Madame Colboc, vous le savez, ce sont les établissements qui choisissent leurs projets de recherche. Il existe toutefois des dispositifs de soutien qui pourraient s'appliquer aux sciences des médias : en matière de formation, ce serait l'AMI « Compétences et métiers d'avenir » qui est doté de 2,5 milliards d'euros ; en matière de recherche, il me semble préférable d'utiliser les outils existants plutôt que d'en créer un nouveau : des AMI seront probablement lancés en matière de sciences humaines et sociales. Si nous devions fournir une liste indicative de sujets éligibles, les sujets que vous avez évoqués en feront assurément partie pour inciter les établissements à déposer des projets qui s'y rattachent.
Madame Taillé-Polian, la CVEC est venue se substituer à la cotisation de sécurité sociale lorsque celle-ci a été supprimée en 2018. Elle ne représente donc pas un surcroît de dépenses pour les étudiants puisque la cotisation s'élevait à 200 euros environ, contre 100 euros pour la CVEC aujourd'hui. Au contraire, elle leur apporte un bénéfice réel puisqu'elle est utilisée par les établissements pour améliorer le bien-être des étudiants et leur environnement de travail ainsi que pour enrichir l'offre sportive et culturelle – j'ai de très nombreux exemples qui le confirment. C'est la raison pour laquelle je continuerai à défendre la CVEC. J'ajoute qu'elle contribue aussi à faire des étudiants des citoyens en leur permettant de s'ouvrir à d'autres choses que les connaissances académiques. Je suis évidemment très soucieuse de sa bonne utilisation. Sans remettre en cause l'autonomie des universités qui leur confère une totale liberté en la matière, nous procéderons à des contrôles pour nous assurer que les étudiants en sont bien les premiers bénéficiaires.
Madame Legrain, s'agissant des VSS, sujet qui me tient particulièrement à cœur, je prône la tolérance zéro. Nous continuons à nous efforcer de trouver des solutions. Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit précédemment – les référents dans les rectorats pour aider les cellules d'écoute à se professionnaliser. Ces cellules doivent offrir aux victimes un accompagnement juridique et social. Il faut aussi travailler avec les associations pour créer un climat de confiance qui favorise la libération de la parole mais aussi pour faire de la prévention, à laquelle des crédits sont consacrés. C'est grâce à des actions de terrain solidement encadrées que nous parviendrons à faire évoluer les esprits et la culture sur ce sujet – je note que les changements sont déjà à l'œuvre.
Madame Pollet, on sait qu'au-delà de quinze heures de job étudiant par semaine, il devient difficile de réussir ses études dans de bonnes conditions. Nous réfléchissons avec le ministère du Travail pour encadrer les jobs étudiants, qui peuvent être malgré tout un atout, à condition d'être compatibles avec les études. Nous voulons donner à tous les étudiants, sans distinction de nationalité, la possibilité de travailler.
S'agissant de la prise en compte du handicap, le Président de la République a annoncé, dans le cadre de la sixième Conférence nationale du handicap, plusieurs mesures, notamment le bénéfice de quatre points de charge dans le calcul du droit à bourse. Le PLF pour 2024 alloue 23 millions d'euros à l'accompagnement pédagogique des étudiants en situation de handicap et 500 000 euros à la formation des nouveaux enseignants à l'accessibilité pédagogique.
Un appel à projets pour accompagner trois à cinq établissements et les rendre exemplaires en matière d'inclusivité et d'accessibilité a été lancé. Il prévoit 1,5 million d'euros pour l'établissement du cahier des charges au cours de la première année et 16 millions d'euros en tout pour améliorer l'accessibilité des établissements. Nous consacrons donc une enveloppe de 39 millions, outre les mesures issues de la CNH, à l'amélioration de la situation des étudiants en situation de handicap.
S'agissant de l'égalité entre les femmes et les hommes, des financements sont prévus en sus de ceux qui financent les mesures prévues par la LPR, dont nos services statistiques suivent l'application. En six ans, nous constatons, pour les personnels de soutien comme pour les chercheurs, une amélioration de quatre points, dans les catégories les plus qualifiées, en matière d'accès à l'emploi et aux promotions, ce qui est positif.
Toutefois, les stéréotypes de genre ont la vie dure. Les femmes sont plus nombreuses dans les tâches administratives et moins dans les tâches techniques. C'est pourquoi nous lançons le programme Tech pour toutes, qui vise à accompagner 10 000 jeunes femmes souhaitant commencer ou poursuivre des études supérieures dans le numérique d'ici à 2026. Les ministères de l'Enseignement supérieur et de la recherche, de l'Éducation nationale et de la jeunesse, du Numérique et de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ont confié la mise en œuvre de ce programme à la fondation Inria – Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique.
