Intervention de Christophe Béchu

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 16h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Je partage évidemment le postulat de Mme Le Feur sur la nécessité d'agir. Le climat est un usurier : plus le temps passe, plus la facture augmente. Le coût de la sécheresse de cet été, sur laquelle je reviendrai jeudi prochain à Marseille en présentant de premières pistes pour faire évoluer la politique de gestion de l'eau, est à mettre en regard des sommes que nous devrons dépenser pour éviter une partie des effets de ce phénomène dans le futur.

Le PLF pour 2023 est le dernier avant la mise en œuvre de la feuille de route de planification écologique. J'annoncerai dès le début du mois d'octobre la méthode et l'agenda de cette dernière. Nous n'allons pas perdre du temps à réaliser des diagnostics qui sont déjà largement partagés. Nous privilégierions une approche opérationnelle autour de grands thèmes comme les déplacements, les bâtiments ou l'industrie.

En ce qui concerne les transports, nous évoquerons les mobilités actives notamment en milieu urbain, les transports en commun, ainsi que les déplacements longue distance en train et en avion, sur lequel j'espère une discussion rationnelle. Nous aborderons aussi le logement et la rénovation des bâtiments publics. S'agissant de ces derniers, qui représentent 500 millions de mètres carrés, les budgets se chiffrent en dizaines de milliards d'euros. L'enjeu, qui excède évidemment la simple déclinaison de MaPrimeRénov', est de réduire la dépendance aux fluides et de diminuer les charges pesant sur les collectivités.

Nous traiterons également quelques sujets transversaux, comme la fiscalité. Cette dernière doit récompenser ce qui est vertueux et inciter à prendre en considération plus vite et mieux les préoccupations climatiques.

Madame Masson, vous opposez la sobriété et l'efficacité énergétique. C'est une erreur, l'une n'exclut pas l'autre. Nous devons consommer moins, éviter le gaspillage, être économes de nos ressources mais également consommer autrement. Ces évolutions passent parfois par des changements dans les comportements individuels, parfois par des investissements ou des décisions réglementaires.

Le Fonds vert n'est pas lié à la rénovation urbaine. Les crédits sont totalement nouveaux, à l'exception des 300 millions d'euros du fonds « friches » qui auraient dû disparaître avec la fin du plan de relance et qui sont partiellement recyclés. Ils doivent permettre d'accompagner les politiques d'adaptation dans les territoires, qu'il s'agisse de l'érosion du trait de côte, de la transformation de l'éclairage public ou de la préservation de la biodiversité. La somme peut ne pas sembler à la hauteur de l'enjeu mais elle ne concerne que l'année 2023, puisque nous disposerons ensuite d'une feuille de route de planification écologique et des moyens pour la mettre en œuvre.

Madame Stambach-Terrenoir, les organisations syndicales que j'ai rencontrées dès mon arrivée au ministère se sont fait l'écho de la baisse des effectifs que vous mentionnez. Effectivement, mon ministère est celui qui a connu la plus forte diminution en pourcentage de ses effectifs au cours des dix dernières années – plus de 20 % –, diminution commencée de manière assez active sous le quinquennat de François Hollande. J'ai obtenu leur stabilisation pour les cinq ans qui viennent. C'est sans doute la preuve que je partage votre constat selon lequel nous avons besoin d'hommes et de femmes pour mener les politiques de transition écologique. Je ne détaillerai pas la situation des différents opérateurs – ce serait fastidieux – mais je suis prêt à répondre à des questions précises. Je dois recevoir les organisations syndicales demain pour leur présenter nos projets de manière plus fine.

S'agissant des contrats de conseil, ils diminueront de 30 % cette année et il est prévu de revoir les procédures de commandes appliquées par le secrétariat général du ministère. Nous continuerons néanmoins à recourir à cet appui externe dans certains domaines. Le développement de l'éolien offshore par exemple suppose des compétences, parfois très techniques, dont nous ne disposons pas au sein du ministère.

Monsieur Ray, votre question éminemment précise sur la filière tuiles met en évidence le caractère protéiforme des conséquences du changement climatique. J'ai eu l'occasion d'échanger avec des assureurs et des personnalités du monde agricole, qui m'ont confirmé que les épisodes de grêle que nous avons connus cette année avaient été d'une rare intensité. Cette situation exceptionnelle s'inscrit en outre dans un contexte d'explosion des coûts de l'énergie, qui pèse fortement sur le processus de production, et de difficultés d'approvisionnement.

