Avant tout, j'évoquerai les événements qui se déroulent en Israël depuis samedi. Je condamne fermement l'attaque du Hamas contre la population israélienne et exprime ma pleine solidarité avec les victimes, leurs familles et leurs proches. Dix de nos compatriotes ont été tués dans cette attaque. L'un d'entre eux vivait dans ma circonscription : j'ai une pensée pour sa famille.
L'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG) compte de nombreux ressortissants israéliens, pupilles de la Nation pour la plupart, dont les parents ont été victimes de la Shoah et d'attentats. Je lui ai demandé de prendre contact avec eux afin de s'assurer qu'ils vont bien.
Viser et tuer des innocents chez eux, dans la rue ou à un concert : cela est le propre du terrorisme, dans tout pays. Comme l'a rappelé la Première ministre hier, nous condamnons ces actes avec la plus grande fermeté. Telle est, sans ambiguïté, la seule réponse possible.
Le budget que je vous présente est un budget de reconnaissance et de réparation. Il est l'héritier de la gravité de l'Histoire. Il s'inscrit également dans la continuité de celui de l'année dernière, avec des éléments nouveaux. Il traduit la politique que je mène, dans un dialogue fertile et fructueux, avec le monde combattant dans son ensemble : les militaires d'active, les anciens combattants, les blessés et leurs familles, les harkis, les associations, les acteurs de la mémoire et de la culture, et les élus – notamment les élus locaux –, qui sont à la croisée des enjeux mémoriels et combattants.
Depuis ma dernière audition par votre commission, beaucoup de choses ont été réalisées. J'ai tenu les engagements pris devant vous et devant le monde combattant : l'avancement d'un an, au 1er janvier 2023, de la revalorisation de 3,5 % de la pension militaire d'invalidité (PMI), sous l'effet de la revalorisation du traitement des fonctionnaires ; l'élargissement de la demi-part fiscale à tous les conjoints survivants des anciens combattants décédés, quel que soit l'âge du décès ; l'augmentation de plus de 30 % de la dotation pour le financement du droit à réparation pour les harkis, portée à 60 millions d'euros ; la mise en œuvre du fonds de dotation « Bleuet de France » décidé par ma prédécesseure, Geneviève Darrieussecq, afin de garantir l'indépendance de sa gouvernance et de faciliter l'appel aux dons ; la délocalisation des cérémonies nationales pour accélérer la politique de l'« aller vers » dans le domaine mémoriel – la première à Notre-Dame-de-Lorette le 19 mars, la dernière de l'année, le 5 décembre, à Port-Vendres ; l'annonce et la mise en œuvre du Plan d'accompagnement des blessés ; hors du périmètre du programme 169, la politique de transition écologique du ministère des armées, qui m'a été confiée par le ministre.
Avant de présenter le détail du budget, je souhaite faire une annonce dont j'ai tenu à vous réserver la primeur, sachant qu'en m'exprimant devant vous, j'atteindrai le monde combattant. Sensible à la question du pouvoir d'achat, le Gouvernement a décidé d'avancer exceptionnellement d'un an l'augmentation du point de PMI, répercutant la hausse de 1,5 % du point d'indice de la fonction publique entrée en vigueur le 1er juillet dernier. Elle aura lieu dès le 1er janvier prochain et non en 2025.
Les chiffres que je vous présente sont une marque de stabilité budgétaire. La dotation de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s'élève, comme l'an passé, à 1,9 milliard d'euros. Ce n'est que la deuxième fois, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), que les crédits du monde combattant ne diminuent pas d'une année à l'autre. La précédente occurrence remonte à 2022, avec l'entrée en vigueur du droit à réparation pour les harkis et leurs familles.
Ce budget exprime plusieurs priorités.
La première est l'accompagnement des blessés. Les femmes et les hommes auxquels on demande de mettre leur vie et leur intégrité physique ou psychique en péril pour nous protéger doivent partir au combat avec la certitude que, quoi qu'il arrive, l'État sera à leurs côtés pour les aider à se relever, s'ils devaient être blessés, et que leur famille sera accompagnée, s'ils devaient perdre la vie. Telle est la logique dans laquelle s'inscrit le plan d'accompagnement des blessés et de leurs familles, dont le ministre m'a confié la charge.
Le budget 2024 en finance les mesures. Il consacre 2 millions d'euros à la réparation intégrale pour les militaires blessés en Opex ou lors des entraînements intensifs, sans qu'ils aient à prouver la faute de l'État. Le plan Blessés 2023 – 2027 prévoit aussi la montée en puissance du dispositif ATHOS, avec 2,35 millions d'euros de crédits nouveaux, pour un budget total de 5,2 millions. Cela permettra d'ouvrir deux maisons ATHOS – une en Occitanie et une dans le Grand Est – d'ici la fin 2024.
