Intervention de Bertrand Sorre

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2023 à 16h00
Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Sorre :

En effet, cette loi-cadre vise à instaurer une procédure spécifique qui permettra d'arrêter de produire des lois de circonstance lorsqu'un État étranger fait une demande de restitution. Actuellement, les restitutions de restes humains sont extrêmement limitées. La procédure est difficile à mettre en œuvre et il est nécessaire de recourir à des lois au cas par cas qui ne sont pas satisfaisantes. Le Parlement s'est prononcé antérieurement sur deux lois d'espèce en faveur de restitutions. La première a été votée en 2002 et concernait la restitution à l'Afrique du Sud de la dépouille de Saartjie Baartman, dite « Vénus hottentote ». Quant à la seconde, elle a été adoptée en 2010 pour restituer vingt têtes maories à la Nouvelle-Zélande.

La proposition de loi a pour objectif de faire cesser le recours à des lois de circonstance et d'offrir un cadre juridique clair à ces demandes. Je tiens à souligner qu'afin de contrôler l'action du Gouvernement, le texte prévoit que le Parlement sera destinataire, tous les ans, d'un rapport relatif à l'application de cette procédure dans lequel seront recensées les demandes de restitution, les décisions de sortie du domaine public et les restitutions de restes humains intervenues. Il est à préciser que les restes humains des collections publiques ont bien souvent été acquis de manière illégitime, voire violente. Ces biens sont arrivés dans des conditions suspectes ; des peuples ont été fortement lésés. La loi n'est donc pas seulement technique, car elle prend en compte ces spoliations.

Ces collections sont particulièrement sensibles car elles se composent de corps humains, ou d'éléments de corps humains, auxquels il est nécessaire d'offrir un traitement respectueux, digne et décent. Les restes humains, de ce fait, ont un statut juridique particulier. Actuellement, le principe d'inaliénabilité des collections fait obstacle à leur restitution. Aussi, afin de préserver la dignité humaine, le texte ne permet-il les restitutions qu'à des fins funéraires et mémorielles, en créant une procédure spécifique qui offrira aux États demandeurs un cadre juridique strict. La rédaction actuelle permet de déroger au principe d'inaliénabilité des restes humains, tout en préservant un traitement respectueux et digne de ces biens. À ce jour, l'Australie, Madagascar et l'Argentine ont formulé des demandes de restitution. La majorité de ces demandes sont à des fins funéraires. Le texte correspond donc pleinement à la réalité. Si la proposition de loi venait à être adoptée, comme nous le souhaitons, elle pourrait d'ailleurs profiter à ces trois demandes.

Le texte permettra également une meilleure reconnaissance de la nature particulière de ces biens et une reconnaissance de leur valeur culturelle et cultuelle. Le retour de ces restes humains permettra de maintenir la cohésion dans certaines communautés. Les groupes d'humains issus des États demandeurs pourront enfin rendre hommage à leurs défunts et réaliser des cérémonies ou des cultes dans le respect de leurs croyances et de leur culture d'origine. La restitution des restes humains s'impose comme un dialogue plus poussé et plus respectueux entre les cultures.

La France possède actuellement de nombreux restes humains. Ces vestiges permettent à la communauté scientifique d'effectuer des études. Une proportion significative des ossements pourrait d'ailleurs faire l'objet de demandes de restitution. Cette nouvelle procédure permettra à la France d'ouvrir de nouvelles coopérations culturelles et scientifiques, puisqu'un comité scientifique paritaire représentant les deux États sera mis en place pour travailler sur les biens concernés. Elle permettra également d'apporter une transparence indispensable sur le travail scientifique effectué, puisque le rapport produit par le comité scientifique pourra être rendu public, si c'est le souhait des deux États. Cette loi-cadre pourra aussi ouvrir de nouvelles relations diplomatiques entre la France et les pays demandeurs, avec pour finalité la réparation des peuples lésés à travers la restitution de ces biens.

Enfin, le cas des outre-mer ne peut pas être traité dans ce texte mais la majorité a bien entendu les demandes de restitution émises par nos collègues ultramarins. Les dispositions proposées en commission ne peuvent pas être adoptées dans le cadre de la présente proposition de loi car il s'agit d'un texte interétatique – Mme la ministre et M. le rapporteur l'ont souligné plusieurs fois en commission.

Néanmoins, la réflexion ayant trait aux territoires ultramarins, notamment la Guyane et la Polynésie française, doit se poursuivre rapidement, en concertation avec le Gouvernement, afin d'instaurer une procédure spécifique les concernant. C'est l'objectif de l'article 2 du texte, qui prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement afin d'identifier les solutions possibles à ces demandes de restitution et, bien sûr, de les appliquer dans un délai qui soit le plus court possible.

Pour conclure, le groupe Renaissance votera bien entendu en faveur de ce texte ; nous espérons qu'il sera adopté à l'unanimité, comme au Sénat.

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