Intervention de Béatrice Descamps

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2023 à 16h00
Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Descamps :

Paul Valéry a écrit : « C'est la vie et non point la mort qui sépare l'âme du corps. » Le code civil dispose de façon à peine moins poétique que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ». La question posée aujourd'hui dans cet hémicycle est sensible et douloureuse ; elle touche à la dignité des morts et à la reconnaissance des vivants.

Les collections publiques françaises comptent plusieurs dizaines de milliers de restes humains non fossiles, des petits fragments d'os retrouvés lors des fouilles archéologiques aux restes issus de notre passé colonial et résultant parfois de captations patrimoniales, de vols, de pillages, de profanations de sépultures ou d'exécutions. Dans ces conditions, il semble légitime d'entendre la volonté de certains pays de rapatrier les restes humains identifiés comme les leurs et auxquels ils souhaitent apporter la dignité et le respect à travers des rites funéraires conformes à leurs cultures et à leurs traditions. Le principe de dignité du corps humain ne peut que nous mettre d'accord et nous conduire à saluer la volonté d'instaurer un cadre général pour la restitution des restes humains conservés dans les collections publiques. Je salue d'ailleurs à mon tour cette initiative transpartisane de nos collègues sénateurs et particulièrement l'engagement de longue date de Catherine Morin-Desailly.

Ces biens ne peuvent pas être considérés, perçus, ni traités comme de simples objets au prétexte qu'ils font partie de collections publiques : ce sont des corps humains, qui ont vécu et ont parfois fait l'objet d'un trafic sordide et macabre. Un véritable effort doit être fait pour identifier la provenance des restes humains conservés dans nos musées, en déployant les moyens financiers et humains nécessaires pour y parvenir. C'est la condition sine qua non d'une application réelle et efficace du texte soumis à notre examen, qui nécessite aussi de mieux former les étudiants et les professionnels à l'activité de chercheur de provenances et d'accompagner les établissements culturels dans leur rôle de médiation.

Je le répète, ce texte touche à la dignité des morts et à la reconnaissance des vivants. Le fait de reconnaître aux morts leur humanité relève d'un indispensable travail de mémoire, de justice et de respect. Il permettra aussi aux États étrangers, qui sont nos interlocuteurs en la matière, de recouvrer eux aussi une forme de dignité et de reconnaissance, tout en construisant des relations internationales fondées sur la confiance et le respect.

Le groupe LIOT se satisfait de ce texte équilibré. Une question, que nous avons déjà posée en commission, demeure toutefois : rien ne semble prévu en cas de refus d'une restitution. Que se passera-t-il le cas échéant ? Un recours sera-t-il possible ? Nous proposerons que soit au moins rendue systématique la publication des rapports et avis du comité scientifique sur les demandes de restitution, pour que la procédure soit totalement transparente.

Nous resterons aussi très vigilants concernant les restes humains des collections publiques n'émanant pas de l'étranger, mais de territoires français : 5 % des restes humains conservés dans les musées français proviennent des territoires d'outre-mer. Si nous les évoquons aujourd'hui, c'est parce qu'ils présentent souvent des profils et des parcours très similaires à ceux concernés par la présente proposition de loi. Bien sûr, nous comprenons que la procédure, dès lors qu'elle serait franco-française, doive être différente. Bien évidemment, des questions se posent : à qui restituer les restes, puisqu'il ne s'agit pas de nations étrangères ? Selon quelles modalités ? Comment définir les contours de cette procédure à inventer ? Toutefois, quels que soient les difficultés techniques rencontrées et le temps nécessaire pour les résoudre, cette question doit impérativement trouver une solution et les restes humains concernés doivent faire l'objet d'une inhumation dans les territoires ultramarins auxquels ils appartiennent. Nous serons attentifs sur ce point et sur la réflexion à mener, même si je sais que vous partagez notre volonté, madame la ministre – vous l'avez d'ailleurs réaffirmé.

Notre groupe votera en faveur de ce texte.

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