Il prévoit également le financement des prothèses et autres équipements à but sportif de loisir, à hauteur de 340 millions d'euros, la revalorisation des expertises médicales des médecins du Service des pensions et des risques professionnels (SPRP) par une majoration de près de 20 % grâce à 220 millions d'euros de crédits nouveaux, et l'assouplissement de la majoration pour tierce personne (MTP), avec 620 000 euros de dépenses nouvelles. Avec ces cinq nouvelles mesures, ce budget consacre plus de 8 millions d'euros – dont 5,5 millions d'euros supplémentaires – à l'amélioration de la prise en charge des blessés.
Ces financements sont la première étape d'une trajectoire pluriannuelle fortement ascendante, qui atteindra un total de 170 millions d'euros de dépenses supplémentaires cumulées en 2030. J'en donnerai deux exemples particulièrement significatifs.
Le budget consacré à l'assouplissement de la MTP augmentera fortement chaque année. En 2030, il atteindra 9 millions d'euros annuels, et 40 millions d'euros sur l'ensemble de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030. Le plan d'accompagnement des blessés prévoit que les financements consacrés aux maisons ATHOS atteignent, à terme, 10 millions d'euros par an. Dix maisons ATHOS seront construites au cours de l'exercice, dont au moins deux dans les outre-mer, pour un coût total de 59,4 millions d'euros.
Le plan d'accompagnement des blessés est surtout un choc de simplification. À bien des égards, il s'agit d'un changement de paradigme. Parmi les mesures les plus emblématiques, la demande unique pour la PMI, issue de la jurisprudence Brugnot, a été annoncée par le Président de la République. Entrée en vigueur cet été, elle permet de remplir un unique dossier pour les deux demandes, même si leur temporalité d'examen demeure différente. Le renouvellement automatique des PMI arrivées à échéance participe également à ce choc de simplification. Même sans dépense nouvelle, cette mesure est concrète pour nos blessés.
J'en viens aux crédits du droit à réparation en faveur des harkis. Je me suis longuement exprimée à ce sujet le 25 septembre dernier, à l'occasion de la journée d'hommage qui leur est consacrée. Ce jour-là, je leur ai dit que nous devons continuer de prouver, toujours et partout, que la communauté de destin des harkis, de leurs ascendants et de la France, trop longtemps oubliée par la République, est désormais reconnue et solidement établie.
Dans le budget 2024, plus de 112 millions d'euros leur sont dédiés, dont 70 millions d'euros au titre du droit à réparation ouvert par la loi du 23 février 2022. Plus particulièrement, 20 millions d'euros sont entièrement consacrés à l'extension du droit à réparation à quarante-cinq nouveaux sites. Il s'agit d'une recommandation de la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les Harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie (CNIH), que la Première ministre a décidé de suivre. Compte tenu de l'augmentation de la charge de travail qui en résulte pour l'ONACVG, le budget en augmente les moyens humains de quatre équivalents temps plein (ETP), afin d'accélérer le traitement des dossiers.
S'agissant des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre (PNOG), le Gouvernement a remis le rapport prévu par l'article L. 175 de la loi de finances pour 2023. Depuis les années 1920, l'État a conduit envers les enfants de ceux qui sont morts pour la Patrie une politique de solidarité. Concrètement, c'est l'ONACVG qui en est chargé. Jusqu'à présent, il consacrait 1 million d'euros par an à cette aide sociale.
J'ai obtenu le quintuplement de ces crédits. L'ONACVG disposera désormais de 5 millions d'euros pour les pupilles de la Nation et pour les orphelins de guerre. Les PNOG – y compris ceux dont les parents étaient des « malgré-nous » – feront l'objet d'une reconnaissance mémorielle spécifique lors du cycle de commémoration des 80 ans de la Libération. Je me suis engagée à y travailler avec ceux d'entre vous qui m'ont interrogée à ce sujet.
Je suis chargée de la mémoire combattante de notre nation, de sa conservation et de sa transmission. J'ai donc la charge de la sauvegarde et de la rénovation du patrimoine mémoriel de pierre du ministère des armées. Les tombes et les monuments des soldats morts pour la France structurent nos paysages et nos imaginaires. Ils sont précieux : la continuité des hommes et de la nation y est symbolisée.
Je me réjouis donc de l'inscription, le 20 septembre dernier, de 139 sites funéraires et mémoriels français, allemands, belges, américains et du Commonwealth du front occidental de la Première guerre mondiale, répartis entre la France et la Belgique, sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Cette inscription poursuit le travail de transmission de la mémoire et de l'histoire de la Première guerre mondiale. Elle démontre les valeurs universelles que cette histoire partagée véhicule dans le monde.
