Le poids relatif du ministère de l'agriculture est un sujet récurrent. Celui-ci est contact direct avec les populations qui relèvent de son périmètre. Il est important d'avoir des acteurs qui ne sont pas tous une émanation du ministère de l'agriculture, qui bénéficient d'une certaine indépendance vis-à-vis de celui-ci. Je pense donc que c'était plutôt une bonne idée de penser à moi, qui ne suis pas un ingénieur du ministère de l'agriculture, pour prendre en charge cette mission. De plus, on m'a demandé d'être implanté au ministère de l'agriculture, ce qui me permet d'être en contact avec ses équipes sans être pour autant dans une situation de dépendance hiérarchique directe, car il s'agit d'une mission interministérielle. Cette conception initiale était assez astucieuse. Au ministère de l'agriculture, je suis perçu comme interministériel ; cette ambiguïté demeure.
Pour que cette mission fonctionne, il faut que le délégué dispose d'une feuille de route ; cela avait été le cas pour le glyphosate en 2017-2018. À l'époque, le directeur général de l'alimentation avait proposé un plan interministériel comprenant une quarantaine de mesures concernant les quatre ministères, avec des projets de recherche et de formation, des actions liées à la santé des travailleurs. Il y avait donc un travail conceptuel interministériel, avec une feuille de route détaillée. Mon travail était simplifié, car je réunissais environ tous les mois et demi ou deux mois une task force composée d'une quarantaine de directions et de services des quatre ministères. Avec ma position hiérarchique relativement plus avancée, je pouvais intervenir pour rappeler l'importance de se concentrer sur les priorités. Sans feuille de route, le délégué interministériel n'a pas de compétences ministérielles et ne peut donc pas avancer. La feuille de route est donc centrale et elle ne peut émaner que du Premier ministre.
Actuellement, on assiste à une nouvelle dynamique avec la préparation du plan Écophyto. Les filières ont été consultées pour identifier l'ensemble des produits phytosanitaires qui sont susceptibles de subir des restrictions dans les mois – voire les années – à venir. Les plans seront élaborés en collaboration avec les professions. Par la suite, il incombera au Gouvernement d'en déduire un plan d'action pour ses services. À ce stade, il sera approprié qu'il désigne une personne – probablement pas moi, car j'ai fait ma part – qui, tout en connaissant les réalités administratives, puisse battre la mesure et mettre en œuvre efficacement ces actions, tout en restant indépendante.