L'Ademe travaille sur l'amélioration énergétique de la production de matériaux. Au moins un fabricant de tuiles, Terreal, a bénéficié de l'appel à projets. L'enjeu est de baisser les coûts de production de la filière et non de la subventionner de manière artificielle.

Je n'ai pas eu connaissance de votre courrier du 21 juillet. Je suis néanmoins à votre disposition pour faire un point sur les événements particulièrement intenses qu'a connus l'Allier.

La déclinaison de la transition écologique avec les collectivités locales suppose, comme l'a souligné M. Millienne, que nous disposions d'un outil adapté. Lorsque j'ai reçu les associations d'élus, je leur ai demandé de me faire des propositions sur ce que pourrait être le budget vert à une échelle municipale, intercommunale, départementale et régionale, en s'appuyant sur les retours d'expérience des collectivités qui ont déjà ouvert ce chantier. Nous avons besoin d'une méthode globale afin d'éviter que chaque collectivité verdisse ou brunisse ses investissements de son côté au risque de l'inefficacité. Le cadre ainsi défini sera un outil de dialogue avec les collectivités pour le budget de 2024 – je réponds là à M. Alfandari – et permettra d'orienter les crédits en fonction d'une typologie, ou d'une taxonomie si vous préférez utiliser ce terme, ainsi que de verdir des dotations afin de « doper » certaines priorités de la transition écologique, lesquelles pourraient de surcroît bénéficier de crédits supplémentaires.

En ce qui concerne l'eau, sujet évoqué également par M. Wulfranc, le taux de fuite sur les réseaux d'eau potable est de 20 % et peut atteindre 70 % dans certains territoires. Il est parfois très élevé dans des zones où les prix sont les plus bas, certaines collectivités rechignant à les augmenter légèrement pour procéder aux investissements nécessaires.

Des territoires refusent par ailleurs de mettre en place des interconnexions, ce qui fragilise leur capacité à obtenir de l'eau potable pendant toute l'année. Dès qu'ils sont confrontés à un problème, quelle qu'en soit sa nature, ils prennent le risque que l'eau soit coupée. Plus de la moitié des 117 communes qui ont été privées d'eau potable cet été à cause de la sécheresse n'étaient pas reliées à d'autres réseaux.

La réduction des fuites me semble être une nécessité, dans un souci de sobriété mais également de limitation des coûts. Une fois que les collectivités ont engagé cet effort, elles peuvent, dans le cadre de leur autonomie, déterminer les tarifs. La tarification progressive, qui consiste à faire payer plus cher un usage de confort, peut avoir du sens, dès lors que le problème du gaspillage a été résolu.

Monsieur Delautrette, l'indexation des bases fiscales est effectuée chaque année de manière automatique, en application d'un texte voté il y a plusieurs années. Nous ne remettons pas en cause ce dispositif mais nous vous suggérons d'autoriser la déliaison des taux afin que les collectivités qui ne souhaiteraient pas répercuter l'inflation sur les bases ne soient pas contraintes de baisser également la fiscalité sur les entreprises. En effet, celles-ci bénéficieront déjà de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

L'indexation de la DGF a disparu il y a quatorze ans et nous n'envisageons pas de la rétablir. En revanche, lors du Comité des finances locales, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales a annoncé que le Gouvernement envisageait un abondement de 210 millions d'euros. Celui-ci permettrait de compenser le prélèvement sur la part forfaitaire destiné à financer la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR), de manière à maintenir le niveau de la part forfaitaire. En effet, la sanctuarisation de la DGF concerne aussi bien la part forfaitaire que la part péréquation ; dès lors que la seconde augmente, la première baisse automatiquement. Il faut donc rehausser le montant global.

Les autres échelons de collectivités territoriales connaissent des situations différentes. Les régions bénéficiant d'une part de la TVA, qui est en très forte progression – les acomptes au titre de l'année en cours vont augmenter de 9 % –, elles sont moins affectées par l'inflation.

S'agissant de l'énergie et du bouclier tarifaire, notre modèle, fondé sur l'ouverture à la concurrence de l'électricité à partir d'un seuil de dix salariés et de 2 millions d'euros de recettes, traite de manière équivalente les entreprises et les collectivités locales. L'écrasante majorité des communes de notre pays n'atteignent pas ce seuil. Si elles n'ont pas contractualisé avec un fournisseur alternatif d'énergie, elles sont donc protégées par le bouclier tarifaire.

