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Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mardi 13 septembre 2022 à 15h00
Commission des affaires économiques

Agnès Pannier-Runacher, ministre :

M. Bothorel m'interroge sur la question du délestage. Il n'existe pas de risque de black-out, c'est-à-dire de survenue d'un épisode qui ferait s'effondrer l'ensemble du système énergétique. De fait, un plan de continuité est préparé comme ultime recours en cas d'insuffisance d'alimentation en électricité. Il prévoit, entre autres mesures, des délestages. Ceux-ci seraient organisés et les personnes concernées seraient prévenues. Cette mesure ne concernerait que moins de 5 % des compteurs. Cela permet de remettre les choses en perspective.

S'agissant des installations assurant un rôle essentiel, un travail est mené avec la filière des infrastructures numériques, qui nous a alertés quant à ses antennes. Nous avons pris en compte le rôle qu'elle joue dans les dispositifs de sécurité, notamment le lien entre les populations et l'extérieur. Nous devons faire en sorte de repérer les antennes non détectables ou d'envisager d'autres moyens. Ce sujet est à l'étude dans le cadre du plan de continuité.

La question de savoir s'il y a lieu de développer les voitures électriques à marche forcée alors que peuvent exister des difficultés d'alimentation en électricité concerne le moyen-long terme. Il n'est pas question de réquisition. En revanche, certains opérateurs de recharge de voitures électriques ont des contrats d'effacement ou de mise à disposition de l'électricité, parce qu'ils couplent la recharge avec du stockage et sont capables de renvoyer des gigawatts dans le réseau. Une batterie procure la capacité à créer de la résilience dans le réseau. Je suis à votre disposition pour approfondir ce point. La pédagogie est toujours utile en matière politique.

S'agissant du niveau des charges dans les offices publics de HLM, Olivier Klein – que vous auditionnerez juste après – est extraordinairement mobilisé. Vous avez raison de souligner ce sujet d'augmentation de ces charges, mais il vous répondra mieux que moi.

Concernant les pellets, je tiens d'abord à rappeler qu'il s'agit d'un sous-produit de l'industrie du bois, laquelle est sensible aux coûts du gaz et l'électricité, du fait des procédures électriques et de chauffe, mais aussi du transport. Alors que nous observons une augmentation très sensible des prix, nous avons pris des mesures pour faciliter la production de pellets et ne pas être en situation d'impasse d'approvisionnement. La mesure la plus à même de répondre à votre question est le chèque énergie, qui permet de couvrir le prix des pellets – ce qui suppose de conduire une réflexion sur une possible augmentation de ce dispositif, à mettre en regard de la mesure sur le fioul. De fait, il serait plutôt curieux d'aider les propriétaires de chaudière à fioul et pas ceux qui disposent de systèmes fonctionnant avec des pellets. Nous sommes bien conscients de la situation. J'ai alerté la Première ministre et le ministre de l'économie afin que les différentes mesures soient alignées, pour que les personnes qui se chauffent aux pellets bénéficient d'un soutien équitable. Je suis à votre disposition pour en discuter.

Vous me demandez quelles sont les garanties que la sobriété sera durable. Cela sera cranté dans les trajectoires nationales bas carbone, lesquelles deviendront « mordantes » au fil du temps, en faisant supporter un coût pour les acteurs économiques : ceux-ci s'engageront dans un plan de sobriété parce qu'ils sont convaincus que le réchauffement climatique est une réalité, parce qu'ils feront ainsi baisser leur facture énergétique et parce que les stratégies et toute la politique que nous menons, notamment dans le cadre du paquet climat européen, les conduiront à payer un coût progressif de la tonne de carbone. Le plan de sobriété est donc une incitation à éviter d'émettre du CO2.

Je répondrai à Mme Battistel et à M. Potier que nous n'avons techniquement pas besoin d'un tarif réglementé pour instaurer un bouclier. Le TRV gaz a fait l'objet d'une décision de justice européenne, mais cela ne nous empêche pas de définir un système de bouclier pour le gaz.

Concernant la fraude à l'Arenh, j'ai demandé à la présidente de la CRE d'ouvrir systématiquement une enquête en cas de doute. Le trop-plein d'Arenh dont certains des fournisseurs bénéficieraient doit être payé à EDF, et il donne lieu à une sanction financière complémentaire lorsqu'il dépasse 10 %. Nous travaillons également à renforcer les pouvoirs de la CRE afin qu'elle puisse intervenir plus rapidement.

