Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du jeudi 2 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Alors que le recours au 49.3 se banalise et laisse l'administration et l'exécutif seuls décideurs, monter à la tribune pour parler du budget en séance publique me coûte et crée en moi un malaise que je tiens à exprimer ici.

La présente mission s'inscrit dans la suite logique et attendue de la loi de programmation. La hausse de ce budget, qui se vérifie en 2024, permettra sans doute à la justice de sortir de l'indigence qu'elle connaît – c'est du moins ce que nous espérons. Le budget ne fait certes pas tout, mais une augmentation massive des moyens financiers et humains nous semble en effet être la priorité.

Il nous faut veiller à ce que la loi de programmation se concrétise chaque année. Il nous est en effet déjà arrivé de voir des crédits votés en novembre être gelés deux mois plus tard. C'est pourquoi un amendement de notre groupe vise à introduire une clause de revoyure au mois d'avril de l'année en cours.

Enfin, avant d'exprimer les quelques réserves ou observations que nous inspire la mission proprement dite, nous tenons à rappeler que plus des deux tiers des citoyens ne sont pas satisfaits du fonctionnement de la justice – ils mettent en avant les délais et l'illisibilité des décisions rendues – et que près des deux tiers considèrent que les juges ne sont pas indépendants du pouvoir politique. Les nominations à l'initiative du Gouvernement et la gestion même de l'autorité judiciaire devront être questionnées, en se gardant de tout esprit corporatiste ou de réflexe antijudiciaire. Nous n'abandonnons pas ces critiques, mais considérons que le renforcement des moyens de la justice est pour l'heure la priorité.

Je m'interroge sur les postes créés : les crédits sont là, mais encore faut-il qu'ils se traduisent par un recrutement massif, en particulier chez les magistrats. Les besoins s'élèvent à 2 800 postes de magistrat d'ici 2027, en prenant en compte les départs à la retraite. Il s'agit donc de recruter 700 magistrats par an. Même si les écoles tournent à plein régime, il faudra ouvrir la magistrature à d'autres professions du droit, en simplifiant encore les procédures et en combattant les préjugés. La question de l'attractivité de la magistrature mais aussi d'autres corps de la fonction publique se pose toujours.

Deux questions aussi sur les greffiers – notre vigilance a été constante à ce sujet, vous devez le reconnaître, monsieur le ministre. La catégorie A est-elle enfin, s'agissant de la Chancellerie, en tout point comparable à celle des autres ministères ? Les directeurs des services de greffe verront-ils leur situation évoluer dès 2024, avec effet rétroactif pour 2023 ?

J'ai un vrai regret en ce qui concerne la justice restaurative, qui ne connaît aucune majoration par rapport à 2023, puisque 36 millions sont alloués aux dépenses d'intervention d'aide aux victimes pour 2024. Alors qu'en France, la récidive atteint un taux de 40 %, au Québec, où la justice restaurative est couramment pratiquée, le taux de récidive des condamnés ayant participé à de tels programmes est de seulement 9 %. Cette réussite tient aux importants crédits qu'y consacre l'État.

Sur la question carcérale, on ne peut que faire un constat d'échec, la tendance étant au durcissement. On compte 74 513 détenus pour 60 666 places théoriques. Pas moins de 27 000 détenus sont incarcérés dans des établissements affichant un taux d'occupation supérieur à 150 % et, fin 2022, le taux d'occupation des maisons d'arrêt avoisinait 143 %. Il nous faut questionner notre modèle d'enfermement pour que la dignité des détenus ne soit pas bafouée. Le sens donné à la prison fonde le sens de la peine.

La détention, c'est aussi le temps de la réinsertion : le détenu ne restera pas toute sa vie en prison. Sans réinsertion, la question de la récidive et de la sécurité de la société reste entière.

Dans son rapport de 2023, la Cour des comptes dénonce la surpopulation carcérale persistante et s'interroge sur la politique d'exécution des peines : elle y constate une diminution de 23 % des courtes peines, une augmentation de 24 % de la durée d'incarcération et une hausse de 30 % de la détention provisoire. Les mesures alternatives à la prison doivent être développées, avec davantage de lieux d'accueil, de conseillers pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP) et d'éducateurs spécialisés. La Cour des comptes, qui n'est pas une institution fantaisiste,…

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