Je partage en grande partie votre point de vue. Au moment du lancement d'Écophyto II, j'étais secondé par un ingénieur de l'agriculture et un ingénieur du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Nous avons visité toutes les préfectures de région en France et j'ai personnellement rencontré chaque préfet de région, accompagné de son équipe. Cette mission nécessitait un investissement initial sérieux car, lorsque vous n'êtes pas un expert dans le domaine, il faut du temps pour s'acclimater. Lorsque vous avez une charge exécutive, à l'image des préfets, vous êtes tellement sollicité qu'il est peu probable que vous consacriez trois semaines à préparer ces questions. Ce travail a pris beaucoup de temps, mais il a toutefois permis de mettre en valeur les équipes locales.
Je ne suis pas entièrement convaincu par l'idée que la créativité vient du terrain, car nous évoluons dans un cadre réglementaire avec des règles établies, des réglementations communautaires et des normes élaborées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). L'espace laissé à l'innovation locale est, à mon avis, assez limité, bien que politiquement important pour ne pas adopter une position trop univoque dans l'opinion publique et comprendre les différents aspects de la question. En fin de compte, je pense que c'est le volet réglementaire qui fait progresser la situation. Cependant, en France, c'est considéré comme de l'autoritarisme.
Lorsque le plan Écophyto a été conçu, en 2009, sous la direction de M. Borloo, il était plutôt axé sur la recherche d'un équilibre entre les partisans de l'écologie et les partisans du productivisme agricole. C'est dans ce contexte qu'on a misé sur l'exemplarité.
Les groupes Dephy constituent une belle réussite ; j'ai pu voir sur le terrain leur impact positif. Mais ces groupes fonctionnent bien auprès d'agriculteurs déjà convaincus ; or, l'enjeu est aujourd'hui de parvenir à entraîner les agriculteurs qui restent à convaincre. La porosité entre les groupes de personnes convaincues – au sein des fermes Dephy notamment – et celles qui les entourent est faible. Cela soulève la question de savoir si les millions d'euros investis dans ces initiatives pourraient être mieux utilisés ailleurs. Il est toutefois important de ne pas compromettre l'exemplarité de ces fermes.