Pour la deuxième année consécutive, c'est un budget en hausse qu'il me revient de vous présenter pour la mission Culture. Les crédits prévus dans le projet de loi de finances (PLF) s'élèvent à 3,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 4,9 %. Toutefois, cette progression s'inscrivant dans un contexte d'inflation continue, les augmentations de crédits seront donc, à nouveau, en partie amputées par les effets de la hausse des prix.
Le programme Patrimoines affiche plus de 1 milliard d'euros, soit 8,2 % de hausse par rapport à 2023. La progression très nette des autorisations d'engagement (AE), de 32,8 %, témoigne d'une volonté d'investissement ambitieuse dans le patrimoine pour les années à venir.
Parmi les grands projets devant être lancés en 2024 figurent notamment le Musée-Mémorial du terrorisme, avec 13 millions en AE inscrits pour cette année, et l'extension du site des Archives nationales, à Pierrefitte-sur-Seine, dont le montant des travaux est estimé à 96 millions d'euros. Des projets arriveront à terme en 2024, en particulier le chantier de rénovation du Grand Palais, dont la réouverture est prévue l'été prochain. Le surcoût de ces travaux est d'ores et déjà évalué à 18,5 millions d'euros, en raison de l'inflation.
Au niveau territorial, l'action patrimoniale de l'État devrait se poursuivre en 2024 sur trois sites emblématiques : la restauration de la cathédrale de Nantes, à la suite de l'incendie survenu en juillet 2020 ; les travaux de l'ancienne abbaye de Clairvaux, dans l'Aube ; le projet de restauration du château de Gaillon, dans l'Eure.
L'accompagnement de la restauration et de la conservation du patrimoine de proximité est une priorité pour 2024. Le fonds incitatif pour le patrimoine, créé en 2018, sera ainsi doté de 2 millions supplémentaires, pour atteindre 20 millions d'euros.
Je souhaite, toutefois, appeler votre attention sur la nécessité, à terme, de rehausser la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'Inrap, dont je tiens à saluer la bonne gestion financière. Depuis 2016, cet opérateur doit dégager un excédent sur ses activités concurrentielles, pour financer une partie de ses missions non concurrentielles, dont le coût n'est pas couvert par la SCSP. Le risque existe donc de voir l'Inrap se retrouver en difficulté financière, ce qui aurait des conséquences sur l'aménagement du territoire.
Le programme Création a vocation à soutenir le spectacle vivant et les arts visuels, affectés par l'inflation et les changements d'habitudes du public qui ont immédiatement suivi la crise sanitaire. Ses crédits augmentent eux aussi, pour atteindre 1,04 milliard d'euros, soit une hausse de 3 % par rapport à 2023. Le programme développe des objectifs structurants et des mesures d'accompagnement. Ainsi, le plan Mieux produire, mieux diffuser, doté de 10 millions d'euros, vise à rationaliser le financement de la production artistique et à améliorer la diffusion, encore trop faible, des créations. Il témoigne d'une orientation majeure de la politique du ministère en faveur du secteur de la création artistique.
L'accompagnement des artistes-auteurs est également renforcé, avec 9 millions d'euros de mesures nouvelles pour soutenir l'emploi artistique et 15,6 millions d'euros, cofinancés avec les collectivités territoriales, pour aider les structures de création et de diffusion artistique en régions.
En outre, le plan pour les métiers d'art, annoncé en mai 2023, bénéficiera de 3 millions d'euros en 2024.
Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture s'élèvent à 828 millions d'euros, soit une hausse de 3,6 % par rapport à 2023. Des augmentations de crédits sont prévues pour remédier aux difficultés des écoles nationales supérieures d'architecture, qui ont connu une crise très sérieuse l'année dernière. Les étudiants et les enseignants ont appelé à une amélioration rapide et importante des conditions de travail.
