Klara Boyer-Rossol, historienne spécialiste de Madagascar, nous dit : « Les usages funéraires, cultuels et sociaux sont infinis. Les communautés devraient avoir le droit de choisir. » L'ajout des mots « et mémorielles » me semble utile pour plusieurs raisons. Certaines coutumes ou certains rites peuvent présenter des dimensions funéraires mêlées à d'autres visées : ainsi, le bain des reliques de la communauté sakalava de l'Ouest malgache consiste à ressortir les reliques royales pour réaffirmer le pouvoir sacré du souverain. Cette cérémonie a donc un but funéraire, car un hommage est rendu aux rois morts, mais elle présente également une utilité sociale en ce qu'elle vise à souder la communauté autour de ses chefs. La mention des fins mémorielles répond à la volonté de n'ignorer aucune des coutumes au sein desquelles les restes humains occupent une place.
Par ailleurs, il me semble que le débat n'est pas toujours tranché, au sein des communautés, concernant les commémorations auxquelles les restes humains doivent être destinés. Le qualificatif « mémorielles » permettrait d'inclure, par exemple, la constitution d'un mémorial et ouvrirait le champ des pratiques considérées.
L'Allemagne a rendu des restes humains à la Namibie, il y a quelques années. Il s'agit, dans ce pays, d'une cérémonie très solennelle qui a pour objet la réhumanisation et la réconciliation. Les restes humains doivent s'intégrer au processus qui vise à guérir les blessures du passé et à discréditer ou faire cesser les idéologies racistes persistantes. Il n'est pas aisé de déterminer s'il s'agit d'un rite funéraire ou d'une cérémonie d'un autre ordre.
Aux États-Unis, des tribus amérindiennes, tels les Spiro Mounds, en Oklahoma, ou des communautés comme les Native Hawaiians sont divisées sur le traitement à réserver aux objets funéraires et aux restes humains. Certains veulent les retirer de la vue des profanes et les ré-inhumer au nom des valeurs ancestrales, tandis que d'autres entendent les préserver pour les générations futures au nom de leur éducation à leur culture d'origine. La notion de « fins funéraires » peut donc paraître assez restrictive en présence de rites ancestraux et de mémoire.
Dans nos civilisations occidentales, lorsqu'on montrait les reliques d'un saint, par exemple pour empêcher l'entrée de la peste dans une ville, il ne s'agissait pas d'un rite funéraire, mais cultuel. En février 2023, lorsqu'on a montré, à Bordeaux, le crâne de saint Thomas d'Aquin pour la première fois depuis le Moyen Âge, ce n'était pas davantage un rite funéraire.
Dès lors, au nom de quoi interdirait-on à des communautés d'exposer les restes d'un roi défunt pour actualiser sa présence ou sa protection ? La notion de « fins mémorielles » me semble ouvrir la voie à des rites ancestraux situés à la frontière entre les rites funéraires et les rites sociaux, cultuels ou historiques.