Le budget de la recherche s'inscrit cette année encore dans une trajectoire ascendante et amplifie la hausse des moyens qui avait marqué la loi de finances initiale pour 2023. En 2024, le budget du MESR progresserait de près de 794,13 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2023, hors financements issus du plan de relance et de France 2030. Cette évolution positive est à noter. Elle permet la hausse des crédits alloués en faveur de la recherche. La mission Recherche et enseignement supérieur connaît une hausse de 3,55 % en autorisations d'engagement et de 3,29 % en crédits de paiement, soit respectivement 1 042,18 millions d'euros et 1 012,96 millions d'euros.
Je tiens donc à souligner la poursuite des efforts en faveur du budget affecté à la recherche, lesquels résultent de la quatrième année d'application de la LPR – article 2 – et de sa trajectoire, que le Gouvernement respecte : les crédits du programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ont ainsi augmenté de 1 109 millions d'euros entre 2020 et le PLF pour 2024.
Ces ressources ont notamment participé à la mise en œuvre de l'amélioration des rémunérations des personnels, à hauteur de 258 millions d'euros entre 2020 et ce qui est prévu pour 2024. La LPR a amorcé l'engagement d'un vaste plan de revalorisation indemnitaire, de 644 millions d'euros, en sept tranches annuelles de 92 millions d'euros, ainsi qu'un effort de convergence des différents régimes indemnitaires de l'enseignement supérieur et de la recherche. En 2024, le montant indemnitaire de base augmenterait de près de 3 000 euros brut par an par rapport à 2020, avec une revalorisation cible de 6 400 euros brut par an en 2027.
De plus, la LPR prévoit de porter la rémunération minimale brute des doctorants financés par le MESR à 2 300 euros par mois. L'arrêté du 21 décembre 2022 a déjà porté cette rémunération à 2 044 euros brut par mois, à compter du 1er janvier 2023. Cette hausse bénéficie aux nouveaux doctorants, ainsi qu'à ceux déjà recrutés. La LPR a par ailleurs permis d'augmenter le nombre de nouveaux recrutements.
À ces montants s'ajoutent les crédits ouverts dans les missions Plan de Relance et Investir pour la France de 2030, dont certaines actions entrent dans le champ de la recherche.
L'augmentation des crédits est importante, notamment celle des revalorisations – plus que nécessaires –, qui devront être poursuivies. Je souhaite cependant appeler votre attention sur le risque accru de tension budgétaire pesant sur les différentes structures, tant du fait de la hausse des prix de l'énergie et de l'inflation qu'en raison du reste à charge associé aux revalorisations indemnitaires.
Même s'il est envisagé de revaloriser les subventions versées aux organismes à ce titre, de 45 millions d'euros en 2024, cette somme ne représenterait que 50 % du surcoût – 60 % pour les opérateurs les plus fragilisés, grâce à des abondements additionnels. Aussi la demande « d'efforts en responsabilité » qui leur est adressée par le Gouvernement ne saurait être pérenne, les réserves financières des entités concernées n'étant pas illimitées et leurs fonds propres ayant vocation à couvrir d'autres types de dépenses.
Je réitère également mon interrogation sur l'opportunité de réduire la durée de programmation de la LPR à budget constant, en la faisant passer de dix à sept ans, afin d'accroître plus significativement encore le budget de la recherche et de faire en sorte que sa mise en œuvre s'achève avec cette législature et le quinquennat présidentiel.
J'estime toutefois que le présent projet de budget poursuit le rattrapage – ô combien nécessaire – pour maintenir une recherche française de haut niveau, dont nous avons collectivement tant besoin. J'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2024.
Au-delà des aspects budgétaires, la partie thématique de mon rapport – fondée sur quarante-trois auditions et plus d'une centaine de personnes entendues – a pour objet une proposition pour l'évolution de notre modèle d'organisation de la recherche en biologie santé en France. La recherche biomédicale française n'a jamais bénéficié d'un pilotage transverse clair, intégrant recherche fondamentale, recherche clinique, recherche translationnelle, valorisation-transfert, industrie et patient et englobant l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur, par souci de coconstruction. En ce début de siècle, cette réflexion se doit d'être élargie à la santé globale – One Health ; si la pandémie du covid en fut le rappel, la liste des zoonoses considérées comme susceptibles de nous menacer est impressionnante.
