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Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du mercredi 14 septembre 2022 à 11h00
Commission des affaires économiques

Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF :

Concernant notre organisation et le retour d'expérience de Flamanville, le rapport que j'ai commandé à Jean-Martin Folz est public. Il est constitué d'une trentaine de pages et est accessible. Il y est expliqué ce qu'il s'est passé : en effet, l'impréparation a conduit à de multiples dérives, dans lesquelles EDF porte une responsabilité majeure.

Les réparations des soudures ne sont pas terminées et certaines doivent être refaites suivant la demande de l'ASN. Ce programme assez long, perturbé par le covid, est en train de s'achever et le chargement du combustible devrait être autorisé par l'ASN en juin 2023.

Grâce aux différents enseignements de Flamanville (une certaine impréparation, une conception détaillée du réacteur inachevée au moment du début du chantier, des problèmes organisationnels) nous avons déjà opéré, à l'intérieur du groupe EDF, une séparation claire entre la maîtrise d'œuvre et la maîtrise d'ouvrage, tout ceci étant de plus supervisé par le contrôle des grands projets. Cette nouvelle organisation est en cours de mise en place. Dans le discours de Belfort, le Président de la République a aussi estimé nécessaire que soit organisée, et cela devrait l'être très rapidement, une structure de l'État pour piloter la filière dans le cadre du programme des EPR2.

Le recours à la sous-traitance est bien évidemment indispensable. Les sous-traitants travaillent également pour d'autres donneurs d'ordre, du nucléaire ou d'autres domaines. L'industrie du nucléaire s'inspire des meilleures pratiques d'autres industries et nous avons tous à apprendre de ce qui se passe dans l'industrie mondiale de la haute technologie. Nous restreindre aux compétences et aux moyens du seul parc nucléaire français serait une perte absolument incommensurable d'expérience comme d'efficacité.

J'aborde maintenant le sujet de la réforme du marché européen qui, selon toute vraisemblance, atteint la fin du modèle mis en place il y a une vingtaine d'années. Même si on a pu observer un certain déni de la part des instances communautaires après l'invasion de l'Ukraine, l'augmentation des prix cet été et son effet sur les consommateurs, les représentants politiques, avec une certaine urgence, se préoccupent de procéder à des changements radicaux. Les ministres se sont réunis la semaine dernière et les ministres de l'énergie se réuniront à nouveau le 30 septembre. Entre-temps, de nombreuses conversations et études sont en cours afin de trouver comment le marché européen peut améliorer son fonctionnement. Il fonctionne à travers ses interconnexions, qui rendent un service tout à fait majeur à la fluidité du système et qui permettent de faire baisser les prix pour la collectivité européenne. On observe toutefois les limites du « tout marché » à travers le caractère spéculatif des prix atteints dans certaines conditions de marché. Doit-on se diriger vers un découplage prix du gaz - prix de l'électricité ? Vers un découplage du prix du gaz domestique par rapport au prix du gaz mondial ? L'Espagne et le Portugal ont obtenu une dérogation, qui doit être étendue. Ce qui me semble le plus important est de trouver comment faire en sorte que le marché, qui est par définition un marché d'équilibres de court terme, donne des signaux d'investissement à long terme. Or les seuls signaux d'investissement à long terme aujourd'hui possibles sont des dérogations au régime général qui passent par une procédure extrêmement longue, pénible et sourcilleuse de la Commission européenne sur les aides d'État, sur la manière dont les différents acteurs se comparent les uns les autres et sur le fait qu'il pourrait y avoir un risque de création de position dominante. Par conséquent, à ce jour, le système n'est pas organisé pour donner des signaux d'investissement à long terme. Nos amis britanniques ont fait voter une loi sur la base d'actifs régulés. Celle-ci va certainement s'appliquer sur le projet de Sizewell C si celui-ci est validé, mais nous ne bénéficions pas d'un tel dispositif en Europe à l'heure actuelle. Cette réforme prendra du temps et nécessitera sans doute de profondes révisions.

EDF est très engagée dans les énergies renouvelables. Si nous sommes capables d'avoir des parts de marché importantes en France grâce au plan solaire que j'ai lancé il y a cinq ans, c'est parce que nous produisons beaucoup de solaire à l'étranger. Lorsqu'on constate que sur le territoire français, nous peinons à obtenir 3, 5 ou 20 MW de solaire à tel ou tel endroit, il est heureux que nous disposions, pour faire baisser les coûts, de la capacité de construire des fermes solaires aux États-Unis et au Moyen-Orient qui fournissent jusqu'à 1 500 mégawatts, projets qui seraient sans doute inacceptables en France, mais qui nous permettent d'apprendre et de faire baisser les coûts.

Nous avons lancé les SMR il y a trois ans, avec un engagement de la filière nucléaire française à initier un premier concept de SMR français, nommé NUWARD™. Celui-ci va bénéficier des financements de France Relance et de France 2030 de telle sorte que dans quelques années, nous ayons la possibilité de construire à côté des grands réacteurs, des réacteurs modulaires qui pourront nous aider, dans un cadre français, par exemple à côté d'industries, comme la sidérurgie, pour des besoins très ponctuels.

Bien évidemment, la sûreté reste le point essentiel qui guide l'ensemble de nos actions. Je ne peux que m'élever contre les remises en cause des décisions de sûreté que nous prenons, d'autant plus que l'ASN, qui en valide la totalité, dispose d'une grande expertise et d'une grande indépendance.

Concernant l'avenir, je vous renverrai au communiqué sorti au début du mois de juillet, qui décrit la nécessité de lancer la recherche d'un successeur, décision prise d'un commun accord entre le Gouvernement et moi, car il me paraît personnellement logique que ce dernier puisse travailler avec un président d'EDF ayant du temps devant lui. Remplacer celui-ci en mars 2023 pour la seule raison qu'il aura atteint l'âge de la retraite n'est pas vraiment pertinent quand on pense à l'ensemble des enjeux d'EDF et donc, le Gouvernement et moi-même avons souhaité que soit mis en place un processus prodiguant au nouveau président d'EDF le temps nécessaire afin de trouver la réponse aux enjeux et défis à venir.

Depuis la guerre en Ukraine, certaines sanctions ont bien été mises en œuvre contre la Russie, que nous appliquons évidemment en totalité et en étroite coordination avec le Gouvernement français. Comme bien d'autres pays dans le monde, nous avons des contrats avec l'industrie civile nucléaire russe, qui ne fait pas, à ce jour, l'objet de sanctions.

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