On nous a demandé, de plus en plus, de produire avec moins de pesticides, et cet appel a été entendu par les agriculteurs, notamment à travers le développement de l'agriculture biologique. Pourtant, moi qui suis localisé dans le Nord, et qui n'ai ainsi pas une pression climatique top importante à déplorer, je constate cette année un phénomène intéressant : un certain nombre de personnes qui avaient opté pour une agriculture sans pesticides il y a cinq ou dix ans reviennent dès cette année à un système traditionnel. La Coordination rurale est bien favorable à la réduction des pesticides, mais il n'existe pas de solution concrète.
Il existe des agriculteurs, avec des exploitations de 100 à 200 hectares et du personnel, qui étaient passés à l'agriculture biologique il y a cinq ou six ans. Cependant, aujourd'hui, les produits agricoles de grande culture sont vendus au même prix qu'ils soient traités avec des pesticides ou non. Ce mouvement se produit malgré la volonté marquée par l'Union européenne de favoriser le développement de l'agriculture biologique et la réduction de l'utilisation des pesticides. Le problème réside dans le manque d'accompagnement et de volonté économique.
L'article L. 236-1 A du code rural et l'article 44 de la loi Egalim permettent d'interdire l'importation de denrées alimentaires qui ne respectent pas les normes de production européennes. Cette avancée est positive, mais elle doit être appliquée. Nous pouvons mettre en place toutes les réglementations que nous souhaitons en France, mais plus de 50 % de l'alimentation française est désormais importée. Sans solutions dans les prochaines années pour nous protéger contre ces concurrences déloyales, nous risquons de perdre encore 15 % à 25 % de notre souveraineté alimentaire.
La Coordination rurale est pleinement favorable à la réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires, mais un accompagnement est nécessaire. Il induit d'ailleurs davantage de main-d'œuvre et une plus grande mécanisation, ce qui demande également un soutien pour compenser la hausse des coûts liés aux besoins énergétiques. Or, il n'y a pas de volonté nationale en ce sens. Malgré notre bonne volonté, les solutions économiques n'existent pas.
La voiture est dangereuse si l'on conduit à gauche ou que l'on se trouve en excès de vitesse mais elle ne présente pas de risque si les règles de conduite sont respectées. De la même manière, il faut arrêter de pointer la dangerosité des produits phytopharmaceutiques. C'est leur utilisation excessive ou inadaptée qui peut comporter des risques. Il s'agit de différencier la notion de danger de celle de risque.
Le véritable risque actuel, c'est l'effondrement rapide de notre secteur agricole. La France évolue à deux vitesses : certaines régions bénéficiant de l'eau possèdent des terres de qualité, tandis que celles du Sud sont dans une situation bien plus critique. Certaines personnes en arrivent à ne plus cultiver. Par conséquent, j'appelle aujourd'hui à trouver une solution pour réduire l'utilisation des pesticides, mais cette solution doit permettre aux agriculteurs de s'en sortir.