Cette audition sur le programme 148 me permettra en effet de présenter plus largement un budget de réarmement de nos services publics, lequel se traduit par des investissements volontaristes dans plusieurs ministères, ainsi que dans le mien, dont j'ai l'habitude de dire qu'il est au service de tous les autres. L'objectif est clair : la qualité des services publics, qui repose notamment sur l'attractivité des métiers de la fonction publique, dont j'ai fait ma priorité. Les services publics s'appuient sur des femmes et des hommes. Je ne peux qu'avoir une pensée pour celles et ceux de nos agents publics qui, au quotidien parfois, sont agressés ou violentés. Je veux rendre ici hommage au professeur Dominique Bernard, à Ludovic Montuelle, agent des impôts, à Agnès Lassalle, professeure, et à Carène Mézino, infirmière, qui ont été assassinés en faisant leur métier.
Le défi de l'attractivité repose sur trois piliers : la reconnaissance de l'engagement au plan salarial ; l'amélioration des conditions de travail, à commencer par la question de la protection de nos agents publics ; la suppression de certaines entraves afin de faciliter les mobilités, de reconnaître les compétences et de libérer les énergies.
Pour rappel, le budget du ministère de la transformation et de la fonction publiques s'élève à 567 millions d'euros répartis entre quatre programmes, dont 282 millions d'euros pour le seul programme 148 Fonction publique. Je vous ferai part des priorités d'action le concernant, ainsi que de quelques éléments clés des programmes 368 Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques, 349 Transformation publique et 352 Innovation et transformation numériques. Sur l'ensemble de ces lignes budgétaires et à périmètre constant, le budget du ministère est en augmentation de 42 millions d'euros.
Le schéma d'emploi du ministère est en augmentation de 48 équivalents temps plein (ETP) pour 2024. Après les 30 ETP de l'an passé, la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) est renforcée de 20 ETP afin de réinternaliser des compétences en matière de prestation de conseil. Alors que nous nous étions fixé un objectif de 15 % de diminution dans le recours aux prestations de conseil externes, nous avons atteint les 35 %. Nous avons également décidé de soutenir le réseau des treize laboratoires d'innovation territoriale avec 25 ETP supplémentaires en 2024 et 5 ETP de plus en prévision de 2025, pour renforcer notre capacité de déconcentration et d'innovation territoriale.
S'agissant des programmes 349 et 352, un effort d'investissement est fait pour consolider France Services. L'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) voit ses moyens augmenter. Ce sont 4,5 millions d'euros supplémentaires par année sur la période 2024-2027 pour renforcer nos moyens de communication et d'animation du réseau France Services.
Ma présentation du programme 148 s'organisera autour de deux dimensions : l'amélioration des conditions de travail et la valorisation des compétences au service de la mobilité dans la fonction publique.
Les crédits de l'action Action sociale interministérielle sont facialement en baisse de 18,4 millions d'euros, du fait d'un changement de périmètre. En effet, les 40 millions d'euros des crédits de l'Institut national du service public (INSP), qui est venu remplacer l'École nationale d'administration (ENA), sont affectés au programme 129 Coordination du travail gouvernemental, la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese) étant l'administration de tutelle de l'INSP. En réalité, les crédits sont en hausse de 21,7 millions d'euros : 4,9 millions d'euros supplémentaires pour développer des programmes de crèches à destination de nos agents, afin d'atteindre le nombre de 5 000 berceaux interministériels ; 13,8 millions d'euros de plus pour accélérer la rénovation des restaurants interadministratifs ; une hausse de 2,1 millions d'euros pour favoriser le maintien à domicile des agents retraités ; une augmentation de 1 million d'euros destinée à des études sur la mobilisation du foncier en Île-de-France pour produire des logements destinés aux agents publics. La politique de logement des agents publics est un aspect essentiel du renforcement de l'attractivité des métiers. Nous avons créé un comité interministériel de l'accès au logement des agents publics, mobilisé des moyens et travaillé à des mesures éventuellement législatives.
Protéger, c'est aussi protéger physiquement nos agents. Nous le devons à l'ensemble des agents publics, en particulier à ceux qui sont en première ligne. C'est la première chose à prendre en compte pour améliorer leurs conditions de travail. À la suite des émeutes urbaines, 10 000 agents publics ont été durablement déplacés de leur lieu de travail, qui avait été mis à sac – des centres d'action sociale, des maisons France Services, des centres des impôts – parce qu'ils portaient la marque de la République. J'ai annoncé un plan de protection reposant sur trois priorités : mieux mesurer les menaces, les intimidations et les violences ; mieux prévenir et mutualiser les moyens de protection – déploiement de matériel, de vidéoprotection, de boutons d'alerte dans nos administrations, pour lequel j'ai mobilisé 1 million d'euros du fonds interministériel pour l'amélioration des conditions de travail ; mieux protéger en modifiant la loi, qu'il s'agisse d'offrir la possibilité aux administrations de porter plainte en lieu et place des agents publics et de renforcer la protection fonctionnelle à titre conservatoire pour les ayant-droits.
