Quant au motif de frustration suivant, nous l'avions déjà évoqué à propos des première et deuxième parties du projet de loi ; mais s'y ajoute cette fois un autre problème, lié à notre manière de travailler ensemble.
Nous avons bien sûr des désaccords sur les moyens de financer la sécurité sociale – c'est sans doute ce qui explique, en grande partie, le refus d'organiser dans le pays un débat sur le partage de la richesse. Toutefois, avec mon collègue Marc Ferracci, nous avons fait un peu avancer le débat en soumettant, dans le cadre d'un travail transpartisan – une méthode que nous appelons souvent de nos vœux –, un rapport sur les exonérations de cotisations sociales.
Ainsi, deux parlementaires de bords différents se sont mis d'accord pour estimer que sur les 80 milliards d'allègements – ce « pognon de dingue » –, un chiffre qui a triplé en vingt-cinq ans, il y a au moins un type d'exonérations dont on est à peu près certain qu'elles n'ont aucun impact sur l'emploi ni sur la compétitivité : le fameux « bandeau famille », autrement dit les exonérations de cotisations sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic.
Or vous avez balayé cette proposition d'un revers de la main. Pire, vous en avez introduit une autre, qui n'est pas du tout issue de ce travail transpartisan : le gel des seuils à partir desquels sont déclenchées les exonérations de cotisations. Pire encore : vous n'avez pas introduit d'emblée cette mesure que vous soutenez, nous privant d'une étude d'impact.
Vous avez ainsi commis une erreur sur le fond, et surtout sur la forme, en envoyant un très mauvais signal à tous ceux qui, dans cette assemblée, pensent sincèrement que nous pouvons travailler ensemble – au moins sur certaines mesures – même si nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d'onde.
La dernière source de frustration concerne évidemment la politique du grand âge – un sujet sur lequel je vous avais également interrogée lundi, madame la Première ministre.
Damien Maudet a cité à peu près tous les organismes, syndicats, fédérations et autres caisses qui ont rejeté votre PLFSS. Cependant, il a oublié de mentionner le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, une instance rattachée à la Première ministre – excusez du peu – et qui n'a pu émettre un avis favorable, considérant que votre trajectoire ne répondait pas aux enjeux.
Vous avez d'ailleurs vous-même réduit les ambitions de cette trajectoire dans vos propos, madame la Première ministre. La promesse présidentielle de créer 50 000 postes supplémentaires dans les Ehpad – déjà insuffisante, puisque la FHF considérait qu'au moins 100 000 étaient nécessaires – concernait les années 2022 à 2027, soit l'ensemble du quinquennat. Or, au détour d'une phrase, vous avez déclaré que cette promesse s'appliquait à l'horizon 2030. En ajoutant ces trois années, vous avez enterré la promesse de créer 50 000 postes sur le quinquennat. En deux ans, vous n'aurez créé que 1,2 poste supplémentaire par Ehpad.