Mon intervention portera plus spécifiquement sur les crédits de la mission "Sécurités" , laquelle regroupe les crédits de la police et de la gendarmerie nationale ainsi que ceux de la sécurité civile.
Concernant les budgets de la police et de la gendarmerie, nous notons avec satisfaction une hausse des crédits qui se traduira, l'an prochain, par la création de 2 184 postes supplémentaires. Nous avons cependant tous en tête la note thématique publiée en juillet dernier par la Cour des comptes. La Cour y souligne que la forte progression des crédits prévue dans le cadre de la loi de programmation « ne règle pas les difficultés structurelles des forces de sécurité intérieure ». D'une part, en effet, les forces de sécurité rencontrent des difficultés croissantes de recrutement, notamment du fait de la nette augmentation des départs, et des démissions en école. À cet égard, la Cour suggère au Gouvernement de prendre de nouvelles mesures d'attractivité par l'amélioration matérielle des conditions de travail, l'accès au logement, la formation continue et la définition de nouveaux parcours de carrière. D'autre part, la Cour des comptes met en évidence que les fortes ambitions affichées sur l'équipement et l'investissement ne trouvent pas de traduction suffisante dans la programmation. Vous objecterez sans doute que les dépenses d'investissement progressent, notamment pour ce qui concerne la rénovation du parc immobilier de la police nationale. Mais est-ce suffisant ?
Nombreux sont les collègues qui, en commission, ont souligné les lacunes persistantes en matière de formation initiale et continue – cela a déjà été souligné –, en matière de prévention de la délinquance et de modernisation de l'équipement.
Ce qui nous préoccupe le plus, c'est la persistance d'une grande souffrance au travail, laquelle nous presse non seulement d'améliorer significativement les conditions de travail des policiers et gendarmes, mais aussi de leur permettre de retrouver le sens de leur mission.
De ce point de vue, nous regrettons la priorité continue accordée aux opérations de maintien de l'ordre avec la création de sept nouveaux escadrons de gendarmerie mobile (EGM), la livraison de 90 Centaures et 1 035 véhicules de maintien de l'ordre. Le document budgétaire justifie ces crédits qui ont été alloués « afin de pouvoir assumer la haute intensité », mais nous nous inquiétons de la militarisation de l'équipement des policiers. Nous avons le sentiment que le Gouvernement veut tirer prétexte de l'organisation prochaine des Jeux olympiques et paralympiques pour éloigner toujours plus la gendarmerie nationale du modèle qu'elle incarnait : celui d'une police de proximité du monde rural capable d'utiliser toutes les palettes de l'action, de la médiation à la force, en garantissant aux agents une certaine autonomie.
Pour ce qui concerne la sécurité civile dont le programme représente, nous le savons, une faible proportion de l'ensemble des crédits effectivement consacrés à la sécurité civile, je voudrais dire un mot du financement des Sdis. Les incendies de l'an dernier ont mis en évidence le manque structurel d'effectifs des sapeurs-pompiers. Malgré un budget total qui a atteint 5,39 milliards d'euros en 2021, selon un rapport de l'IGA – inspection générale de l'administration – paru en début d'année, les sapeurs-pompiers et les présidents de départements n'ont plus les moyens de faire face à la progression du nombre total d'interventions.
Nous remercions le rapporteur des crédits du programme Sécurité civile d'avoir consacré son rapport thématique à cette question. Plusieurs pistes sont sur la table : l'augmentation de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, la TSCA, à laquelle le Gouvernement se refuse, afin, une fois encore, de ne pas contrarier le secteur des assurances ; l'actualisation de l'assiette de cette taxe ; enfin, la prise en compte de la valeur du sauvé, c'est-à-dire la valeur de ce que nos sapeurs-pompiers sauvent de la destruction. La reconnaissance de cette valeur du sauvé est un enjeu capital dans un contexte où l'aggravation du risque incendie concerne désormais l'ensemble des territoires de France continentale et d'outre-mer.
C'est peu dire que nous ne partageons pas l'autosatisfaction du Gouvernement et de sa majorité, une autosatisfaction qui vous conduit à balayer d'un revers de main toute critique et toute objection, y compris lorsqu'elles viennent des premiers intéressés. Nous voterions contre les crédits de cette mission, si le vote nous était permis ; toutefois, puisque la Première ministre risque de recourir très rapidement au 49.3, nous n'en aurons peut-être même pas la possibilité. Je répète que, malgré leur augmentation, ces crédits sont insuffisants.