Intervention de Jérémie Iordanoff

Séance en hémicycle du jeudi 2 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérémie Iordanoff :

…à moins d'agir, une fois de plus, au mépris des conditions de travail des agents. La justice restera une justice de l'urgence.

Vous annoncez la création de 327 postes supplémentaires de magistrats en 2024. Les référentiels établis par le groupe d'étude sur la charge de travail des magistrats démontrent qu'il en faudrait deux à trois fois plus. Le groupe Écologiste – NUPES avait expressément demandé que ces référentiels servent de base à l'élaboration du budget pour 2024. Non seulement il n'en a rien été, mais ils n'ont même pas été publiés ; il y a de quoi douter de les voir un jour appliqués !

Quant au volet pénitentiaire, vos arbitrages budgétaires ne permettront pas de redonner tout son sens à la peine. Vous persistez à consacrer des sommes astronomiques à la construction de nouvelles places de prisons, au détriment de ce qui devrait être au cœur de la politique pénitentiaire, à savoir la lutte contre les conditions indignes de détention, la prévention de la récidive et la promotion de la réinsertion.

Vos choix ne sont pas cohérents : les moyens alloués à la rénovation du parc pénitentiaire sont en très forte baisse et plus de dix fois inférieurs à ceux alloués à la construction de nouvelles places de prison. Compte tenu de l'état d'insalubrité des établissements, c'est incompréhensible. Quant à la prévention de la récidive et la réinsertion, le budget qui leur est consacré stagne à 123 millions, ce qui reste très faible. Aucune création d'emploi n'est prévue pour renforcer les métiers du social. Les préconisations du Conseil économique, social et environnemental (Cese) en matière de réinsertion des personnes détenues sont restées lettre morte.

Que dire des moyens consacrés aux aménagements de peine et aux solutions alternatives à l'incarcération ? Trois millions seulement y sont consacrés ; c'est le budget le plus faible et il est en baisse par rapport à 2023. Il concerne très majoritairement la surveillance électronique, alors que le financement du placement à l'extérieur est dérisoire.

Nous sommes sur une mauvaise pente, à contre-courant des pratiques de nos voisins européens – nous regardons avec intérêt ce qui se passe ailleurs. Ce n'est pas en construisant toujours plus de places de prisons que vous parviendrez à contenir la surpopulation carcérale. Toutes les études démontrent que ce phénomène est le résultat de politiques pénales de plus en plus sévères : augmentation du nombre de peines d'emprisonnement ; usage massif des comparutions immédiates, grandes pourvoyeuses de courtes peines dont on sait qu'elles désocialisent et sont inadaptées ; recours accru à la détention provisoire, avec plus de 19 000 présumés innocents vivant dans des maisons d'arrêt surpeuplées.

Le groupe Écologiste – NUPES salue la hausse des crédits, mais regrette les arbitrages effectués. Par conséquent, ses membres s'abstiendront.

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