Notre pays a été condamné à douze reprises pour traitement inhumain et dégradant pour avoir enfermé des enfants et leurs familles dans des centres de rétention. Votre budget est à l'image de cette indignité internationale. Il prépare le terrain d'une loi qui criminalisera toujours plus les étrangers et démolira le droit d'asile. Vous préférez gonfler les crédits du programme Immigration et asile en poursuivant la « dynamisation de la politique d'éloignement ». Eh oui, il faut bien construire ces onze CRA supplémentaires et porter la capacité de rétention à 3 000 places pour satisfaire les desiderata racistes d'Éric Ciotti et du Rassemblement national !
Vous enfermez plus, plus vite et plus longtemps, alors que vous êtes incapables, pour des raisons juridiques et diplomatiques, d'éloigner les personnes retenues. Qu'importe si les associations démontrent depuis des années que la prolongation de la rétention n'a aucun effet sur les chances d'éloignement de la personne retenue, surtout quand elle a été faite sans discernement. Le 20 octobre, une Française a été libérée du CRA du Mesnil-Amelot après y avoir été enfermée pendant cinq semaines. C'est la conséquence de votre politique de délivrance d'OQTF à tout-va, absurde et dangereuse. Vous renforcez les services en préfecture, en créant 8 équivalents temps plein pour poursuivre les travaux préparatoires des « espaces France asile », cette territorialisation insensée de l'Ofpra que le projet de loi Darmanin prépare. Demain, les fonctionnaires de cet organisme seront en grève pour dénoncer leurs conditions de travail, au moment où vous vous apprêtez à compresser les délais de traitement des demandes d'asile. Vous créditez donc des actions qui n'ont pas encore été votées. La prochaine fois, supprimez le Parlement ! Non, la loi Darmanin n'a pas été adoptée par cette assemblée, et elle ne trouve pour l'instant aucune majorité, même si je sais que vous n'hésiterez pas à l'imposer par la force à coups de 49.3, comme le projet de loi de finances pour 2024.
Votre fuite en avant répressive masque mal l'indigence de votre politique d'accueil. Les crédits alloués à l'ADA sont en chute libre : moins 10 % par rapport à 2023, alors que les projections font état d'une augmentation des demandeurs. Ils avaient déjà été réduits de 36 % l'an dernier. Vous clochardisez notre système d'accueil en le rendant défaillant et indigne.
Les demandeurs d'asile sont de moins en moins logés dans les structures d'accueil. Si 70 % y étaient hébergés en 2023, ils ne seraient plus que 64 % en 2024. Le financement de 53 000 places est insuffisant. Le milieu associatif et la solidarité citoyenne tentent, tant bien que mal, de combler les défaillances de la puissance publique. L'État laisse les collectivités locales démunies dans les territoires qui connaissent de fortes tensions en matière d'hébergement. Le rapport annuel de Médecins du monde montre que huit personnes sur dix éligibles à l'aide médicale de l'État n'y ont pas accès. Vous préférez développer la dématérialisation de bout en bout afin de « fluidifier les processus et de réduire les délais » – ou, plutôt, de faire des économies sur le dos de certains usagers du service public qui ne mériteraient pas un accueil humain en préfecture. Ceux qui souffrent déjà de la fracture numérique sont maintenus en situation précaire, voire perdent leur titre de séjour et subissent des ruptures de droits. Les conséquences, nous les connaissons : risques d'interpellation en cas de contrôle policier, difficultés à accéder à un emploi, à la formation, aux études et aux droits sociaux.
Ce budget appuie des politiques publiques inhumaines, qui renvoient des gens dans la précarité et laissent les autres dans l'indigence la plus totale. Nous nous y opposerons fermement.