Notre commission a débuté hier un cycle d'auditions visant, d'une part, à poser un diagnostic sur les raisons ayant conduit à l'arrêt de plus de la moitié des réacteurs du parc nucléaire, sur les responsabilités dans ce domaine et sur les moyens de relancer au plus vite la production et, d'autre part, à étudier les scénarios de consommation et de production, y compris les plus sombres, des mois à venir et à élaborer des solutions concrètes pour que, collectivement, nous puissions surmonter l'épreuve énergétique.
Monsieur le président, l'entreprise que vous dirigez est au cœur de multiples interrogations. Notre pays est confronté pour l'hiver à venir à un problème énergétique qui résulte de causes variées. Pour certaines, comme la réduction drastique des livraisons de gaz russe, ou encore le faible niveau des réservoirs des barrages hydroélectriques en lien avec la sécheresse, EDF ne fait que subir la situation. En revanche, concernant spécifiquement le sujet de l'offre en électricité, la crise est amplement aggravée par l'indisponibilité actuelle de trente-deux réacteurs de notre parc nucléaire sur un total de cinquante-six. La responsabilité d'EDF à ce niveau peut donc être interrogée, questionnement qui ne vise évidemment pas l'ensemble des équipes et agents d'EDF, dont nous connaissons tous l'implication et le dévouement quotidiens sur le terrain.
Puisque j'évoquais en début d'intervention la nécessité d'un diagnostic, je souhaiterais que nous axions cette audition sur les raisons justifiant l'arrêt de ces réacteurs, en détaillant, par nature de problème, le nombre de réacteurs concernés.
En tant qu'élus, nous sommes fréquemment interrogés par les citoyens de nos circonscriptions, qui aimeraient comprendre la raison de l'indisponibilité d'un tel nombre de réacteurs, savoir quand ils fonctionneront à nouveau et si de nouvelles difficultés peuvent éventuellement apparaître.
Les travaux de maintenance, de rechargement ou les interventions nécessaires pour envisager de prolonger la durée de vie d'un réacteur sont compréhensibles, à condition que l'agenda fixé, même après les perturbations induites par la crise sanitaire, apparaisse rationnel. Le doute est en revanche permis en ce qui concerne les arrêts de réacteurs liés aux problèmes dits de corrosion sous contrainte. Comment de telles difficultés ont-elles pu survenir ? Sont-elles liées à des pertes de compétences, à des défauts d'investissement, à des défaillances dans la surveillance de la sécurité nucléaire ? Auraient-elles pu être prises en compte plus tôt en étalant dans le temps les réparations pour préserver le nombre de réacteurs en fonctionnement ? Serez-vous en mesure de redémarrer l'ensemble de ces réacteurs pour l'hiver et quel sera le nombre de réacteurs que vous serez malgré tout dans l'obligation de stopper dans le cadre des procédures normales de maintenance ? Finalement, la production du parc nucléaire au cours de l'hiver prochain sera-t-elle suffisante pour faire face aux pics de consommation ?
Les interrogations sur les compétences d'EDF se posent d'autant plus que l'entreprise éprouve le plus grand mal, depuis plusieurs années, à achever la construction et la mise en service des European Pressurized Reactors (EPR), qu'il s'agisse de celui de Flamanville, de ceux de Finlande ou encore du Royaume-Uni. J'observe d'ailleurs que le numéro du Canard enchaîné d'aujourd'hui fait état d'une anomalie de conception sur la cuve de Flamanville. Pourriez-vous nous fournir quelques explications à ce sujet ? Dans ces conditions, le programme de construction de nouveaux EPR visant à faire face à la hausse de consommation d'électricité anticipée à l'horizon 2040-2050 peut-il être envisagé sereinement ?
Les difficultés et défis qu'EDF doit affronter à court, moyen et long terme se traduisent évidemment par un coût financier immense tandis que vos recettes sont contraintes par le mécanisme de l'Accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh) , ce qui conduit les pouvoirs publics, depuis un certain temps, à s'interroger sur la structure de la gouvernance de votre entreprise et a déjà amené l'État à souhaiter porter sa participation à 100 % du capital. Ce sujet n'est pas au cœur de l'audition d'aujourd'hui, qui est axée sur les capacités de production, mais notre commission travaillera probablement prochainement sur ces questions.