Différents marqueurs constituent l'appel à cette organisation nouvelle : la crise du covid, marqueur de nos défaillances ; le discours du Président de la république à l'Institut Curie, le 16 mai dernier, incite à une telle réflexion ; notre classement international, passé, selon l'Observatoire des sciences et techniques (OST), de la sixième à la dixième place sur le volet publications, et à la seizième pour l'innovation ; une multiplicité d'acteurs qui travaillent en silos et multiplient les tutelles ministérielles – Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), Institut de recherche pour le développement (IRD), Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Instituts Pasteur, Institut Gustave Roussy, Institut Curie, instituts hospitalo-universitaires (IHU), universités ou encore centres hospitaliers universitaires (CHU) ; une traduction sur l'aval de la chaîne de valeur à travers la balance commerciale pharmaceutique, qui nous positionne désormais à la neuvième place européenne.
La difficulté de lisibilité de notre système de recherche en biologie santé se retrouve également dans son mode de financement, lié au ratio entre crédits « socle » et crédits contractuels, trop déséquilibré, et à la multiplicité des sources de financement, en raison des outils des différents programmes d'investissements d'avenir (PIA), et de ceux, plus récents, de France 2030.
Cette illisibilité met à mal le travail des chercheurs, qui doivent consacrer beaucoup trop de temps à la recherche de crédits et au volet administratif. Il semble nécessaire de réduire le nombre d'appels à projets au profit de contrats mieux dotés, sachant tenir compte du temps long, nécessaire à la recherche en biologie santé. Les outils de valorisation-transfert présentent la même difficulté, leur multiplicité conduisant à des situations de compétition, loin du mandat unique souhaité par la loi, dite Pacte, relative à la croissance et la transformation des entreprises.
Au niveau national, les enjeux sont multiples : un besoin de coconstruction, de transversalité et de santé globale, de travail interministériel, une nécessité de savoir qui fait quoi, mais aussi de susciter des collaborations et des échanges public-public et public-privé. Tout cela ne peut se faire qu'à partir d'un outil de pilotage intégrateur et transministériel, qui ne doit pas être délégué à tel ou tel organisme de recherche, mais à une direction indépendante et sans risque de conflit d'intérêts.
Cette direction nouvelle, que de nombreux acteurs appellent de leurs vœux, devra couvrir toute la chaîne de valeur en santé et être connectée aux diverses agences de programmation, de financement, d'évaluation, d'outils de valorisation-transfert, mais aussi aux scientifiques, académiciens, industriels, représentants de patients et à l'ensemble des acteurs de la recherche biomédicale – instituts, organismes nationaux de recherche (ONR), fondations, CHU, universités, etc.
L'agence de l'innovation en santé (AIS), mise en œuvre suite au Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de 2021, trouve un véritable écho auprès des nombreux acteurs précités, car elle est à ce jour l'unique interface entre les ministères chargés de la santé, de la recherche et de l'industrie. Je propose de revisiter l'AIS, afin de lui donner de nouveaux moyens, de pérenniser ses actions au-delà de 2030 et d'élargir ses compétences, en y intégrant une direction de programmation en lien avec les organismes, les agences de financement et de veille sanitaire. Afin qu'elle prenne toute sa légitimité auprès des acteurs institutionnels et décisionnaires, de la communauté scientifique et du monde entrepreneurial, elle se doit d'être une autorité indépendante et rattachée directement à Matignon.
S'agissant du volet financement, l'ANR bénéficie désormais, grâce à la LPR, de financements accrus ; elle a su s'inscrire dans le paysage de la recherche française. Elle finance déjà 24 % des projets présentés, et a un objectif d'environ un tiers pour 2024. On ne peut que suggérer que le travail entrepris, qui consiste à regrouper les types de financement variés – caritatifs, publics et hospitaliers – soit poursuivi et amplifié, puis rendu accessible sous forme d'un guichet unique multiportail, en simplifiant et uniformisant les modes de candidatures comme ceux d'évaluation.
Concernant la valorisation-transfert des résultats et des produits issus de la recherche, il existe des systèmes propres à chaque établissement impliqué dans la recherche en biologie santé, complétés par des sociétés d'accélération et de transfert de technologies (SATT) créées par le premier plan d'investissement d'avenir, dans chaque région scientifique française. On note la faiblesse de coordination de ces différentes structures dans certains territoires. Les pôles universitaires d'innovation (PUI), très récemment mis en place, pourraient former des sites d'animation, de formation et de coordination territoriaux de ces différents acteurs, pour permettre une meilleure définition et distribution des rôles de chacun, pour la détection de projets innovants, leur validation, leur prématuration et leur maturation. Il est à noter que certains établissements, tels que l'Institut Curie ou certains IHU – Institut Imagine, Institut du cerveau ICM –, ont déjà su simplifier ces procédures et peuvent être utilisés comme modèles.