Intervention de Jean-François Portarrieu

Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9h05
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Portarrieu, rapporteur pour avis :

Le commerce international a été, ces dernières années, confronté à un triple choc : une crise liée à la pandémie mondiale de coronavirus, une crise liée à la recomposition des chaînes d'approvisionnement mondiales avec des tensions pour certains intrants critiques et, enfin, une crise liée aux conséquences de la guerre en Ukraine entraînant une hausse aussi forte qu'inédite du coût de l'énergie.

Les effets persistants de cette triple crise se font encore ressentir sur le commerce international et le bilan du commerce extérieur a été, l'an passé, contrasté. Le déficit commercial français s'est fortement dégradé, de l'ordre de 78 milliards d'euros en 2022 par rapport à 2021, pour atteindre près de 164 milliards d'euros, dans un contexte de renchérissement très substantiel de la facture énergétique, qui a plus que doublé en un an pour atteindre 115 milliards d'euros en 2022, contre 45 milliards d'euros en 2021. Plus de 86 % de la dégradation du déficit commercial est directement imputable à la facture énergétique et le gaz représente à lui seul 59 milliards d'euros de déficit.

De manière générale, bien qu'elle se soit partiellement redressée au milieu des années 2010, la balance commerciale de la France continue de se dégrader depuis vingt ans, en lien avec le décrochage de notre compétitivité observé au début des années 2000. Il convient également de pointer la stratégie d'internationalisation des entreprises françaises, qui privilégient l'implantation à l'étranger par le biais de filiales et délocalisent leur production. Même si ce mouvement, qui est ancien, semble désormais en retrait, ces effets restent évidemment persistants.

Plusieurs constats permettent néanmoins d'atténuer ce tableau. D'une part, le déficit des biens hors énergie se réduit légèrement, à 24,4 milliards d'euros en 2022, contre 26,4 milliards d'euros en 2021. D'autre part, les données agglomérées du solde courant ne doivent pas masquer les succès enregistrés par l'excédent record du secteur des services, qui s'est élevé à 49,9 milliards d'euros en 2022, contre 36,4 milliards d'euros en 2021. De même, la balance des revenus reste largement excédentaire, à hauteur de 31 milliards d'euros.

Il est à noter que le solde de la balance commerciale française s'améliore au premier semestre 2023, passant d'un déficit de 89 milliards d'euros – au second trimestre 2022 – à un déficit de 54 milliards d'euros – au premier trimestre 2023. Cette amélioration est principalement due à la baisse de la facture énergétique, qui passe de 65 milliards d'euros à 36 milliards d'euros par rapport au semestre précédent. Au demeurant, la France reste le sixième exportateur mondial de biens et services avec plus de 147 900 entreprises exportatrices au premier trimestre 2023 et une part de marché légèrement supérieure à 3 %.

La part de marché mondial de la France pour les seules marchandises est passée de 2,6 % en 2021 à 2,4 % en 2022 mais, selon les réponses apportées au cours des auditions, elle atteint 2,8 % au premier trimestre 2023. Pour la première fois depuis dix ans, la France semble donc reconquérir des parts de marché à l'export. Ce rebond est différencié selon les secteurs d'activité. En raison de la reprise du transport aérien, le secteur aéronautique bénéficie d'une hausse marquée de ses exportations. Celles-ci progressent de 21 % pour atteindre 46 milliards d'euros. Pour autant, cette somme ne correspond qu'à 71,7 % du niveau de 2019. Tous les autres secteurs affichent une hausse marquée de leurs échanges, qui dépassent largement leur niveau d'avant-crise.

Ces secteurs sont soutenus par les aides apportées aux pouvoirs publics en direction des entreprises exportatrices. Nous avions beaucoup parlé, l'an dernier, du volet export du plan France Relance. Le plan Osez l'export lui a succédé au mois d'août 2023. Je ne peux que soutenir ce plan, qui comporte treize axes pour aider les entreprises exportatrices, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans les territoires. Voilà pour le tableau du commerce extérieur.

Je souhaite maintenant placer la focale sur la situation des vins français, et plus particulièrement sur le marché chinois. Nos vins, dont les résultats comptent pour beaucoup dans la balance des échanges, connaissent une situation assez paradoxale, teintée à la fois d'inquiétudes liées à la situation actuelle en Chine et d'optimisme. La filière vinicole a été fortement touchée, au cours des dernières années, par une crise protéiforme. Les mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 ont directement affecté la demande intérieure, quand les perturbations logistiques mondiales ont contribué à un affaissement de la demande internationale. Le changement climatique produit, quant à lui, des effets directs sur la culture de la vigne. La modification des habitudes de consommation incite, enfin, le secteur à se renouveler.

Malgré ces tensions, la filière vinicole constitue un atout majeur de la France à l'exportation : si les exportations de vin ne représentent que 2 % des exportations totales de notre pays, cette filière est le deuxième secteur le plus excédentaire après l'aéronautique et contribue donc significativement à la réduction du déficit de la balance commerciale. Ainsi, en 2022, la France a consolidé sa position en tant que leader mondial des exportations de vin et spiritueux, en valeur. Ces dernières ont atteint le montant de 17,2 milliards d'euros, en hausse de 10,8 % par rapport à 2021.

Au premier semestre 2023, les exportations de vins et spiritueux français ont généré plus de 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires, malgré une baisse de 10,6 % des volumes exportés. La situation selon les zones géographiques est, comme souvent, variable : les exportations vers les États-Unis affichent une forte baisse de 28 % en volume et de 23 % en valeur en raison des stocks existants. À l'inverse, les exportations vers l'Asie ont enregistré une croissance de 14 % en valeur, soutenue par les exportations vers la Chine et Singapour.

Pour autant, de nombreux acteurs et opérateurs du marché chinois que j'ai rencontrés m'ont confirmé que des défis renouvelés pèsent sur la filière vinicole à plusieurs niveaux. Les tensions inflationnistes dans le monde et le ralentissement de la croissance en Chine menacent la demande dans ce pays. Surtout, le secteur, particulièrement bien identifié comme un fleuron de l'Europe de l'Ouest – la France et l'Italie sont les deux premiers exportateurs au niveau mondial – en fait une cible toute trouvée pour d'éventuelles guerres commerciales.

C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement afin d'obtenir de l'administration les éléments d'analyse nécessaires pour que les entreprises soient en mesure de mieux identifier les menaces commerciales et douanières. Dans ce contexte de tensions et d'incertitudes, le Gouvernement et nos services diplomatiques doivent rester mobilisés pour soutenir ce secteur clé pour l'export et défendre tous nos vignerons. Des mesures fiscales appropriées au secteur vinicole me semblent par exemple souhaitables.

J'en profite pour rendre un hommage appuyé à nos différents services économiques à l'étranger et à l'opérateur Business France qui réalise à cet égard un accompagnement remarquable, particulièrement en Chine. Pour conclure, je vous invite, chers collègues, à adopter les crédits de la mission Économie - commerce extérieur et diplomatie économique inscrits pour 2024, qui sont stables, après avoir enregistré une hausse très significative l'an dernier.

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