La hausse de ce budget n'est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c'est la politique migratoire qu'il permet : depuis 2017, elle est marquée à la fois par une dégradation des conditions d'accueil et d'accompagnement, par des atteintes répétées aux droits fondamentaux et par des traitements dégradants, en particulier s'agissant de l'accueil des mineurs isolés étrangers.
Un arrêt rendu en juillet 2020 par la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme) condamne la France pour les conditions d'existence inhumaines et dégradantes des demandeurs d'asile vivant dans la rue. Trois ans plus tard, à Cayenne, place des Amandiers, les demandeurs d'asile s'entassent encore et toujours dans la rue, dans des conditions misérables et indignes. Car les territoires ultramarins sont entièrement dépourvus de Cada. Certes, la présentation du programme 303 annonce la création de nouvelles places de Cada, de CAES et de centres provisoires d'hébergement, mais il est précisé que ces mesures s'inscrivent dans le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés. Or, ce schéma n'a jamais été décliné dans les territoires ultramarins. Qu'en sera-t-il concernant son renouvellement pour la période 2024-2027 ? La Guyane concentrant l'essentiel des demandes d'asile déposées outre-mer, il serait normal qu'elle y figure.
Il n'y a pas non plus de CRA outre-mer, du moins pas partout. À la place, on privilégie les locaux de rétention administrative (LRA), qui, en principe, ne doivent être utilisés que lorsque des circonstances particulières empêchent un placement en CRA. C'est le cas en Martinique et à Saint-Martin, qui ne disposent pas de CRA, ou à Mayotte, où des LRA provisoires sont régulièrement créés du fait de la saturation du CRA. L'absence d'accompagnement effectif dans les LRA en fait des zones de non-droit, et il n'est pas rare que des personnes placées en LRA soient reconduites à la frontière sans avoir eu accès à une assistance juridique. Notons toutefois qu'à défaut de la création demandée de longue date de CRA dans nos territoires ultramarins, le ministre Gérald Darmanin a annoncé l'implantation d'un CRA supplémentaire à Mayotte. Restons optimistes. Au moins, les étrangers qui y sont enfermés ne s'empileront plus les uns sur les autres. Mais restons aussi réalistes : c'est avant tout le signe que l'on privilégie les dispositifs d'enfermement et de répression plutôt que ceux visant l'accompagnement et l'intégration.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les moyens de la lutte contre l'immigration irrégulière sont démultipliés, tandis que la dotation du programme dédié à l'intégration et à l'accès à la nationalité française est en baisse et que les outre-mer sont encore une fois mis de côté. J'appelle mes collègues à se pencher sur les nombreuses mesures dérogatoires à l'œuvre dans nos territoires ultramarins, que ce soit en matière de structures d'hébergement, de traitement accéléré des demandes d'asile ou de droits sociaux au rabais. Ce qui est en place à titre expérimental chez nous n'est que le reflet de ce qu'il sera bientôt proposé d'appliquer chez vous.