Nous sommes effectivement différents les uns des autres. Je suis particulièrement épatée d'apprendre aujourd'hui que la FNSEA défend les exploitations diversifiées, humaines et familiales. Lorsque j'ai débuté il y a quarante ans, nous étions 1,5 million d'agriculteurs en France et j'avais des voisins agriculteurs partout autour de ma ferme. Aujourd'hui, nous ne sommes plus que 350 000 et, malheureusement, plus de la moitié des agriculteurs ont mon âge et se préparent à prendre leur retraite. Dans le Gers, deux fermes sur trois ne trouvent pas de repreneurs et la tendance est à l'agrandissement des exploitations.
Ce modèle d'agriculture plus agro-industriel, où l'humain est de moins en moins présent et où la diversité des cultures diminue, a un lien avec l'utilisation plus importante de pesticides. Ces produits sont pratiques pour un agriculteur qui travaille seul. Actuellement, un agriculteur gère 600 hectares de céréales dans le Gers sans avoir besoin de beaucoup de personnel, car il a du matériel et des produits phytosanitaires. Il allège en outre au maximum son assolement et évite même l'irrigation, qui demande de la présence. Il sème du blé et du tournesol toute l'année et optimise ses résultats économiques.
Tout le système est conçu pour l'encourager à suivre cette voie. Il peut ainsi bénéficier des primes de la politique agricole commune (PAC) au maximum et prendre peu de risques. Cependant, il voit tout de même ses voisins disparaître et la diversité s'effacer. Les problèmes rencontrés par certaines cultures, comme les attaques de la drosophile, sont souvent liés à ces évolutions. L'absence d'arbres ou de haies a en effet des conséquences directes. À l'automne, l'utilisation du glyphosate recouvre le Gers de rouge, ce qui donne l'impression d'être dans un désert.
Il est évident que ces pratiques ont un impact non seulement sur l'alimentation humaine, mais aussi sur la vie du sol et de tous les organismes qui en dépendent, comme les insectes, les rongeurs et les vers de terre. Il est donc impératif d'envisager cette question dans sa globalité, car la diversité et la biodiversité des exploitations agricoles sont essentielles pour la santé des sols, la résilience des cultures et la réduction de la dépendance aux pesticides.
Vous soulevez par ailleurs l'enjeu de la concentration d'animaux ou de cultures d'une même espèce, qui peut favoriser la propagation des maladies et parasites. Ces problèmes surviennent particulièrement dans les cas où des agriculteurs se spécialisent dans la culture d'une seule espèce, comme la cerise, sans introduire d'autres espèces végétales qui pourraient agir comme une barrière naturelle face aux parasites. C'est une problématique globale qui requiert l'intervention de scientifiques et une approche à long terme. À défaut, la seule solution semble être le traitement des cerisiers.
Cette situation peut aussi être attribuée en partie à la sélection de variétés de cerisiers peut-être plus sensibles et à l'exigence croissante de qualité alimentaire. Il est en effet de moins en moins acceptable d'avoir des fruits de deuxième choix ou déclassés.
Au-delà de ces différences, la question essentielle demeure le revenu agricole. Cette réalité affecte tous les acteurs du secteur agricole, des petites fermes aux grandes exploitations. Les grosses structures agricoles impliquent souvent des montages financiers complexes. Dans le Gers, nous comptons plus de 30 fermes de plus de 1 000 hectares, y compris des exploitations viticoles. Il n'est pas là question d'agriculture, mais d'industrie agricole.
La question des pesticides joue un rôle central dans le choix du modèle agricole. Devons-nous continuer à promouvoir la croissance des fermes par des méthodes agro-industrielles ou devons-nous privilégier la biodiversité avec des exploitations à taille humaine qui emploient et occupent les territoires ruraux ? Actuellement, nous assistons à l'abandon de certaines zones non rentables, comme les régions où l'élevage a été délaissé. Nous observons donc la prolifération de friches agricoles. Cette année, la direction départementale des territoires (DDT) a enregistré 500 dossiers PAC de moins. Cette tendance s'explique par le coût élevé de l'entretien de ces terrains, rendant leur mise en valeur économique difficile.