Par ailleurs, la remise du prix Irène Joliot-Curie de la femme scientifique de l'année met en lumière les carrières de femmes scientifiques, dans la perspective – c'est un exemple parmi d'autres – d'en faire des modèles, et nous soutenons financièrement diverses associations. Nous travaillons beaucoup à sensibiliser les jeunes filles à la mixité des métiers, dès l'école primaire, pour les inciter à embrasser des carrières dans les sciences dites dures, dans lesquelles nous avons des besoins et dont nous avons du mal à remplir les filières de formation. Pour ce faire, nous utilisons les financements prévus par la LPR et ceux de France 2030.
Pour favoriser l'attractivité et la compétitivité de notre recherche, en particulier à l'international, nous utilisons plusieurs outils, notamment la valorisation du doctorat et les chaires de professeur junior (CPJ). Par ailleurs, l'expérimentation des conventions de formation par la recherche en administration (Cofra) est très prometteuse. Elle bénéficie aux docteurs, dont elle élargit les perspectives professionnelles et améliore l'insertion dans la fonction publique d'État, et à l'administration, qui bénéficie de l'apport de profils diversifiés à la pointe des connaissances scientifiques. En 2023, cinquante et une thèses ont été présélectionnées. Notre cible est à 100. Nous travaillons à la valorisation de cet outil avec le ministère de la Transformation et de la fonction publiques.
S'agissant de la prise en compte de la santé mentale, le projet Propsy – projet-programme en psychiatrie de précision –, lancé l'an dernier et coordonné par Marion Leboyer sous l'égide de l'Inserm, bénéficie de 80 millions d'euros. Il est un peu tôt pour en dresser le bilan. Il comporte un volet consacré aux étudiants.
Par ailleurs, nous avons lancé, grâce aux 7 milliards d'euros alloués par France 2030 à la stratégie innovation santé 2030, plusieurs projets. Un appel à projets Institut Hospitalo-universitaire (IHU) sur le neurodéveloppement a été lancé. Le biocluster Brain & Mind a réuni plus de 100 millions d'euros. L'IHU de Bordeaux consacre 40 millions d'euros à l'étude des maladies neurovasculaires. Dans le cadre du programme « blanc » de l'ANR, nous finançons la recherche en neurosciences dans le cadre d'un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). Tous ces projets sont une priorité du financement du secteur de la santé par France 2030. Nous les suivons attentivement et en dresserons un bilan dès que possible.
Pour la rénovation thermique et énergétique, les emprunts sont possibles auprès de la Banque des territoires et de la Banque européenne d'investissement (BEI). Les établissements utilisent beaucoup ces deux possibilités, ainsi que celles offertes par le plan Campus.
La possibilité offerte aux universités de créer des sociétés dédiées au patrimoine universitaire par la loi 3DS a d'ores et déjà donné lieu à des expériences intéressantes, notamment à Bordeaux. Un groupe de travail rassemblant mes services, la direction de l'immobilier de l'État et France Universités a été formé pour aider les universités à utiliser les leviers des sociétés dédiées au patrimoine universitaire et des tiers financements.
S'agissant de la répartition territoriale et de l'accessibilité de l'offre de formation, nous devons accompagner spécifiquement les formations de premier cycle. Pour ce faire, nous déployons trois dispositifs.
Nous dressons le bilan du Campus connecté, qui ne remplace en aucun cas l'accès physique à la formation, pour le développer et l'améliorer. Cet outil, qui donne accès à l'enseignement aux publics qui en sont privés, est très utile pour mailler le territoire.
Nous consacrons 15 millions d'euros au bachelor universitaire de technologie (BUT), afin d'améliorer le maillage des zones dites blanches, notamment à Dole, à Châteaubriant, à Pontivy et à Béziers.
Par ailleurs, pour que les étudiants aient accès à une formation proche et de leur choix, nous continuons à accompagner l'aide à la mobilité pour l'étudiant, qui, dès le premier cycle, améliore l'accès au logement, à la restauration et aux bourses. J'ajoute que les étudiants n'ayant pas de bourse automatique pour telle ou telle raison peuvent bénéficier auprès des Crous d'aides ponctuelles ou annuelles, destinées aux étudiants étrangers et à ceux qui ont des problèmes personnels.
J'en viens aux formations privées. Je considère que l'université doit non seulement enseigner des connaissances et des compétences permettant d'exercer ensuite un métier, mais aussi former des citoyens éclairés. L'un n'est pas exclusif de l'autre. Tel est, me semble-t-il, la responsabilité des établissements d'enseignement supérieur et l'état d'esprit dans lequel ils travaillent.
Il faut, notamment en premier cycle, former des têtes bien faites. Le spectre des connaissances et des compétences, pour nos étudiants, est si large qu'il faut surtout leur apprendre à apprendre. En outre, les métiers changent beaucoup. Ils devront être capables de s'adapter à la société et aux évolutions des métiers. Cette adaptabilité, que nous avons la responsabilité de leur apprendre, doit être au cœur de la réflexion philosophique sur ce que doivent être nos formations de demain.
