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Intervention de Richard Ramos

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ramos, rapporteur :

Je me réjouis que la commission du développement durable, où se jouent à la fois la nature et les générations futures, examine la proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, que le Sénat a adoptée à l'unanimité.

Avant toute chose, je précise que je ne suis pas chasseur et qu'il ne s'agit pas d'un texte sur la chasse mais sur la protection de la biodiversité et, chose importante pour moi, la libre circulation des animaux sauvages. Je salue le travail et l'engagement de nos collègues du Sénat, en particulier de M. Jean-Noël Cardoux, auteur de la proposition, et de M. Laurent Somon, rapporteur.

Plusieurs propositions de loi avaient été précédemment déposées pour freiner l'engrillagement, notamment, en novembre dernier, celle de M. François Cormier-Bouligeon destinée à lutter contre l'engrillagement des forêts françaises et, précédemment, celle de M. Bastien Lachaud relative à l'interdiction des mises sous enclos des animaux sauvages à des fins de chasse. Leurs travaux ont nourri mon rapport, qu'ils en soient remerciés.

Le phénomène de l'engrillagement pourrait sembler se cantonner à la Sologne. Selon le rapport de MM. Michel Reffay et Dominique Stevens, publié en 2019, la Sologne compte entre 3 000 et 4 000 kilomètres de grillage. Toutefois, ce phénomène tend à se répandre dans tout le territoire, notamment dans les Landes, la Somme et ailleurs. L'engrillagement est de plus en plus au cœur des préoccupations et il devient donc urgent que la représentation nationale se saisisse pleinement de cette question.

La multiplication des clôtures localisées dans des espaces naturels doit s'arrêter, car elle pose divers problèmes environnementaux. Tout d'abord, elle porte atteinte à la biodiversité : en empêchant le libre passage des animaux, l'engrillagement contribue à la rupture des continuités écologiques. De plus, en période d'incendie, les grillages représentent un réel danger pour la sécurité publique. Les incendies dramatiques que nous avons connus cet été montrent à quel point il est important que l'intervention des pompiers ne soit pas freinée par des clôtures et que les animaux sauvages puissent fuir le feu, afin de ne pas revoir des chevreuils cramés vivants dans des propriétés encloses. Par ailleurs, les clôtures ont un impact paysager préoccupant pour le développement du tourisme rural et l'esthétique de nos forêts.

Enfin, tout particulièrement pour les espaces clôturés utilisés à des fins cynégétiques, l'engrillagement fait courir un risque sanitaire et soulève des problèmes éthiques indéniables.

Pour lutter contre les effets pervers de l'engrillagement excessif, cette proposition de loi vise à réguler la pose de clôtures. En même temps, je crois profondément qu'il s'agit d'un texte équilibré, qui prend en compte l'impératif de la protection de la propriété privée au même titre que l'enjeu de protection de la biodiversité.

Les auditions que nous avons conduites avec des associations de protection des animaux et de l'environnement, des fédérations de chasseurs, des élus locaux ou des associations sportives nous ont confortés dans l'idée que ce texte était non seulement très attendu, mais qu'il faisait l'objet d'un large consensus. Si nous voulons la libre circulation des animaux sauvages, il nous faut garder à l'esprit que cette loi doit être équilibrée et acceptée par tous. Mon objectif est d'essayer de trouver un accord avec les sénateurs pour qu'on agisse plutôt qu'on continue à en parler dans cinquante ans...

L'article 1er pose le principe selon lequel, sauf exceptions, toutes les clôtures implantées doivent permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. Les clôtures devront désormais être posées à plus de 30 centimètres du sol et ne pas dépasser 1,20 mètre de hauteur. Les clôtures édifiées postérieurement à la loi du 3 février 2005 relative au développement des territoires ruraux devront se mettre en conformité avec ces nouvelles règles.

L'article 1er bis supprime les dérogations du droit commun de la chasse et s'applique dans les enclos cynégétiques.

L'article 1er ter vise à faciliter l'accès et le contrôle de ces mêmes enclos et de leur territoire par les inspecteurs de l'environnement. Il contribue à faire en sorte que le droit de la chasse s'applique partout.

L'article 1er quater assure la coordination juridique entre les nouvelles règles régissant les clôtures en milieu naturel et les règles relatives aux lâchers de sangliers dans les chasses commerciales.

Les articles 1er quinquies et 1er sexies octroient les moyens de contrôle et de sanction nécessaires pour lutter efficacement contre l'engrillagement. L'article 1er quinquies sanctionne le non-respect des nouvelles règles régissant les clôtures de trois ans de prison et de 150 000 euros d'amende. Cette sanction pourra être complétée par la suspension du permis ou de l'autorisation de chasser. L'article 1er sexies permet aux agents de développement assermentés des fédérations de chasseurs de contrôler la conformité des clôtures en milieu naturel.

L'article 2 introduit dans le code pénal un nouvel article, qui sanctionne d'une contravention de cinquième classe le fait de pénétrer dans une propriété rurale ou forestière d'autrui sans autorisation. Il comble un vide juridique, car le droit existant ne permettait pas de sanctionner une violation de la propriété privée lorsque celle-ci ne se fait pas par des moyens violents ou n'a pas causé de dégâts. Cet article est le gage d'une meilleure protection de la propriété privée.

L'article 4 permet l'utilisation du fonds biodiversité pour le remplacement des clôtures traditionnelles par des haies végétales.

La philosophie et l'équilibre global du texte adopté par le Sénat me semblent être justes et aller dans le bon sens. Je souhaite y apporter quelques précisions qui permettront d'aller plus loin dans son application sur nos territoires.

Il m'est apparu particulièrement souhaitable d'élargir le périmètre d'application des nouvelles règles régissant les clôtures à l'ensemble des espaces naturels, et non pas seulement aux trames vertes, comme le fait l'article 1er, car ce périmètre est bien trop restreint et cette limitation sera source de complexité et de confusion lorsque la loi sera appliquée.

Je souhaite également étendre le potentiel d'application de la loi dans le temps, en précisant que les clôtures antérieures à 2005 endommagées et faisant l'objet de travaux de réfection devront être rénovées de façon à permettre la libre circulation des animaux sauvages.

J'espère que votre travail permettra d'enrichir cette proposition de loi.

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