Il me semble que trois syndicats sur quatre partagent à peu près la même ligne. Cependant, nous ne sommes pas tout à fait en phase avec la Confédération paysanne, mais ce n'est pas nouveau.
S'agissant du taux d'agriculteurs syndiqués, il est évident qu'il varie d'une commune à l'autre. Par exemple, dans ma commune, sur 15 agriculteurs, deux tiers sont syndiqués. Toutefois, syndiqués ou non, nos méthodes d'exploitation sont assez similaires et je ne perçois pas de différences significatives dans notre approche.
Par ailleurs, nous avons assisté en une dizaine d'années à une réduction significative de la diversité en culture fruitière, en ornemental, en légumes, etc. Nous avons l'habitude de dire que les cultures orphelines constituent la réelle richesse de l'agriculture française mais les restrictions actuelles nous poussent vers des impasses. Le semencier Barenbrug est installé près de chez moi et, si nous ne sommes pas vigilants, il pourrait se délocaliser en dehors de la France, mais rester en Europe, créant ainsi des distorsions de concurrence. Par exemple, un producteur dans les Hauts-de-France est le seul en France à cultiver le chou de Bruxelles et est environné de ses collègues belges qui en produisent également. Il existe des incohérences liées aux cultures mineures.
Au sujet de la cerise, nous avons interdit le diméthoate et le phosmet, utiles contre la drosophile suzukii. Le changement climatique fait augmenter le nombre de ravageurs, ce qui affecte l'utilisation des produits phytosanitaires. Nous nous trouvons dans une situation paradoxale lorsqu'on nous interdit de protéger nos cerisiers tout en important des cerises turques qui ont bénéficié des moyens de protection que nous nous interdisons. Le verger français est en grande difficulté. Certains producteurs de vergers se sont lancés dans l'agriculture biologique, mais l'utilisation du cuivre et du soufre, à des doses que nous connaissons, pourrait poser des problèmes pour les sols à long terme. Je suis agriculteur et je dois transmettre mon exploitation à la génération suivante en préservant des sols vivants. Je n'ai aucune envie de détruire mon outil de production.
En ce qui concerne la taille des exploitations, l'agriculture française repose en grande partie sur des exploitations familiales et il est inutile d'opposer les petites aux grandes. Notre diversité d'agriculteurs fait notre richesse. Notre objectif devrait être de rassembler cette diversité pour renforcer l'agriculture française. Certes nous avons plus de problèmes que les Irlandais et leur modèle herbe-moutons-vaches, mais de Brest à Strasbourg et de Lille à Marseille, nous avons la chance de produire une diversité reconnue sur la scène mondiale pour la gastronomie française. Rendons fiers nos paysans et évitons de les critiquer, en particulier sur des sujets aussi essentiels.