En matière de politique de transmission et d'éducation à la culture, le pass culture, dans son volet individuel, continue d'être le principal outil du ministère. Pour 2024, 210,5 millions d'euros sont prévus pour le fonctionnement et les investissements de la société du pass culture, dont 2 millions d'euros au titre de mesures nouvelles. Quant aux dépenses liées aux politiques de la langue française, elles sont stables à nouveau. On peut le regretter, puisque l'année 2024 sera celle à la fois du trentième anniversaire de la loi Toubon et de l'ouverture de la Cité internationale de la langue française.
Enfin, les crédits du programme Soutien aux politiques du ministère de la culture atteignent 846 millions d'euros en AE et 844 millions d'euros en CP – en hausse de 4 % par rapport à 2023. Ils recouvrent l'action internationale du ministère et les fonctions support. J'observe que la trajectoire des emplois retenue pour 2024-2027 traduit le renforcement des moyens alloués au ministère pour la conduite de ses missions, puisque vingt-deux postes seront créés en 2024.
Pour le volet thématique de cet avis budgétaire, j'ai choisi de m'intéresser aux politiques culturelles menées en direction de la jeunesse. La culture est notre bien commun ; elle est ce qui nous relie. Il est essentiel que nos jeunes se sentent pleinement dépositaires, usagers et acteurs de cette culture ; qu'ils la fréquentent et s'en imprègnent, pour nourrir ce sentiment d'appartenance commune, si fragile aujourd'hui.
L'analyse des crédits de la mission Culture permet de dégager les grandes orientations prises ces dernières années, étant entendu que les politiques culturelles pour la jeunesse dépassent largement ce cadre.
Le pass culture apparaît comme l'instrument prépondérant de l'éducation artistique et culturelle (EAC). Toutefois, on relève des difficultés d'application de la part collective du dispositif, qui ressortit au ministère de l'Éducation nationale. Quant à la part individuelle, elle doit faire l'objet d'une meilleure évaluation au regard de la démocratisation culturelle.
Le transport constitue un des principaux angles morts du dispositif de cette politique culturelle, fondée sur la demande. En raison d'une moindre densité de l'offre culturelle, les territoires ruraux se retrouvent particulièrement pénalisés dans le recours au pass culture. Une réflexion doit être engagée sur la question du financement du transport vers les lieux de culture. Une piste intéressante pourrait consister en une approche globale de la prise en charge, à la fois de l'offre culturelle et du transport, partagée équitablement entre les collectivités locales et l'État, suivant des modalités contractuelles qui restent à inventer. Il faudrait veiller à ce que les collectivités locales ne soient pas réduites au seul rôle de financeur du transport, quand l'État récupérerait le beau rôle de financeur culturel.
En outre, il conviendrait de concentrer davantage les moyens de l'éducation artistique et culturelle sur l'école primaire, voire sur l'école maternelle. Les jeunes années sont en effet déterminantes pour l'éveil à la culture. Les moyens consacrés à l'EAC se concentrent actuellement sur le second degré, qui bénéficie de la part collective du pass culture. L'élargissement de cette part collective au premier degré doit être sérieusement envisagé.
S'agissant de la part individuelle, la question de son efficacité se pose, puisque 7 % des jeunes ne se sont pas inscrits. Ces jeunes devraient être les cibles prioritaires du pass culture, et le monde associatif devrait être mieux associé à l'EAC.
En matière de politique culturelle s'adressant à la jeunesse, ces approches sont sans doute dépassées. Pour parler au jeune public, il faut savoir comment celui-ci appréhende la culture. Je forme le vœu qu'une étude des imaginaires culturels de notre jeunesse puisse servir d'appui à une offre culturelle dédiée innovante.
En conclusion, ce budget comporte de réelles avancées et répond dans une large mesure aux grands enjeux qui se sont présentés ces derniers mois au monde de la culture. C'est la raison pour laquelle mon avis sera favorable lors du vote des crédits de la mission Culture.