Aborder le budget de la sécurité et celui de l'administration générale et territoriale de l'État, c'est traiter de plusieurs fonctions essentielles de l'État, inscrites dans le texte fondamental qu'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Celle-ci évoque, dans son article 2, le droit à la sûreté et, dans son article 12, l'existence d'une force publique « instituée pour l'avantage de tous ». Elle reconnaît, dans son article 13, la nécessité de bien financer cette force publique ainsi que l'administration.
Dans les périodes de doute et de crise que nous traversons, il est bon, nous semble-t-il, de revenir à ces fondamentaux et de nous demander si nos débats satisfont à ces impératifs qui doivent guider le travail parlementaire. En l'espèce, notre action garantit-elle à nos concitoyens leur droit à la sécurité ? L'administration de l'État agit-elle bien au service de l'intérêt général ?
S'agissant de la mission "Sécurités" , nos débats se déroulent à l'ombre de la Lopmi, adoptée à la fin de l'année 2022. On nous avait alors promis beaucoup, non seulement des moyens techniques accrus, mais aussi un grand nombre d'embauches dans la police nationale. Nous nous étions félicités de cet aspect de la Lopmi, mais nous avions pointé, au cours des débats, l'importance qui s'attache à la formation des policiers. En la matière, incontestablement, le compte n'y est pas ! Certes, 1 139 ETP seront créés au ministère de l'intérieur, mais, comme toujours – les textes budgétaires ne font pas exception –, le diable se cache dans les détails.
On comprend pourquoi il est indiqué que le nombre d'heures de formation sera « en hausse », sans plus de précision, puisque le tableau présentant les éléments de synthèse du programme concerné prévoit le chiffre zéro dans la colonne « dépenses de personnel », aussi bien en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement. Dans ce que vous présentez aux parlementaires, il y a une contradiction fondamentale entre l'objectif affiché de mieux former les policiers – dont le nombre est en hausse – et la réalité de l'investissement dans la formation – qui se résume à rien.
C'est pourquoi nous proposerons un amendement visant à abonder de 100 millions d'euros les crédits affectés à la formation des policiers. Il s'agit d'investir enfin de manière décente dans cette formation. Si vous ne le faites pas, vous risquez de provoquer des dégâts irréparables dans l'institution chargée d'assurer la sécurité des Françaises et des Français. Nous sommes fondamentalement attachés à la fonction publique et à l'instruction publique. En l'occurrence, les deux sujets se rejoignent.
S'agissant de la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , il n'est pas inutile de porter un regard sur l'évolution des crédits qui lui ont été consacrés au cours des dernières années. Dans le document budgétaire annexé au PLF pour 2021, le Gouvernement s'accordait un satisfecit concernant la réforme de l'organisation territoriale de l'État, la création de nouveaux services déconcentrés interministériels et la lisibilité accrue des politiques gouvernementales grâce aux mutualisations et aux économies rendues possibles. Dans les documents budgétaires annexés aux PLF pour 2022, pour 2023 et pour 2024, on retrouve une même formulation, à quelques nuances près dans l'usage des adverbes et des virgules : « la nouvelle organisation territoriale renforce l'action de l'État grâce à la volonté présidentielle de mettre fin à plus de vingt ans de réduction systématique des effectifs départementaux ». Vos services manient à la perfection l'art du copier-coller !
On annonce, pour 2024, la création de 232 ETP dans le réseau territorial des services de l'État. Cela a été dit à plusieurs reprises, ce chiffre est notoirement insuffisant. Rappelons que, depuis l'époque de la révision générale des politiques publiques (RGPP), 14 % des effectifs de l'État ont été supprimés, soit près de 12 000 ETP. Pendant ce temps, les problèmes d'accès aux préfectures se sont aggravés. Ainsi, aucune préfecture n'est en mesure de respecter le délai raisonnable de trente jours pour le renouvellement des titres de séjour. Le bleu budgétaire maintient cette cible à trente jours, mais prévoit que le délai réel sera de soixante jours ; il s'agit clairement d'une régression.
La dématérialisation des procédures s'est révélée efficace dans certains cas, mais elle a surtout laissé de côté les très nombreuses personnes pour qui la fracture numérique est une réalité quotidienne. Nous avons donc déposé des amendements visant à améliorer les capacités d'accueil, notoirement insuffisantes, des services de l'État.