La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, la Lopmi, votée il y a quelques mois par le Parlement, octroie près de 15 milliards d'euros au ministère de l'intérieur et des outre-mer pour les cinq prochaines années. Les crédits que je vais présenter s'inscrivent dans ce cadre.
Je vous prie d'excuser le ministre, qui ne peut être présent ce matin, mais dont chacun connaît l'implication pour défendre les crédits de son ministère.
Pour 2024, le Gouvernement présente un budget en hausse de plus de 7 %, pour un montant total de 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit environ 10 % des crédits du ministère entrant dans le périmètre de la Lopmi. Cette augmentation représentera près de 147 millions de crédits supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2023. Elle inclut les crédits issus de la Lopmi pour la période 2022-2027, y compris ceux du plan CRA 3 000.
Ce budget marque une nouvelle étape dans les efforts consentis depuis 2017 pour consolider notre capacité à maîtriser les flux migratoires et lutter contre l'immigration irrégulière, à garantir l'exercice du droit d'asile et à renforcer l'intégration des étrangers en situation régulière dits primo-arrivants. Il s'inscrit dans le cadre de la Lopmi, avec une programmation budgétaire inédite. En cinq ans, nous aurons fait progresser de façon inégalée les crédits affectés à la mission, donc à la politique migratoire de la France.
Le budget de la mission Immigration, asile et intégration repose sur deux programmes complémentaires : le programme 303, Immigration et asile, et le programme 104, Intégration et accès à la nationalité française.
Les crédits du premier s'établissent à hauteur de 1,7 milliard d'euros, en augmentation de 17,7 %. Cette progression sensible reflète le transfert du financement des programmes numériques et de celui des places d'hébergement pour réfugiés précédemment assurés par le programme 104, ainsi que 165 millions de mesures nouvelles.
Pour sa part, le programme 104 s'élève à 431 millions d'euros. La diminution d'environ 20 % de ses crédits par rapport à 2023 correspond pour l'essentiel au transfert que je viens d'évoquer. Ce programme prévoit une augmentation des places d'accueil en 2024, par un rééquilibrage interne des actions soutenues, pour une plus grande lisibilité et sans incidence sur les grandes orientations de la mission.
Près de 65 % des crédits seront consacrés à l'accueil et à l'examen des situations des demandeurs d'asile et des réfugiés. Ce montant de 1,4 milliard d'euros doit permettre d'assurer les dépenses d'hébergement à hauteur de 996 millions, les dépenses pour l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) à hauteur de 300 millions et les crédits nécessaires au fonctionnement de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) à hauteur de 108 millions.
Par ailleurs, 20 % des crédits, soit 431 millions d'euros, seront consacrés à la politique d'intégration. Ainsi, 260 millions seront mobilisés pour la maîtrise des flux migratoires, en complément des dépenses dédiées à ces missions par les budgets de la police nationale, de la police aux frontières et de la gendarmerie. Ce montant comprend notamment les crédits alloués à la politique des visas, à l'aide au retour et au financement des lieux de rétention.
Un autre pilier de la politique permise par la mission Immigration, asile et intégration est la conduite de plusieurs chantiers numériques, pour un montant de plus de 50 millions, visant à fournir un service public de qualité dans des délais contraints.
Ce budget n'inclut pas les crédits qui seront rendus nécessaires par les mesures du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration que votre assemblée examinera prochainement. Il n'intègre pas non plus ceux requis par l'accueil et l'accompagnement exceptionnel des 73 000 bénéficiaires de la protection temporaire qui ont fui l'Ukraine en mars 2022. A contrario, il intègre la prise en charge des coûts de la revalorisation salariale décidée par le Gouvernement en septembre 2022 afin que les salariés du secteur privé non lucratif bénéficient de l'équivalent de l'augmentation de la valeur du point d'indice de la fonction publique. Cette prise en charge représente environ 19,4 millions d'euros pour la mission.
