Le droit des étrangers a constitué un terrain d'expérimentation de la dématérialisation des procédures, avant que celle-ci ne soit généralisée à d'autres politiques. Entre 2018 et 2022, les réclamations auprès de la Défenseure des droits portant sur les droits fondamentaux des étrangers sont passées de 6 540 à 21 666. Cette hausse de 231 % est en bonne partie liée aux procédures de dématérialisation des guichets préfectoraux, avec le déploiement des modules de prise de rendez-vous en ligne, l'essor de la plateforme Démarches simplifiées, censée permettre d'effectuer l'intégralité du dépôt de demande d'un titre de séjour en ligne, et le développement de l'Anef.
Les ressortissants des pays tiers de l'Union européenne sont les plus durement touchés, car ils n'ont pas d'autre option que les démarches en ligne pour se voir reconnaître un droit au séjour. Ces dernières années, les procédures qui leur sont imposées ont connu de nombreux dysfonctionnements structurels, comme des modules de prise de rendez-vous saturés et des accompagnements inadaptés, entraînant d'importantes ruptures de droits. Tout cela a pour conséquence de maintenir ces personnes dans une situation précaire, voire de les placer dans une situation irrégulière puisqu'elles ne disposent pas de l'ensemble des éléments leur permettant de déposer une demande.
La Défenseure des droits a souligné que le téléservice dans sa forme obligatoire et sans alternative était source de graves atteintes aux droits, lesquelles engendrent un contentieux de masse devant les tribunaux. Par deux décisions, en novembre 2019 et le 3 juin 2022, le Conseil d'État a consacré deux obligations pour les pouvoirs publics : proposer aux personnes en difficulté un accueil et un accompagnement dans leurs démarches numérisées, et prévoir une modalité de substitution pour enregistrer les demandes en cas de bug du téléservice. Comment appliquerez-vous ces décisions ?