Cette proposition de loi est une juste réponse de la France à la nécessité de garantir à tout être humain le respect qui lui est dû. Elle constitue également une forme de réparation. Les restes humains ont un statut flou, étant tour à tour qualifiés de biens culturels ou de sujets humains. L'avancée prévue dans le texte tire les leçons d'une juste réflexion éthique sur le statut des corps humains post mortem et sur le respect de leur dignité : les restes humains ne sont pas des biens culturels comme les autres et il était indispensable de leur réserver un traitement particulier.
Jusqu'alors, la décision de procéder à des restitutions était prise au cas par cas. C'était parfois – souvent – le fait du prince qui prévalait. La procédure envisagée, qui implique la création d'un comité compétent et d'analyses scientifiques adaptées lorsqu'un doute demeure sur l'identification d'un reste humain, est plus qu'indispensable : elle est primordiale. Mais comment la réaliser concrètement ? Chacun se souvient en effet de l'affaire désastreuse de la restitution à l'Algérie, à l'initiative d'Emmanuel Macron, de crânes de résistants algériens dont certains n'avaient pas été correctement identifiés. Ce nouvel épisode est venu contrarier l'idylle franco-algérienne voulue par le Président de la République, qui aurait souhaité en tirer un avantage diplomatique. Où en est, d'ailleurs, le règlement de cette affaire humiliante pour la France ?
Les élus du groupe Rassemblement national soutiendront cette proposition de loi, mais nous attirons votre attention sur les questions qui restent à régler. Selon les termes de cette proposition de loi-cadre, la sortie du domaine public des restes humains serait exclusivement réservée à leur restitution à un État étranger, à des fins funéraires. Quelles garanties aura-t-on que ces conditions seront respectées ? Quel contrôle sera possible ?
L'ancienneté des restes potentiellement concernés par le texte pose aussi question. N'a-t-elle pas été fixée de façon arbitraire ? Le Rassemblement national, à cet égard, rejoint plutôt l'approche britannique, qui est différente.
Par ailleurs, peu d'États réclament à la France ce type de restitutions. Que conclure lorsque la communauté bénéficiaire ne veut pas récupérer les corps de ses ancêtres, comme c'est le cas dans le Wamba, en République démocratique du Congo, où la communauté refuse le rapatriement de ces « fantômes » qui menacent sa stabilité spirituelle et émotionnelle et ne partage pas notre discours sur la restitution des restes humains ? Les enjeux scientifiques, culturels et éthiques sont complexes : on commettrait une nouvelle erreur en leur appliquant systématiquement nos grilles de lecture et schémas de pensée occidentaux.
Nous réclamons donc l'instauration d'une information régulière et concrète du Parlement, sous la forme d'un rapport annuel présentant les demandes de restitution pendantes, les décisions de sortie des collections prises au cours de l'année écoulée et les travaux préparatoires associés, ainsi que les restitutions effectivement entreprises et les conditions dans lesquelles elles sont intervenues.
Enfin – dernier point qui nous paraît important –, parmi les conditions requises, les demandes de restitution doivent émaner d'un État, ce qui exclut celles qui proviennent des outre-mer. Il n'existe donc pas de cadre spécifique dédié à la question des restes humains ultramarins. C'est une anomalie de taille. Le texte exclut par exemple, de fait, la demande guyanaise concernant le peuple kali'na.
Si j'ai bien compris ce que vous avez dit en commission, monsieur le rapporteur et madame la ministre, rien n'est encore définitif à ce stade. J'ai justement déposé un amendement permettant de corriger ce manque. Nous comprenons en effet l'émoi de nos compatriotes ultramarins, exclus du dispositif. Il faut corriger cette injustice.
Nous porterons une attention particulière aux réponses apportées.