L'engagement du Gouvernement pour une politique migratoire plus efficace et plus humaine est total. En matière d'asile, nous souhaitons continuer à améliorer l'accueil et l'examen des situations des demandeurs. Au total, 138 577 premières demandes ont été enregistrées en 2022. Ce niveau est proche de celui de 2019, année durant laquelle la demande d'asile a été la plus forte en France. Depuis le début de l'année, la hausse du nombre de demandes d'asile s'est poursuivie, pour atteindre 8 %. Toutefois, ce niveau reste moins élevé que dans le reste de l'Europe, où elle avoisine les 30 %.
Dans un contexte de forte incertitude et de tensions internationales, le Gouvernement a établi sa programmation en anticipant environ 160 000 demandeurs d'asile en 2024 et en prévoyant un montant d'environ 300 millions d'euros pour l'ADA. Nous souhaitons promouvoir deux axes. Le premier est l'amélioration des délais de traitement de la demande d'asile par l'Ofpra, dont les effectifs ont été renforcés depuis 2020. Depuis 2017, la dotation annuelle de l'Ofpra a augmenté de 43 millions, et près de 250 équivalents temps plein (ETP) ont été recrutés par l'opérateur.
Le second axe est la poursuite de l'évolution du dispositif national d'accueil (DNA) pour les demandeurs d'asile et les réfugiés. Celle-ci passe par le renforcement des capacités d'hébergement au niveau national, avec l'ouverture de 1 500 nouvelles places en 2024. Le parc d'hébergement comptera ainsi plus de 121 000 places, soit 30 000 places supplémentaires depuis 2017. En complément, nous entendons maintenir les 500 places dédiées aux salles d'accueil temporaire créées dans dix régions de métropole pour accueillir les personnes sans solution d'hébergement ou de logement prises en charge dans le cadre d'opérations de mise à l'abri.
En matière d'intégration, nous souhaitons poursuivre les efforts engagés depuis cinq ans. Ceux-ci ont déjà permis de relever le niveau d'exigence pour l'apprentissage linguistique et civique. Dans l'attente du vote du projet de loi relatif à l'immigration, lequel prévoit des mesures fortes pour renforcer l'intégration par le travail et par la langue, le Gouvernement a prévu de renforcer trois mesures d'intégration – la généralisation d'ici la fin de l'année prochaine du programme Agir, programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés vers le logement et l'emploi, déjà déployé dans la moitié des départements, le développement des formations linguistiques à visée professionnelle et la poursuite du renforcement du rendez-vous de santé.
En matière d'immigration, le dispositif d'aide au retour volontaire (ARV) sera refondu pour être plus incitatif, le montant de l'aide étant rendu dégressif dans le temps pour accélérer le rythme des éloignements. Nous poursuivons aussi l'augmentation de nos capacités de rétention dans le cadre défini par la Lopmi, pour porter à 3 000 le nombre de places en centre de rétention administrative (CRA) d'ici à 2027, soit un doublement du nombre de places qui existaient fin 2017. Par ailleurs, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a récemment annoncé l'implantation de dix CRA de plus de 100 places chacun. Les efforts en matière de lutte contre l'immigration clandestine seront rehaussés de 90 millions d'euros, pour atteindre 261 millions. Enfin, nous consacrerons près de 15 millions au renforcement de nos moyens matériels, en procédant à l'achat d'intercepteurs et de moyens de projection, et à la constitution d'un état-major dédié.
L'actualité récente a, encore une fois, montré l'importance de doter la France d'outils et de moyens budgétaires lui permettant de déployer une politique migratoire efficace, pragmatique et humaine. Nous devons donner à l'État, aux préfets et aux services déconcentrés les moyens d'agir le plus efficacement possible. Nous le devons à nos concitoyens, comme à ceux qui demandent à résider en France ou à y trouver refuge. C'est l'objectif du budget que je vous présente. Ce sera aussi celui du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration. Vous pourrez compter sur ma détermination, comme sur celle du ministre, pour œuvrer à cette ambition.