En 2024, les crédits consacrés à la mission Immigration, asile et intégration augmenteront pour la septième année consécutive. Ils s'élèveront à 2,16 milliards d'euros en CP, contre 2 milliards en loi de finances initiale pour 2023. En autorisations d'engagement (AE), néanmoins, ils diminueront de 34 %, passant de 2,7 milliards d'euros à 1,7 milliard.
Le programme 303, Immigration et asile, qui réunit la plupart des crédits de la mission, finance les politiques publiques relatives à l'entrée, à la circulation, au séjour et au travail des étrangers, ainsi qu'à l'éloignement des personnes en situation irrégulière et à l'exercice du droit d'asile. En 2024, ses crédits diminueront de 37,5 % en AE, mais progresseront de 17,7 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.
L'action 02, Garantie de l'exercice du droit d'asile, finance notamment l'ADA. En 2024, la dotation correspondante connaîtra une diminution de 7 %. Le projet annuel de performances indique que cette projection résulte de l'accélération du traitement des demandes d'asile, diminuant mécaniquement le montant consacré à l'ADA. Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous expliquer plus précisément les raisons de cette diminution et les hypothèses sur lesquelles elle a été construite ?
L'action 02 récupère, par ailleurs, la dotation inscrite en loi de finances initiale pour 2023 pour l'action 15, Accompagnement des réfugiés, du programme 104, et consacrée au financement des centres provisoires d'hébergement des réfugiés. Le transfert de ces crédits vise à regrouper les places d'hébergement du dispositif national d'accueil dans cette action. En outre, le plafond d'emplois de l'Ofpra sera relevé de 17 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT). Il faut le saluer, car cela permettra de poursuivre la réduction des délais de traitement des demandes d'asile.
Les crédits de l'action 03, Lutte contre l'immigration irrégulière, sont en hausse de 46 % en AE et de 53,8 % en CP. Cette augmentation porte principalement sur les frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière et s'explique par la fin des restrictions sanitaires liées à la pandémie, par une action diplomatique auprès des pays tiers pour faciliter les retours et par l'effet de l'inflation sur le prix des carburants.
Le programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, comprend quatre actions relatives à l'intégration des étrangers en situation régulière. Ses crédits sont en baisse de 20 % en AE et en CP, pour s'établir à 431 millions d'euros. Cette évolution s'explique, pour une large part, par la suppression de la totalité des crédits de l'action 15, Accompagnement des réfugiés, soit 121 millions qui ont été transférés pour leur quasi-totalité au programme 303.
Je félicite le Gouvernement pour l'augmentation ambitieuse, de près de 29 %, des crédits de l'action 12, Intégration des étrangers primo-arrivants. La formation linguistique, composante essentielle de la politique d'intégration des étrangers, est financée à la fois par l'action 11, dont les crédits diminuent de 10 %, et par l'action 12, dont les crédits augmentent. Comment évoluera le budget consolidé affecté à ces formations pour 2024 ? Quel sera spécifiquement le budget consacré à la composante linguistique du contrat d'intégration républicaine (CIR) ?
Je note, enfin, une diminution de 17,8 % des crédits consacrés à l'action 16, Accompagnement des foyers de travailleurs migrants. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, madame la secrétaire d'État ?
Après avoir consacré mon avis budgétaire de l'an dernier à la procédure de régularisation des étrangers en situation irrégulière, en application de la circulaire Valls de 2012, je me suis intéressée cette année à l'un des aspects de la lutte contre l'immigration irrégulière : le régime juridique des OQTF, les obligations de quitter le territoire français. J'ai souhaité l'évaluer du point de vue de l'exécution de ces dernières, mais aussi de la place qu'il réserve à la notion de menace à l'ordre public. Après mes auditions préparatoires, j'ai la conviction qu'il est indispensable d'œuvrer dans le sens de la plus grande célérité possible en matière d'octroi et de renouvellement de titres de séjour, ainsi que d'exécution des OQTF. Nous sommes trop souvent sollicités par des étrangers présents sur le territoire de façon irrégulière depuis de nombreuses années et frappés d'OQTF alors que, désormais, leur vie est en France et que leurs enfants n'ont connu que notre pays. Ces situations sont insupportables, et l'une des priorités de notre politique migratoire doit être d'y mettre fin.
Entre 2011 et 2022, le nombre d'OQTF a augmenté de 123 %. En 2022, 134 000 OQTF ont été prononcées. Mais, dans le même temps, leur taux d'exécution n'a cessé de faiblir – 17 % en 2015, 12,2 % en 2019 et 5,7 % au premier semestre 2021, marqué par la pandémie de covid-19 –, ce qui interroge. La faiblesse de ce taux nuit à la crédibilité de notre politique d'éloignement et entraîne une préoccupante perte de sens chez les agents publics chargés du droit des étrangers. J'en identifie les différentes causes dans mon avis, et formule le vœu que nous avancions prioritairement sur trois pistes : l'amélioration de l'obtention des laissez-passer consulaires grâce à un effort diplomatique multicanal au niveau national et européen ; une meilleure connaissance et un renforcement du recours aux outils juridiques qui existent déjà, comme le refus de délai de départ volontaire ou l'édiction d'interdictions de retour sur le territoire français ; la simplification du contentieux des OQTF, notamment en raccourcissant certains délais.
S'agissant de la prise en compte de la menace à l'ordre public dans le régime juridique des OQTF, je me suis intéressée à trois aspects. Le premier est l'OQTF fondée sur le motif de menace à l'ordre public figurant à l'article L. 611-11 du Ceseda (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) et qui représente 7 % des OQTF. Le deuxième est la place occupée par l'ordre public dans les OQTF fondées sur d'autres motifs – par exemple, un refus de titre de séjour, lequel peut résulter de la caractérisation d'une menace à l'ordre public. Le troisième aspect est la priorité accordée au placement en CRA des étrangers représentant une menace pour l'ordre public. Je juge cette priorité pertinente et souhaite qu'elle se poursuive et s'accompagne d'un renforcement de la capacité de nos CRA. En cela, je salue la volonté du Gouvernement de porter leur nombre de places à 3 000 d'ici à 2027. Il est également souhaitable de renforcer parallèlement le recours à l'assignation à résidence.
S'agissant du régime juridique des OQTF à proprement parler et de la prise en compte de l'ordre public, il est utile d'assouplir le régime de protection existant contre les OQTF. Je souhaite laisser à l'autorité administrative et au juge la possibilité d'apprécier in concreto si un étranger doit faire l'objet d'une OQTF compte tenu du niveau de menace qu'il représente pour l'ordre public, d'une part, et de sa situation personnelle et de ses liens avec la France, d'autre part. Les protections qui existent dans le Ceseda constituent un frein parfois trop fort. Je serai attentive aux dispositions du projet de loi à venir sur ce point.