S'agissant de la planification écologique, la Première ministre étant chargée de cette mission, c'est une priorité de notre Gouvernement. Je ne mettais pas en cause la planification écologique. J'indiquais simplement que notre objectif consiste à faire en sorte que les préfets travaillent sur les énergies renouvelables. Ce sujet sera probablement revu dans le cadre de la loi de programmation sur l'énergie et le climat. Nous avions pensé à dédier un volet à la planification écologique dans la loi « accélération des énergies renouvelables ». Mais nous engageons en parallèle un débat énergie-climat censé animer l'ensemble des collectivités locales. Le risque existe donc de présenter une loi et de revenir dessus six mois plus tard. En tout état de cause, nous ne voulions pas empiler un nouveau schéma s'ajoutant aux Sraddet, ce qui aurait fini par compliquer la lecture de notre action sur le terrain. Nous travaillons à une planification réelle.

J'en viens à la question sur la rénovation thermique et la baisse de l'accompagnement au travers de MaPrimeRénov'. Nous avons l'ambition de maintenir ce dispositif, en l'améliorant – c'est une demande très claire du Président de la République et de la Première ministre. Nous avons constaté un besoin d'accompagnement et de conseil, et il existe désormais 500 espaces conseil et 1 800 conseillers déployés sur le terrain. C'est nouveau. En outre, 5 000 agents de l'Anah et d'autres réseaux accompagnent les ménages dans la concrétisation de leur projet de rénovation thermique. Chaque année, 700 000 gestes sont accompagnés. Ce ne sont pas tous des rénovations thermiques profondes – lesquelles sont au nombre de 2 000 – mais ils permettent des gains assez importants en matière de consommation énergétique. Ce point a été mis en valeur par une étude récente consacrée à la diminution des émissions de carbone liée à ce dispositif. Nous pouvons encore l'améliorer. Il existe plusieurs autres dispositifs, dont MaPrimeRénov' Sérénité pour les rénovations en profondeur. Il faut travailler sur les points de blocage pour le passage à l'acte dans la rénovation. C'est souvent au moment des mutations que ces rénovations se font. Il existe aussi un dispositif ad hoc pour les propriétés. Ces dossiers sont plus complexes. Enfin, il faut probablement se poser la question de la souplesse à s'accorder vis-à-vis des architectes des Bâtiments de France – dans le cadre d'une concertation –, et faire en sorte d'avoir des positions relativement similaires d'une opération à l'autre.

Pour ce qui est de l'autoconsommation, celle-ci est exonérée de Turpe (tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité) lorsqu'elle est individuelle. Lors du conseil supérieur de l'énergie du 8 septembre, nous avons passé des mesures de soutien à l'autoconsommation, avec une prime à l'investissement versée en une fois et non plus étalée sur cinq ans, la prise en compte de l'inflation dans le tarif de revente au réseau pour accélérer le développement des énergies renouvelables, et la facilitation d'usage de l'autoconsommation collective pour les collectivités.

Vous évoquez l'accompagnement de la filière bois. C'est tout l'enjeu de la RE2020 (réglementation environnementale 2020), qui laisse une place importante au bois, et du comité stratégique de filière qui prévoit des mesures d'accompagnement, y compris soutenues au travers de France Relance.

Je le répète, nous proposons une réforme du marché électrique européen, pas une sortie. Les solidarités que nous utilisons pour permettre à la France d'importer vingt jours par an ces deux dernières années, et probablement plus l'année prochaine, reposent aussi sur le fait que nous sommes collectivement dans le marché de l'électricité européen.

Concernant la prolongation du bouclier tarifaire et les 12 millions de personnes en situation de précarité – énergétique, et pas nécessairement économique –, nous avons prévu deux actions. Tout d'abord, nous allons renforcer les accompagnements pour les personnes qui vivent dans des passoires thermiques, et ce durant tout le parcours client, y compris pour le montage de dossiers. Nous savons que ce montage constitue un point de difficulté. Le financement des associations qui accompagnent les personnes en situation précaire dans le montage de leur projet de rénovation thermique peut sembler très théorique. Néanmoins, si nous parvenons à soutenir les prêts d'honneur et les prêts à taux zéro à hauteur de 90 % du coût des opérations, l'accompagnement technique et l'intervention d'artisans dûment recommandés, les résultats sont au rendez-vous. Mais c'est évidemment plus complexe qu'un simple geste dans une habitation. Nous ferons également en sorte de renforcer le bouclier tarifaire de manière générale pour les personnes en situation la plus précaire.

S'agissant des passoires thermiques, vous considérez que les moyens sont insuffisants. Je vous réponds que tous les carnets de commandes sont pleins. La question est moins celle des moyens financiers que celle de la disponibilité de professionnels, sur le terrain, capables de mener ces opérations. Comment amener les jeunes vers ces métiers ? Les CFA (centres de formation des apprentis) ne sont pas toujours complets, ce qui pose la question de l'attractivité de ces métiers – laquelle n'est pas nécessairement lié au niveau de rémunération, qui ne correspond d'ailleurs pas toujours au Smic mais peut être plus élevée, comme dans de nombreux métiers d'artisanat. Ces métiers intéressants ont du sens au regard du combat contre le réchauffement climatique. Ils devraient donc, théoriquement, attirer les jeunes. Mais il existe un écart entre le nombre de personnes formées et le besoin de formation.

