a approuvé à l'unanimité une rédaction conforme à l'esprit de la première lecture de la proposition de loi à l'Assemblée au mois de février. Elle l'a améliorée sur certains points – nous avons recherché l'équilibre en reprenant les apports des sénateurs, dont plusieurs articles très intéressants, tout en rétablissant l'article 1er , essentiel à nos yeux. J'espère que cette proposition de loi sera donc adoptée à l'unanimité tout à l'heure, comme elle l'a été en première lecture.

L'article 1er prévoit la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Elle intervient dès le stade des poursuites, lorsque le parent est mis en cause pour les infractions les plus graves – un crime sur la personne de l'autre parent, une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant. Dans ce cas, la suspension court jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, la décision de non-lieu du juge d'instruction ou la décision du juge pénal.

La suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement s'applique aussi en cas de condamnation pour des violences conjugales ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits.

Cette dernière précision a fait débat et beaucoup s'en sont émus. Je veux donc, comme cela a été fait en commission des lois, rappeler ce qui constitue le cadre légal, tel qu'il a été défini par la loi du 3 août 2018 – nous ne sommes actuellement pas très nombreux en séance, mais je m'adresse aussi à ceux qui nous écoutent. Le droit entend ici « présence » dans une acception large. Assister aux faits ne se limite pas à être témoin oculaire. L'enfant peut être considéré comme témoin des violences sans les voir ni les entendre, ni même être dans la pièce au moment où les faits sont commis. Il suffit qu'il soit témoin des conséquences directes de ces violences, même après qu'elles ont été commises.

Les juridictions se sont rapidement approprié ces dispositions : la circonstance aggravante constituée par la présence de l'enfant a été invoquée dans 43 condamnations en 2018, dans 8 765 en 2022. Les juridictions comprennent donc bien l'enjeu. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette augmentation marquée qui témoigne de la prise en compte des évolutions législatives, même s'il faut aller plus loin.

La suspension des droits de visite et d'hébergement est strictement nécessaire. Il faut envoyer un message clair aux victimes de ces violences pour leur dire que nous les croyons – la raison l'impose. Toute autre attitude y est contraire. Nous ne risquons pas d'inventer des victimes, mais de passer à côté d'enfants qui sont en danger et qu'il faut protéger. Continuer à rencontrer son parent mis en cause, y compris lors de visites médiatisées, engendre chez l'enfant un sentiment d'insécurité tant physique que psychique. Il faut faire passer la sécurité de l'enfant avant tout.

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