Cela ne suffira à convaincre ni la représentation nationale ni les Français, dont la défiance envers le Gouvernement est grandissante. Tous les députés qui travaillent sur le PLFSS depuis plusieurs semaines sont déçus. Quant à moi, je souhaite utiliser mon temps de parole pour aborder plusieurs questions de fond.
Lors des discussions des précédentes motions de censure, j'ai évoqué quatre regrets majeurs au sujet de ce budget de la sécurité sociale pour 2024 : l'absence de politique familiale, l'absence de politique du grand âge, les économies réalisées sur la santé des Français, l'absence de véritable lutte contre la fraude. Je veux évoquer aujourd'hui quatre autres de mes regrets.
Le premier concerne le financement insincère des établissements de santé et médico-sociaux. Notre hôpital est au bord du gouffre : devra-t-il bientôt choisir entre payer les soins ou payer la note de chauffage ? Les établissements de santé et leurs fédérations alertent sur le risque d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) de nouveau insincère : en effet, le texte ne prévoit aucun financement de l'inflation ni de l'extension des mesures de revalorisation du travail de nuit et des gardes, soit près de 2 milliards non financés. D'ailleurs, monsieur le ministre de la santé et de la prévention, vous êtes très prudent sur la question de la visibilité du financement. Quel sort réservez-vous à la tarification à l'activité (T2A) ? Je me félicite que la commission ait adopté l'amendement du groupe Les Républicains visant à instaurer une programmation des ressources pour cinq ans. J'espère qu'il sera conservé. Je souligne également l'absence d'ambition de ce PLFSS pour les soins palliatifs, alors même que les besoins de financement sont estimés à 1,5 milliard, bien loin de l'objectif de 5 000 lits identifié par le passé.
Mon deuxième regret concerne les professionnels de santé, qui sont le nerf de la guerre de notre système de soins. Pas plus que les établissements, vous ne semblez les porter dans votre cœur : la généralisation des rendez-vous de prévention met à mal les négociations conventionnelles. Rien n'est prévu non plus pour revaloriser les rémunérations des infirmières libérales qui assurent la continuité des soins. Aucune revalorisation n'est intervenue pour elles depuis 2009, alors que l'inflation écrase ces professionnelles très dépendantes de la voiture et durement touchées par l'explosion des prix des carburants. Quand répondrez-vous au cri de détresse des infirmières libérales qui maillent notre territoire ?
S'agissant des professionnels paramédicaux, présents partout en France au quotidien, leurs professions souffrent d'un manque de formation et d'attractivité. Ce sont pourtant eux qui nous permettront de réaliser notre objectif commun d'un virage ambulatoire et domiciliaire. Je regrette l'adoption d'un amendement réformant l'assiette des cotisations sociales dont s'acquittent les professions libérales. Bien que cette réforme soit soutenue par les partenaires sociaux, notre groupe s'inquiète de ses effets pour certaines d'entre elles. Un amendement sur un sujet aussi important nécessiterait une étude d'impact.
Je salue cependant, monsieur le ministre, l'annonce de la majoration de 50 % de l'indemnisation des gardes pour tous les médecins, que vous avez finalement bien voulu étendre aux internes en médecine, sans qui les hôpitaux ne fonctionneraient pas. Merci d'avoir répondu favorablement à cette demande qui m'était chère.
Mon troisième regret concerne la prévention. S'il y consacre quelques articles, le texte ne va pas assez loin en la matière : il ne prévoit rien sur l'alcool, le tabac ou les drogues, ni sur la santé mentale ou la diététique. Une personne atteinte d'hypercholestérolémie est pourtant bien plus exposée aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) et aux maladies cardiovasculaires, qui tuent chaque année environ 140 000 personnes, que le reste de la population. Vous avez modifié les âges clés des rendez-vous de prévention ici même, en dernière minute. Pourquoi ce revirement décidé sur un coin de table ? Pourquoi ne pas avoir intégré, dès la rédaction du PLFSS, les recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) ?
Quant à la vaccination contre le papillomavirus dans les collèges, elle est nécessaire, puisqu'elle permet de prévenir jusqu'à 90 % des infections à l'origine de cancers. Elle s'impose d'autant plus que la France est bien loin de l'objectif de 60 % de couverture vaccinale à l'horizon 2019, fixé dans le cadre du plan Cancer 2014-2019. Cependant, votre texte n'allait pas assez loin, puisqu'il ne prévoyait pas d'étendre la campagne de vaccination aux établissements médico-sociaux, donc aux jeunes en situation de handicap. Je me félicite que mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même ayons fait adopter un amendement visant à rectifier cette inégalité.
Enfin, mon dernier regret concerne les médicaments et les dispositifs médicaux. Je déplore, tout d'abord, que nous persistions à nous enliser dans une logique de sur-régulation des médicaments, au détriment de notre souveraineté sanitaire. Sachez, monsieur le ministre, que je suis fier d'accueillir dans ma circonscription, à Roussillon, l'entreprise Seqens, qui produira 60 % du paracétamol européen. Sachez aussi que je me battrai toujours à ses côtés pour que la relocalisation et la production françaises soient davantage récompensées que l'importation.
Même si nous avons déjà évoqué cette question difficile, nous restons par ailleurs à votre disposition pour progresser ensemble concernant la radiation de la liste en sus de certains dispositifs médicaux utilisés en oncologie et en cardiologie, qui jouent un rôle important dans le traitement des cancers, des AVC ou des pathologies cardiaques.
Enfin, je suis heureux que vous ayez donné suite à ma demande concernant le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique en vue de leur réutilisation. Cette mesure de bon sens, qui permettra de diminuer de moitié leur empreinte carbone, présente des avantages économiques et environnementaux. Je suis d'ailleurs le seul, parmi les députés ici présents, à avoir déposé une proposition de résolution en ce sens, que j'avais transmise en main propre à M. le ministre Christophe Béchu – qui ne semble pas m'écouter.