La Confédération paysanne travaille depuis des années sur la sortie des pesticides. Dans notre pratique agricole, nous avons des moyens pour résoudre un certain nombre de problématiques liées au désherbage et à la pression sanitaire sur nos cultures. Ces moyens sont principalement basés sur des pratiques, qui ne sont souvent pas évaluées parce qu'il est plus courant de réaliser des comparaisons techniques et scientifiques entre des pesticides spécifiques et d'autres produits. Notre approche est plus globale et systématique. Elle inclut des éléments tels que le matériel végétal territorialisé et résistant, des semences paysannes et la densité de semis et de plantations.
Cette année, nous avons réalisé une enquête auprès des viticulteurs de la Confédération paysanne pour comprendre comment ils avaient géré la forte pression du mildiou : certains ont constaté que la réduction de la densité de plantations avait favorisé une meilleure ventilation des plants, qui a été bénéfique. Les produits naturels, notamment des préparations à base de plantes, ont également été utilisés avec succès par de nombreux viticulteurs. Le choix de la variété adaptée au terroir et une densité plus faible ont souvent agi comme une barrière protectrice contre les maladies. Cette approche est pertinente non seulement pour la production végétale, mais aussi pour l'élevage qui est concerné par les épidémies, car les individus sont tous identiques dans les élevages industriels.
Les pratiques agricoles, avec l'utilisation de compost et de fumier pour augmenter la matière organique des sols, conduisent à une stabilité et à une croissance plus régulière, réduisant ainsi la pression sanitaire. Cela contraste avec les situations où les plantes sont fortement stimulées par des apports d'azote, entraînant une vulnérabilité accrue aux maladies, avec l'apparition, notamment, de la rouille ou de la fusariose. Les pratiques plus traditionnelles avec des variétés mieux adaptées entraînent donc une réduction des applications de pesticides. La Confédération paysanne prône ainsi l'adoption d'une approche globale pour sortir des pesticides.
De plus, nombre de nos confédérés se sont engagés dans un processus de certification biologique, une démarche qui demande du temps et de l'engagement. Des décisions importantes sont prises en ce moment, mais nous nous demandons ce que l'on peut dire aux agriculteurs, qu'ils soient conventionnels ou engagés dans l'agriculture biologique, lorsqu'on les encourage à réduire l'utilisation de pesticides, tandis que l'utilisation de certains produits, notamment le glyphosate, est prolongée. La santé publique commence cependant par l'alimentation, c'est-à-dire par la manière dont le produit est sorti de terre. Les agriculteurs ont besoin de se rapprocher de la société civile et la Confédération paysanne évite l'entre-soi en s'engageant dans des groupes tels que « Nourrir » pour parler de l'alimentation de demain et des politiques agricoles nécessaires. Le seul ratio économique ne peut plus déterminer l'utilisation des pesticides.
Actuellement, l'agriculture est confrontée à des défis posés par le changement climatique et par la diminution des rendements. Nous réalisons que la génétique seule ne pourra plus fournir les évolutions de rendement que nous avons observées au cours des dernières décennies. Les nouvelles technologies, telles que le numérique et la robotique, sont des outils précieux, mais ils ne pourront pas apporter les gains de productivité que l'agriculture a connus sans utiliser des pesticides. Au total, le modèle agricole industriel actuellement promu risque d'accentuer et de valoriser davantage l'utilisation de pesticides. Il est compréhensible que certaines personnes votent en faveur du maintien du glyphosate, car cela peut sembler économiquement avantageux. Des choix politiques importants doivent cependant être posés, qui concernent l'avenir de l'agriculture, si l'on souhaite une agriculture résiliente à long terme.
Les annonces contre l'agriculture biologique et les sous-financements des écorégimes envoient de mauvais messages et ont découragé de nombreux agriculteurs qui souhaitaient s'engager dans une transition agricole pour mieux servir leurs concitoyens et redorer l'image de l'alimentation française. Chaque jour, on nous rappelle que nos méthodes, comme l'utilisation de bineuses et le travail du sol, génèrent une pollution supérieure à celle produite par l'utilisation du glyphosate, qui coûte finalement dix euros par hectare. Il est temps de faire des choix politiques cruciaux pour l'avenir de l'agriculture. Si nous aspirons à une agriculture plus résiliente sur le temps long, nous devons agir, même si nos résultats ne sont pas immédiats.
Je pense que les jeunes que nous accueillons au sein de la Confédération paysanne – même si certains d'entre eux atteignent déjà la quarantaine – adopteront un modèle différent. Leur objectif n'est pas la productivité, mais plutôt d'assurer la souveraineté alimentaire en garantissant la qualité et la quantité pour une alimentation accessible à tous. Si nous éliminons les pesticides, nous réviserons nos pratiques agricoles, la génétique, le travail du sol et la gestion de l'azote pour revenir au bon sens paysan.