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Intervention de Jérôme Rouillaux

Réunion du jeudi 28 septembre 2023 à 11h00
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Jérôme Rouillaux, directeur général du Creps Provence-Alpes Côte d'Azur :

En préambule, je souhaiterais vous apporter quelques précisions sur l'origine et le fonctionnement des Creps. Ces derniers sont souvent comparés à des établissements scolaires du second degré, mais leur organisation est en réalité très différente de ce modèle. Je voudrais aussi vous faire part de nos principales missions, qui peuvent présenter des risques en rapport avec l'objet de votre commission d'enquête. J'exposerai ensuite quelques exemples illustrant nos relations avec les fédérations sportives. Je pourrai également aborder certains dossiers de harcèlement, violences sexistes ou sexuelles que j'ai été amené à traiter, avec l'ensemble de mes collaborateurs. Enfin, je me tiendrai à votre entière disposition pour répondre à l'ensemble des questions.

Il faut savoir que les centres de ressources, d'expertise et de performance sportive existent depuis 1945. Ils ont remplacé les centres régionaux d'éducation générale et sportive (Cregs), créés sous le gouvernement de Vichy. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les autorités entendent former des éducateurs sportifs pour reconstruire la nation et redonner de la fierté à la jeunesse française.

En 1984, les Creps cessent de former les professeurs d'éducation physique et sportive (EPS) intervenant dans les établissements scolaires. Les Creps engagent alors un travail de reconstruction de leurs missions. Dans ce cadre, un nouveau corps de fonctionnaires du ministère de la jeunesse et des sports est créé, celui des professeurs de sport. Il s'agit principalement des cadres techniques placés dans les fédérations sportives.

Jusqu'en 1986, la dénomination Creps signifie « centre régional d'éducation physique et sportive ». Avec le décret publié cette même année, les Creps deviennent des « centres d'éducation populaire et de sport ». Ils acquièrent la personnalité morale et sont placés sous la tutelle du ministère de la jeunesse et des sports. Des agents publics et acteurs associatifs sont alors formés dans tous les secteurs (sport, jeunesse et éducation populaire). Progressivement, des sportifs de haut niveau font leur entrée dans des structures, nommées tour à tour « centres permanents d'entraînement et de formation » ou « centres régionaux ». Les Creps remplissent aussi une mission d'animation sportive régionale, conduisant des actions d'étude et de recherche.

L'année 1995 marque un autre tournant dans l'histoire des Creps. Dans le cadre du parcours d'accession et de préparation au sport de haut niveau, le ministère des sports met en place les « filières du haut niveau ». Celles-ci ont vocation à accompagner un jeune sportif jusqu'au podium des grandes compétitions. Les Creps accueillent alors des « pôles » destinés aux sportifs détectés par les fédérations. En parallèle, ils assurent une mission de formation professionnelle aux métiers du sport et de l'animation.

En 2009, le nombre de Creps passe de 24 à 17, suite à la suppression d'établissements, auxquels il faut ajouter les écoles nationales de voile, montagne, d'équitation et l'Insep. Depuis lors, ce nombre est resté constant, avec 17 Creps répartis sur l'hexagone et en Outre-mer où il existe un centre à la Réunion et un centre en Guadeloupe. En 2011, tout en conservant leur acronyme, les Creps deviennent des « centres de ressources, d'expertise et de performance sportive », leur intitulé actuel. En 2016, en application de la loi du 7 août 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de l'État (loi NOTRe), la décentralisation partielle des Creps est actée. Jusqu'alors établissements nationaux, ils deviennent des établissements locaux de formation dans les domaines du sport, de la jeunesse et de l'éducation populaire. Leur gouvernance est partagée par l'État et la région.

En 2019, la nouvelle Agence nationale du sport (ANS) prévoit l'accueil, par les Creps, des Maisons régionales de la performance (MRP). Celles-ci sont le bras armé de l'Agence au niveau territorial pour préparer au mieux les sportifs aux grandes échéances sportives. Le responsable de la MRP est placé sous l'autorité hiérarchique du directeur du Creps. En 2022, enfin, un décret sur les Creps vient entériner des dispositions législatives et réglementaires, en particulier la création des comités sociaux d'établissement (CSE) et l'arrivée des MRP.

Ayant eu la chance de diriger un autre Creps pendant huit ans, je peux affirmer que ces établissements font partie intégrante de la vie locale, territoriale. Le grand public connaît le Creps, qui fait office de pilier avec près de 80 ans d'existence.

L'établissement que je dirige est le plus important après l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep). Il est réparti sur trois sites : Aix-en-Provence, Boulouris/Saint-Raphaël et Antibes. Un directeur adjoint est présent sur chaque implantation. Nous disposons d'un budget de plus de 15 millions d'euros et 38 % de ressources propres. La masse salariale représente 10 millions d'euros, dont 8 millions d'euros pour les agents de l'État et 2 millions d'euros pour les agents de la région – lesquels sont financés par la collectivité. Au total, ce Creps présente un effectif d'environ 188 agents répartis sur les trois sites.

