La question de la fongibilité me dépasse : elle tient, en effet, à la LOLF (loi organique relative aux lois de finances). En attendant qu'on en débatte, j'essaie d'avancer par des actes concrets. J'ai déjà évoqué la réinternalisation de certaines capacités, notamment le conseil en stratégie. Selon la DITP (direction interministérielle de la transformation publique), réinternaliser un poste de consultant représente environ 90 000 euros d'économies pour les finances publiques. Il faut mettre en regard la diminution des dépenses de prestations de conseil – la réduction de 35 % intervenue dans ce domaine représente des dizaines de millions d'euros – et les postes que nous créons en interne. S'agissant du numérique, j'ai annoncé un plan très volontariste de réinternalisation, correspondant à 500 ETP. Nous nous fixons pour objectifs non seulement de moins externaliser mais aussi de mieux capitaliser, au sein des administrations, sur les missions réalisées, afin d'améliorer la maîtrise des outils numériques et les capacités de pilotage. Voilà ce que nous faisons dès maintenant ; nous pourrons ensuite nous poser des questions plus principielles.
Je vais également dans le même sens que vous, madame la rapporteure pour avis, au sujet du discours relatif à la fonction publique. Nous mettons fin à des décennies de débat politique durant lesquelles, élection présidentielle après élection présidentielle, on se contentait de donner un chiffre, celui du nombre de fonctionnaires qu'on voulait supprimer. Je le dis humblement devant la représentation nationale, puisque la majorité présidentielle a été élue en 2022 sur un programme qui n'était pas le même, dans ce domaine, que celui de 2017. L'exercice du pouvoir lors du quinquennat précédent, qui a été fait de crises, notamment sur le plan sanitaire, nous a montré le besoin de réarmement de la puissance publique, ce qui n'est pas antinomique avec une exigence en matière de finances publiques, comme le montre la question des réinternalisations. Je ne suis pas un ministre de la fonction publique dont le programme reposerait sur un objectif de suppressions d'emplois publics. J'ai essayé de vous montrer, au contraire, toute l'énergie que nous consacrons à la modernisation des services publics, à leur réarmement parfois et à la revalorisation des métiers.
Cela m'amène à une question absolument fondamentale : qu'est-ce qui fait désormais l'attractivité de la fonction publique ? Quand des jeunes, ou des moins jeunes, envisagent de la rejoindre, c'est moins l'appétence pour l'emploi à vie qui les motive que la question du sens. Cette motivation ne doit pas se fracasser sur le quotidien, si je puis dire. Nous ne devons donc pas nous y prendre en nous plaçant sur un plan théorique ou en tenant de grands discours sur le sens, mais en montrant qu'on donne aux agents publics les moyens de faire leur métier et d'exercer, au quotidien, leurs missions. Le deuxième grand élément, qui devrait faire de la fonction publique l'employeur le plus attractif du pays, c'est la diversité des métiers. Nul ne peut faire la même promesse, en effet : en rejoignant la fonction publique, on a accès à des milliers de métiers sans avoir à changer d'employeur. Un agent public pourra peut-être exercer concrètement, dans son parcours, cinquante métiers différents s'il travaille dans des administrations déconcentrées, dans des administrations centrales et dans d'autres versants de la fonction publique. Il existe déjà beaucoup de très beaux parcours, mais il faut se donner davantage de moyens en la matière : j'assume l'idée qu'on doit faire sauter certains verrous, sans manquer de respect pour le statut de la fonction publique. Cet ensemble de droits et de devoirs ne doit pas empêcher les mobilités ni le développement d'une approche par métiers.
J'ai toujours considéré qu'il ne devait pas y avoir d'un côté France Services et de l'autre le reste du monde. La politique que nous avons lancée sera couronnée de succès si nous parvenons à aller au bout de la logique du décloisonnement, en faisant en sorte, par exemple, que les réseaux des secrétaires de mairies et de France Services se parlent, se connaissent intimement et soient animés en commun dans un territoire. C'est pour cette raison que nous allouons davantage de moyens à l'animation du réseau de France Service : j'ai choisi de financer, en la matière, non plus un demi-ETP mais une personne à temps plein par territoire. Les sous-préfets chargés de la qualité des services publics, qui ont été nommés récemment, ont également pour mission de travailler au décloisonnement.
Je constate comme vous, madame la rapporteure pour avis, que France Services marche particulièrement bien dans les préfectures et les sous-préfectures. J'ai eu l'occasion de me rendre dans le seul espace France Services actuellement situé dans une préfecture, à Mende – c'est un territoire qui s'y prête. J'ai constaté que certains de nos concitoyens retrouvaient ainsi le chemin de la préfecture : ils m'ont dit qu'ils ne s'y étaient pas rendus depuis leur enfance, parce qu'aucun service public du quotidien ne s'y trouvait plus. Par ailleurs, une trentaine d'espaces France Services sont installés dans des sous-préfectures. Nous mettons un accent particulier, comme nous l'avons fait, par exemple, à Lannion lors de dernière vague de labellisation, sur la présence de France Services dans des sous-préfectures. Nous pourrons continuer à aller dans ce sens : c'est une condition pour l'accès aux services publics et la qualité de ces derniers dans nos territoires, où le retour de l'État est très attendu.