L'audit du parc d'EDF a été effectué par une équipe extérieure de professionnels du nucléaire et de la conduite de projets complexes et d'ingénierie. Il a établi un diagnostic de l'organisation de la performance opérationnelle des arrêts de tranche du parc nucléaire. Il montre une marge de progression significative pour l'entreprise en la matière, qui pourrait faire gagner quelques semaines d'arrêt pour les opérations de maintenance. Embarquer les recommandations de cet audit sera l'une des premières tâches du futur dirigeant d'EDF, même si nous savons que c'est déjà largement le cas. J'ai demandé à l'entreprise de publier les principales recommandations de l'audit, car je sais que l'attente est forte. La transparence sur la performance opérationnelle d'EDF est importante pour la confiance.

Cela me permet de répondre à l'autre question relative aux réacteurs nucléaires. Mon point de référence est la publication par EDF des redémarrages et des arrêts de centrales. La loi prévoit que tous les démarrages et les arrêts de capacités de production soient communiqués en temps réel dans le cadre du reporting prévu par le règlement, dit « Remit ». Ce reporting est accessible à tous sur le site de RTE. J'enjoins EDF à la plus grande transparence quant à ce reporting, pour nous permettre d'en faire un outil de pilotage. De fait, c'est sur cette base que nous pourrons rassurer les acteurs économiques concernant le disponible de productible nucléaire pour l'hiver prochain. Outre ce reporting, EDF dispose d'éléments concernant les aléas.

Vous m'interrogez ensuite sur les dispositifs relatifs aux « entreprises saisonnières » – que cela est joliment dit ! Je pense que vous faites référence aux remontées mécaniques. Olivia Grégoire est à pied d'œuvre pour travailler avec cette filière qui rencontre des difficultés particulières. Des mesures de ralentissement des infrastructures sont également prises. Par principe, même si j'ai quitté cette industrie depuis quatre ans, je me mets de côté de toutes les discussions dont j'ai opéré l'un des principaux acteurs durant six ans.

Concernant les infrastructures gazières ou de biogaz qui pourraient être développées en Savoie, nous sommes ouverts à l'examen de toute infrastructure de nature à faciliter la décarbonation de notre industrie et à renforcer notre résilience énergétique. C'est notre principal point d'entrée.

L'approche est la même concernant MidCat, projet d'infrastructure gazière qui relierait l'Espagne à la France pour passer plus de gaz. Compte tenu des temps d'instruction, d'autorisation et de construction des projets en France – vous êtes bien placé pour le savoir –, il est illusoire de penser qu'une telle infrastructure pourrait être opérationnelle en vingt-quatre mois. S'il faut sept ans pour concrétiser un projet d'éolienne, il est assez peu probable de construire une infrastructure gazière dimensionnante en quelques mois ! Dès lors, cette infrastructure n'est malheureusement pas un élément de résilience dans la crise ukrainienne ou la crise énergétique. Si nous nous plaçons dans une perspective plus lointaine toutefois, à l'horizon de 2030, il apparaît qu'il est problématique d'investir dans une infrastructure fossile au moment où nous organisons la décarbonation de notre système énergétique. Il y aurait là une incohérence. En revanche, s'il s'agit d'investir dans une infrastructure pour l'hydrogène, discutons-en. Le Président de la République a été clair : l'infrastructure la plus de nature à faciliter le déploiement d'un réseau hydrogène en Europe, entre la France et l'Espagne, serait une interconnexion électrique complémentaire ou le renforcement des installations électriques existantes, puisqu'elle fournirait sur la base d'une énergie verte l'ensemble des électrolyseurs européens. Telle est la valeur ajoutée que peut fournir l'Espagne. J'ai proposé à Thérésa Ribeira, ministre espagnole de la transition énergétique, qui l'a accepté, de nous réunir sur les éléments suivants : cartographier les infrastructures capables de venir en appui du plan de solidarité et de résilience de l'hiver prochain et identifier ce qui est le plus facilement activable ; faire le plan pour l'hydrogène et voir ce qui nécessiterait d'être construit ; discuter des rentes de congestion, puisque l'Espagne a le sentiment, que nous ne partageons pas, de mettre à disposition des Français de l'électricité à bas prix – nous sommes prêts à payer les rentes de congestion en six à huit mois, en contrepartie d'un approvisionnement réel en électricité – ; soutenir un modèle ibérique pour le plafonnement du prix du gaz au niveau européen.

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