La restauration et la valorisation des lieux de mémoire sont un axe important du projet de loi de finances pour 2024, qui y consacre un budget en augmentation de 3,13 millions d'euros, dont 2,93 millions dédiés aux travaux sur les hauts lieux de mémoire nationale et les nécropoles nationales mis en œuvre par l'ONACVG.
Cet effort bénéficiera également aux communes françaises pour la rénovation de leurs monuments aux morts. Dans le cadre du plan France Ruralités, l'enveloppe annuelle fixée à 150 000 euros en 2023 sera portée à 200 000 euros en 2024, soit une hausse de 33 % pour les communes de moins de 2 000 habitants. Celles-ci pourront bénéficier d'un soutien du ministère des armées à hauteur de 50 % du budget nécessaire à la restauration de leurs monuments aux morts, dans la limite d'un plafond fixé à 5 000 euros. Les travaux du mémorial de Fréjus consacré aux guerres d'Indochine seront lancés et terminés en 2026 ; ceux du mémorial de la prison de Montluc seront poursuivis.
L'entretien de notre riche patrimoine de pierre ne suffit pas à faire vivre notre mémoire collective. Il est nécessaire de le renforcer par une politique éducative et culturelle volontariste et innovante. Les moyens de l'enseignement de défense et des actions pédagogiques qui lui sont liées augmenteront de plus de 100 000 euros cette année. L'objectif est de soutenir des actions pédagogiques en lien avec le calendrier commémoratif et le dispositif « Héritiers de mémoire » créé en 2016. Celui-ci finance la réalisation de films documentaires qui donnent à voir le travail d'élèves et de leurs enseignants dans le cadre de projets d'enseignement de défense primés chaque année sous le dôme du Panthéon.
Le Musée de l'armée a été le premier site visité en France lors des deux dernières éditions des Journées européennes du patrimoine, attirant près de 32 000 visiteurs en deux jours. Ce plébiscite de nos sites mémoriaux et culturels est un signe du succès de la politique de renforcement du lien armée-nation.
En 2024, les investissements dans les musées se poursuivront. Le site de Chaillot du musée national de la Marine rouvrira ses portes au public le 17 novembre prochain, après avoir bénéficié d'un investissement de 71,2 millions d'euros du ministère des armées. À Rochefort, 20 millions d'euros seront consacrés à la préservation de l'ancienne École de médecine navale et des hôtels de Cheusses et d'Amblimont. Le Musée de l'armée poursuivra sa modernisation et son extension à travers le projet MINERVE, avec l'inauguration d'un nouveau parcours de site sur l'histoire des Invalides. Le musée de l'Air et de l'Espace (MAE) ouvrira en 2024 de nouveaux espaces de visite dédiés à l'aviation civile, commerciale et sportive depuis 1945, avec la mise en visite de l'Airbus A380.
Par le biais de son riche patrimoine, le ministère des armées, deuxième opérateur culturel de l'État, rayonne dans les territoires au plus près des citoyens. L'ensemble des crédits dévolus à cette politique par la LPM 2024-2030 s'élève à plus de 600 millions d'euros.
En 2024 s'ouvrira un cycle mémoriel de grande ampleur. Nous célébrerons les 80 ans des débarquements, de la Libération de la France et de la victoire. À vrai dire, il a déjà commencé en Corse, le 28 septembre, avec la commémoration des 80 ans de la libération de l'île. Il prendra fin en 2025, où d'autres commémorations auront lieu, comme celle du retour des derniers déportés.
Le Président de la République a souhaité que le quatre-vingtième anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la victoire soit un temps fort pour la nation, tant pour son rayonnement international que pour sa cohésion autour des valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité.
Pour soutenir et faciliter l'organisation de cet anniversaire qui rassemblera notre nation, un groupement d'intérêt public (GIP) a été constitué, sous le nom de « Mission de la Libération ». Le budget 2024 lui consacre 14 millions d'euros, dédiés aux dépenses d'intervention en vue de l'organisation des cérémonies commémoratives. Cette enveloppe sera complétée par la prise en charge du fonctionnement du GIP, qui s'élève à 5 millions d'euros et fait l'objet d'un financement interministériel.
L'année 2024 doit être l'occasion d'une grande célébration populaire continue, d'une communion mémorielle qui rassemblera nos concitoyens autour du souvenir reconnaissant de celles et de ceux qui ont rendu la liberté à notre pays. Ces crédits nous le permettront. Nous aurons tous un rôle à jouer.
Ce budget est le second d'un mandat qui place le monde combattant, la mémoire et le lien armée-nation-jeunesse au cœur de la conservation de nos forces morales. En votant ces crédits, vous apporterez votre pierre à l'édifice de la résilience de la nation et vous resserrerez les liens qui nous unissent.