Contrairement aux établissements scolaires, les Creps fonctionnent pratiquement 362 jours par an. Les périodes de vacances scolaires sont pour nous des périodes pleines, avec de nombreux accueils et stages.

Nos missions et notre activité sont déterminées par le décret :

accueil des sportifs de haut niveau ;

formation professionnelle aux métiers du sport et le sport de haut niveau ;

accueil de stages et de regroupements.

S'agissant du sport de haut niveau, il revient aux fédérations sportives, après obtention de l'accord de l'ANS, de valider un projet de performance fédérale. Les pôles sont constitués à partir de ce projet, et les sportifs sont sélectionnés par la fédération, avec l'accord final du chef d'établissement. Une commission de sélection étudie les compétences scolaires et sportives du jeune accueilli.

Les Creps regroupent environ un tiers des pôles, les autres dépendant de structures privées. Au sein de notre Creps, nous suivons 450 sportifs par an dont l'effectif est renouvelé de près de 25 % tous les ans. Nous disposons de 38 structures, avec 250 internes. La moitié des sportifs accueillis sont mineurs dont 60 % sont des garçons et 40 % des filles. La part des filles est d'ailleurs en légère progression cette année.

Notre mission consiste à animer un double projet au profit des jeunes : d'une part le suivi scolaire ou universitaire, et d'autre part, le suivi sportif. S'y ajoute aussi l'accompagnement des sportifs dans leur vie de futur citoyen. Pour ce faire, notre établissement a constitué un écosystème centré sur les jeunes, que nous tâchons d'améliorer au fil des ans. Nous disposons d'un département du sport de haut niveau sur chaque site, mais aussi d'assistants d'éducation, de médecins, de kinésithérapeutes et de psychologues. Nous constatons, en effet, que ces jeunes ont de plus en plus besoin d'encadrement et d'aide. Nous observons aussi que leur condition physique a changé depuis dix ou vingt ans. Certains passent d'un entraînement deux fois par semaine à un entraînement quotidien, ce qui accroît les risques de blessures durant le premier trimestre. Nous nous efforçons donc de préserver leur intégrité physique et psychologique.

Les pôles sont encadrés par des cadres techniques sportifs des fédérations. La plupart d'entre eux sont des agents de l'État, mais certains sont des cadres techniques de droit privé, employés par les organes décentralisés des fédérations (ligues, comités). Conformément au contrat d'engagement républicain demandé aux fédérations, tous les cadres ont dû faire l'objet d'un contrôle d'honorabilité. Nous ne sommes pas systématiquement informés. Nous souhaitons inscrire cela dans les conventions qui nous lient avec les fédérations. Ces cadres d'État travaillent sous l'autorité hiérarchique du délégué régional à l'animation, la jeunesse, l'engagement et le sport (Drajes) et sous l'autorité fonctionnelle du directeur technique national (DTN). Pour ma part, je n'ai aucun lien hiérarchique ou fonctionnel avec ces cadres techniques. Nous nous efforçons donc de travailler en bonne entente, ce qui n'est pas toujours facile. Je pense qu'il serait judicieux de prévoir la possibilité que le Creps participe à l'évaluation annuelle du cadre technique, puisque ce dernier travaille toute l'année dans le pôle.

La MRP installée en septembre 2021 au sein de notre établissement compte sept personnes. Elle a vocation à suivre tous les sportifs inscrits sur la liste ministérielle, les médaillables aux Jeux olympiques et paralympiques, sélectionnables, sur tout le périmètre régional. La MRP participe donc au rayonnement du Creps auprès de l'ensemble des partenaires.

En région Paca, ce sont environ 1 700 sportifs qui sont suivis, dont une quarantaine de médaillables, en relation étroite avec les fédérations et les entraîneurs, à qui nous apportons la petite touche, le petit « plus » nécessaire, selon la volonté de Claude Onesta. La MRP s'occupe aussi des questions d'ordre médical (soin, santé, performance), de la montée en compétence de l'encadrement, du suivi socioprofessionnel, et enfin de la préparation physique et de la réathlétisation après blessure.

Le Creps assure aussi des actions de formation professionnelle aux métiers du sport, destinée aux futurs entraîneurs. Dans ce cadre, plusieurs modules portent sur la lutte contre les violences et le harcèlement. Un autre module est consacré à l'enseignement des valeurs de la République, et nous nous efforçons de l'intégrer systématiquement à l'ensemble des formations proposées. Nous touchons près de 2 500 stagiaires par an, dont 80 % sont issus de la région Paca. Nous offrons 45 cursus diplômants et dispensons 150 sessions de formation. Nous sommes donc un gros organisme de formation, dans le champs concurrentiel certes mais avec une force de frappe importante puisque notre Creps peut compter sur des encadrants de qualité. Nous avons une spécificité qui est d'encadrer toutes les spécialités liées aux activités en environnement spécifique, un sujet qui requiert une vigilance particulière.

Le Creps est également investi d'une mission d'accueil, particulièrement active en période de vacances scolaires. Nos trois sites sont d'ailleurs presque toujours pleins, a fortiori dans le contexte de préparation des Jeux olympiques et paralympiques. De nombreuses équipes apprécient l'encadrement et le cadre de vie que nous leur offrons.

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