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Intervention de Géraldine Bannier

Réunion du mardi 7 novembre 2023 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGéraldine Bannier :

Je tiens à saluer notre collègue Catherine Morin-Desailly qui, au cours des dernières années, a fait évoluer de manière significative l'action des pouvoirs publics en matière de restitution de biens conservés dans nos collections muséales. J'ai également une pensée pour notre collègue du Mouvement démocrate, Nicolas About, qui, grâce à une autre proposition de loi sénatoriale, a ouvert la voie en 2002 à l'une des premières restitutions de restes humains, celle qui permit le retour dans son pays d'origine de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, surnommée la Vénus hottentote.

Rappelons que cette femme sud-africaine fut réduite en esclavage puis exhibée comme phénomène de foire au Royaume-Uni, en Hollande et en France, avant de susciter la curiosité de nos scientifiques, à commencer par Cuvier, et que son squelette et le moulage de son corps furent exposés au musée de l'Homme jusqu'en 1974. Grâce à la loi de 2002, et à la demande de son pays d'origine qui réclamait sa dépouille depuis les années 1940, Saartjie Baartman a pu être inhumée dignement par les descendants des membres de sa tribu près de son village natal. Ce droit à reposer en paix auprès des siens, il fallut plusieurs décennies et une loi spéciale pour le lui donner. En effet, pour empêcher les restitutions de ce type, le principe de l'inaliénabilité du domaine public, théorisé par l'un de nos grands légistes, Michel de L'Hospital, a toujours été avancé.

Sans méconnaître ce principe protecteur qui régit nos collections muséales, ni la valeur des collections et expositions ethnographiques et ethnologiques, il convient d'opérer une distinction claire entre la mise en valeur d'objets caractéristiques de civilisations extra-européennes, d'une part, et l'exhibition ou le quasi-recel de restes humains, d'autre part. Ce texte nous y invite, en fixant un cadre dérogatoire clair au principe d'inaliénabilité.

Les restes humains conservés dans nos collections publiques ont souvent été acquis de manière douteuse. De surcroît, nombre d'entre eux ont été conservés pour des raisons pseudo-scientifiques comme la phrénologie et la craniologie, des sciences sans conscience très en vogue aux XIXe et XXe siècles. Comme vous l'avez dit au Sénat, madame la ministre, quand ces restes humains sont arrivés dans des conditions suspectes et quand leur conservation dans un musée heurte le principe de la dignité humaine, nous devons nous interroger sur la légitimité de leur présence dans nos collections publiques.

Ce texte permettra, par le consensus et l'étude historique et scientifique, d'extraire de nos collections publiques des restes humains qui n'auraient pas dû y entrer. Il sera suivi, après la remise d'un rapport demandé au Gouvernement, de l'examen d'un autre texte de loi portant spécifiquement sur les restitutions aux territoires ultramarins. Il permettra surtout, et c'est là l'essentiel, aux communautés d'origine d'honorer la mémoire des leurs, dans le respect de leurs rites funéraires. Nous venons de rendre hommage à nos morts. Qui pourrait interdire à ceux qui le souhaitent d'honorer la mémoire des leurs ?

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