Nous avons besoin de faire face à notre passé pour mieux construire l'avenir de notre nation, et cela doit passer par des actes forts. La restitution des biens juifs spoliés pendant la seconde guerre mondiale était un premier pas ; celle des restes humains appartenant aux collections publiques en est un second. Il en restera d'autres à accomplir pour avancer vers la connaissance et la reconnaissance de notre histoire.
Plusieurs centaines d'établissements publics comptent des restes humains dans leurs collections ; une partie d'entre eux est d'origine étrangère, et certains sont directement issus d'anciennes colonies. Il est temps de reconnaître que le musée n'est pas un espace neutre qui n'aurait qu'une dimension esthétique : nos collections publiques sont le résultat d'une histoire parfois violente, faite de dominations et marquée par la colonisation. Il est important de le reconnaître aujourd'hui, en adoptant ce texte ayant trait aux restes humains, mais aussi demain, en soutenant un autre texte relatif à la restitution d'œuvres indûment acquises.
En effet, la création de nos musées et la collecte de ce dont ils regorgent ont souvent reposé sur une politique de saisie et de pillage des biens mais aussi des corps colonisés, qui est incompatible avec le principe de respect de la dignité humaine. C'est le cas des restes humains issus des exhibitions coloniales parisiennes, comme les zoos humains, et nous nous devons de dénoncer aujourd'hui ce qui était considéré hier comme une richesse, dans un contexte colonial : nous ne sommes pas les gardiens légitimes de ce que nos aïeux considéraient comme des trophées exotiques. Je pense ici à Saartjie Baartman, exhibée en Europe de 1810 à sa mort, en 1815, à Paris, puis disséquée et exhibée par les zoologues pour illustrer fallacieusement l'inégalité des races. Son corps n'a été restitué à l'Afrique du Sud qu'en 2002.
Nous ne devons pas craindre de regarder en face notre passé, car il est nécessaire de le faire. Cette partie de notre histoire reste une plaie au cœur de notre République, une plaie ouverte pour ses enfants descendants de colonisés, et une plaie enfouie pour ses enfants descendants de colonisateurs. Nous ne pouvons plus nous contenter de grandes déclarations d'intention : il nous faut prendre des actes forts et concrets, en organisant la restitution par une loi-cadre. Une telle loi est nécessaire, parce que la restitution de restes humains et d'objets spoliés est un principe aussi fort que l'inaliénabilité.
Nous devons aussi organiser la restitution des restes issus des territoires ultramarins français, et assurer la décolonisation de nos collections publiques. Nous devons en outre créer un musée national de l'histoire de la colonisation, idée que j'ai défendue lors des débats budgétaires, car il faut travailler à la décolonisation des imaginaires et de l'histoire officielle. Il est essentiel que la France se dote d'un lieu de pédagogie, d'histoire, de culture, de transmission et de débat en la matière. Cette partie de notre histoire reste en effet un sujet tabou dans notre République, et la création d'un tel musée contribuerait à une meilleure connaissance et à une meilleure compréhension de notre passé. Il est capital que nous nous livrions à cet exercice mémoriel, pour comprendre comment la France s'est construite et pour analyser la relation entre ce contexte historique et le racisme toujours bien présent dans notre pays.
Rappelons-nous qu'il ne peut y avoir de vivre ensemble sans un débat apaisé et sans lieux mis au service de la vérité, qui s'affranchissent d'un récit national systématiquement réécrit par les vainqueurs en étouffant la parole des victimes. Remettons cette mémoire au cœur de notre histoire commune, pour tisser et retisser les liens entre générations. Faisons-le également pour redonner toute sa vigueur au principe d'universalisme, qui a été dévoyé pour justifier la colonisation : si nous voulons l'employer à nouveau, nous devons reconnaître notre erreur à ce sujet.
Le groupe Écologiste appelle donc à voter pour la présente proposition de loi, dans un esprit similaire à celui qui avait prévalu lors de l'examen du texte relatif aux biens spoliés aux juifs pendant la seconde guerre mondiale. Il apparaît nécessaire – et je sais, madame la ministre, que vous vous y êtes engagée – que se tienne par la suite un débat ayant trait à l'ensemble des collections issues de la période coloniale française, assorti d'une loi-cadre permettant des restitutions fondées sur un avis scientifique, qui éclaire les décideurs et le débat public.