Protéger, c'est encore protéger les agents en matière de santé. Cela fait l'objet d'un accord, qui a été négocié pendant de nombreux mois avec les organisations syndicales et signé récemment pour la fonction publique d'État, il y a quelques mois pour la fonction publique territoriale, afin d'améliorer les conditions de protection sociale complémentaire, notamment en matière de prévoyance. Ces progrès représentent les plus grandes avancées sociales de ces dernières années dans la fonction publique. Ce sont des améliorations très concrètes, avec une prise en charge obligatoire de la part des employeurs publics en matière de prévoyance à hauteur de 7 euros par mois par agent. Ce sont aussi des améliorations statutaires que nous acterons par un amendement dans le projet de loi de finances.
Enfin, protéger, c'est protéger nos agents contre les effets de la vie chère. Après l'augmentation du point d'indice de 3,5 % en 2022, une nouvelle augmentation de 1,5 % est effective depuis juillet 2023, avant une revalorisation de 5 points en janvier 2024 pour l'ensemble des agents publics. Les efforts se concentrent aussi sur les agents qui ont les plus faibles niveaux de rémunération de la fonction publique. Un effort indiciaire supplémentaire a été consenti pour les agents en début de grille et une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat a été versée à quelque 2 millions d'agents de la fonction publique d'État et hospitalière, il y a quelques jours. Cette prime va de 800 euros brut pour les agents les moins bien rémunérés à 300 euros brut pour les agents qui touchent autour de 3 500 euros de rémunération.
Deuxièmement, nous devons mieux valoriser les compétences, développer la mobilité dans la fonction publique et libérer les énergies.
Des efforts sont accomplis en matière de formation. Nous poursuivons la réforme de la haute fonction publique d'État, avec la réforme de l'INSP, la suppression du classement de sortie et l'instauration de nouvelles grilles salariales pour les administrateurs de l'État. C'est un travail de transformation continu, et une grande majorité des hauts fonctionnaires optent pour ce nouveau statut.
Les efforts de formation sont aussi portés à l'échelle de nos instituts régionaux d'administration (IRA). Nos IRA forment les attachés d'administration, qui sont la colonne vertébrale de nos administrations. J'ai d'ailleurs choisi de faire ma rentrée dans un IRA à Lyon, qui avait été mis à bas pendant les émeutes urbaines. Nous souhaitons renforcer leurs moyens et y former 20 % d'élèves en plus afin de répondre aux besoins de réarmement de nos administrations.
Je souhaite également diversifier l'accès à la fonction publique. Nous nous en donnons les moyens dans le dispositif « prépas talents ». Nous poursuivons l'effort à hauteur de 20,5 millions d'euros pour financer des bourses et créer des voies d'accès spécifiques aux concours pour leurs 2 000 élèves. C'est une question d'égalité des chances mais surtout d'efficacité de l'action publique, pour éviter de passer à côté des talents dont nous avons grandement besoin.
L'apprentissage doit avoir une plus grande place dans la fonction publique. Nous le finançons à hauteur de 15 millions d'euros. Je n'ai jamais fait mystère de ma volonté de titulariser plus facilement de jeunes apprentis à la suite de leur contrat de dix-huit mois. On forme parfois des jeunes avant de les perdre, en leur imposant de passer un concours. Cela n'est pas explicable.
Nous devons aussi nous donner davantage de moyens pour renforcer l'attractivité des métiers de la fonction publique et mieux les faire connaître. C'est pourquoi j'ai relancé le principe d'un salon de l'emploi public qui ne s'était plus tenu depuis 2016. La plateforme Choisir le service public rencontre un grand succès. Depuis son ouverture au mois de mai, 3 millions de visiteurs uniques s'y sont connectés ; 100 000 offres d'emploi et 500 000 candidatures y ont été déposées.
Favoriser les talents, c'est aussi garantir l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique a été adoptée quasiment à l'unanimité au Sénat et à l'Assemblée nationale pour renforcer notre dispositif de nomination équilibrée et créer un index d'égalité professionnelle dans la fonction publique. Ce sont autant d'outils qui nous permettront de nous donner toutes les chances de faire prospérer les talents et de développer davantage les mobilités dans la fonction publique. Mais nous ne devons pas nous arrêter là.
Nous devons continuer à lever des verrous. Des travaux sont ainsi en cours pour revaloriser le métier des secrétaires de mairie. Il faut revoir les quotas de promotion dans nos collectivités territoriales, accélérer la promotion par le biais de la formation et de la reconnaissance des acquis de l'expérience. Ce sont des dimensions essentielles dont je souhaite faire un marqueur de mon action au ministère. Je crois à l'amélioration des conditions de travail, à la protection des agents mais aussi au besoin de remettre parfois un peu d'oxygène dans notre fonction publique.