Elles ne doivent plus être en silos. Elles doivent être ouvertes. Elles doivent former des esprits critiques et capables d'adaptation. Elles doivent être conçues comme des formations tout au long de la vie. Il ne faut plus être à la recherche exclusive d'un bac + 5 mais valoriser tous les niveaux de diplôme, toutes les voies de sortie, tous les métiers et permettre à tous les étudiants de garder le lien avec leur alma mater pour qu'ils puissent y revenir se former et acquérir des diplômes, des connaissances et des compétences complémentaires.
La question est de savoir comment faire évoluer notre offre en concevant la formation tout au long de la vie, ouverte sur le futur et sur le monde, permettant de donner des clés, non en une fois mais en plusieurs, lorsqu'ils en ont besoin, à des étudiants au statut évolutif tout au long de la vie. Voilà ce que nous devons accompagner au sein de nos formations publiques. Il s'agit de la meilleure réponse aux formations privées de piètre qualité – toutes ne le sont pas, et il ne faut pas tomber dans le manichéisme ni la confusion. J'ai formé un groupe de travail visant à définir des critères de qualité des formations privées, ce qui permettra aux étudiants et à leurs familles de savoir ce qu'ils y trouveront.
Nous devons disposer d'un ensemble de formations offrant un large choix. Pour être attractif, il faut faire évoluer les formations publiques. Quant aux formations privées, elles peuvent jouer un rôle complémentaire, notamment en proposant à un public de jeunes actifs des formations continues dans des domaines très spécifiques. Nous travaillons avec le ministère du Travail, du plein-emploi et de l'insertion à la définition d'un label pour guider les étudiants et leurs familles dans le foisonnement actuel d'offres de formation.
Je rappelle que, sur Parcoursup, 97 % des offres de formation hors apprentissage émanent d'établissements publics ou d'établissements d'enseignement supérieurs privés d'intérêt général (Eespig), dont le lien fort avec le ministère garantit la qualité de l'enseignement. S'agissant de l'apprentissage, cette proportion est de deux tiers ; elle est moindre si l'on tient compte des conventions conclues par les centres de formation d'apprentis. Nous devons ce travail de transparence aux étudiants et à leurs familles. Il doit s'inscrire dans le travail mené depuis plusieurs années par les établissements d'enseignement supérieur sur l'évolution de notre offre de formation et de ses missions au XXIe siècle.
S'agissant de la question soulevée par le collectif des sans-facs, nous procédons à un retour d'expérience de la plateforme Mon Master. Il s'agit d'assurer à chaque étudiant l'accès à l'information sur l'offre de formation de niveau master sur tout le territoire, ainsi qu'un processus homogène de dépôt de candidature, s'agissant notamment de son calendrier et de son examen en commission de sélection.
Nous aurons ainsi une vision plus large et plus cohérente des difficultés qui ont surgi. Nous en ferons le bilan et dresserons la cartographie de l'occupation des places en master. L'an dernier, certains étudiants ayant oublié de signaler qu'ils ne se rendraient pas à certaines formations auxquelles ils avaient été admis, il y avait des places libres dans des formations en tension, telles que le droit.
Compte tenu des difficultés rencontrées par la gestion des places, nous mettons au point une méthodologie et un accompagnement visant à améliorer la visibilité des places disponibles et de l'offre de formation, ainsi que des demandes et des besoins, pour proposer aux étudiants, dans toute la France, une offre de master conforme à leur droit à poursuivre des études.
S'agissant de la conférence organisée à l'université Lyon-II au début du mois, nous avons été informés de sa tenue, ce qui n'est pas toujours le cas, ce qui nous a permis de nous y intéresser d'emblée de près. Le ministère a fourni à la présidente de l'université, dans le respect de son autonomie statutaire, les pièces lui permettant de proscrire toute intervention de Mariam Abu Daqqa au cours de l'événement. J'ai adressé à la présidente un courrier et je me suis par ailleurs exprimée à ce sujet. Faire l'apologie du terrorisme, sous quelque forme que ce soit, et porter atteinte aux valeurs de la République est clairement incompatible, à mes yeux, avec une intervention au sein d'une conférence organisée dans une université. La présidente de l'université a donc demandé aux organisateurs de déprogrammer l'intervention de cette dame.
Elle a assisté à la conférence dans le public. Le tribunal administratif ayant suspendu l'arrêté d'expulsion lorsqu'elle se trouvait à Marseille, ni la préfecture ni la présidente de l'université ne pouvaient lui interdire l'accès à l'université au motif qu'elle était susceptible de provoquer un trouble à l'ordre public. Elle a pris la parole au sein du public, sans tenir de propos susceptible de faire l'objet d'un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. La présidente a donné suite à l'affaire en adressant un courrier à l'association d'étudiants qui a organisé l'événement.