Je ne préjuge pas des évolutions mais, pour le moment, la priorité absolue du Gouvernement est de faire baisser les prix de l'énergie, qui sont totalement spéculatifs. Si nous ne le faisons pas, nous encourageons un phénomène inflationniste. Mme Ursula von der Leyen a annoncé l'instauration au niveau européen d'un tarif de 180 euros du mégawatt et d'un dispositif de prélèvement de la rente pour récupérer une partie des bénéfices liés à des opérations d'achat-revente à des tarifs totalement décorrélés des coûts.

Monsieur Alfandari, nous divergeons sur les chiffres mais nous avons tous deux raison : les 59,6 milliards d'euros que vous mentionnez représentent le cumul des crédits de mon ministère, qui s'élèvent à 40 milliards, et de celui de Mme Agnès Pannier-Runacher. Le Fonds vert sera à la discrétion des préfets et ne donnera pas lieu à des appels à projets, car il faut pouvoir répondre rapidement à des besoins qui sont immédiats. Ses usages seront multiples, depuis l'appui à la déminéralisation d'une cour d'école, à la constitution d'un îlot de fraîcheur ou à des opérations de rénovation. Je ne suis pas opposé à l'utilisation de la DSIL ou de la DETR. S'agissant des outils de comptage des tonnes de CO2 évitées, l'une des difficultés est de distinguer la part locale et la part importée, surtout à de petites échelles. L'objectif est toutefois de les mettre à disposition de nos partenaires rapidement après nous être assurés de leur pertinence.

Madame Belluco, à propos du rôle du SGPE, le Haut Conseil pour le climat et la plupart des organisations non gouvernementales (ONG) ont salué l'innovation consistant à confier la responsabilité de la planification écologique à la Première ministre. La transition écologique sera ainsi au cœur des préoccupations de tous les ministères et devra être déclinée dans leur feuille de route selon leur périmètre de compétences. Le SGPE aura pour mission d'encourager leur coordination et d'assurer le suivi global.

À M. Wulfranc qui déplore le caractère autoritaire de certaines décisions de l'État, je rappelle que la loi « climat et résilience », qui introduit les ZFE-m et l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), a été votée à l'issue d'une commission mixte paritaire (CMP) conclusive. Pour les ZFE-m, les autorités locales conservent en outre le choix du rythme de mise en œuvre, des exonérations éventuelles et des dispositifs d'accompagnement. Il est possible que dans certains territoires, la pédagogie ne soit pas suffisante. Toutefois, il est inexact de dire que ces démarches sont imposées par l'État.

S'agissant de la métropolisation, les difficultés sont davantage liées à la gouvernance locale qu'à la taille ou au statut juridique de la collectivité. Certaines intercommunalités de petite taille connaissent des tensions fortes, car le pouvoir y est peu partagé. À l'inverse, des métropoles ou des communautés urbaines ont une tradition d'écoute et de dialogue.

Monsieur Guy Bricout, s'agissant de la rénovation énergétique, nous ne pouvons que nous réjouir du succès du dispositif actuel et des 700 000 logements rénovés. Nous n'avions aucune certitude sur notre capacité à atteindre un tel objectif. Cependant, nous devons gagner en efficacité, notamment en limitant les opérations « monogestes », et nous interroger collectivement sur la manière d'y parvenir. Aucune évolution du dispositif n'est proposée pour le moment mais le sujet n'est pas tabou d'autant que le contexte confirme, si besoin en était, la pertinence de la démarche.

En matière d'artificialisation des sols, vous m'alertez sur les excès de zèle des préfets et sur les difficultés rencontrées sur le terrain. La loi « climat et résilience » prévoit que l'artificialisation nette des sols cesse à partir de 2050. Au cours des dix prochaines années, le rythme de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers devra déjà être divisé par deux. À la fin du mois d'octobre, les conférences des schémas de cohérence territoriale (Scot) devront déterminer s'il existe un consensus sur le sujet, auquel cas l'application du texte sera immédiate. À défaut, les conseils régionaux disposeront d'un délai jusqu'au 22 février 2024 pour engager une concertation et expliquer le dispositif.

Les décrets du 29 avril ont suscité de nombreuses réactions, notamment à cause de certaines maladresses dans leur rédaction. Ils ont également matérialisé un calendrier qui semblait lointain et pour lequel nous n'avions probablement pas fait preuve de suffisamment de pédagogie. Le 4 août, j'ai donc demandé aux préfets de suspendre l'application de ces textes qui ne sont pas toujours conformes à l'esprit de la loi.

En cinquante ans, l'artificialisation a toutefois été plus importante qu'au cours des cinq siècles précédents. Sans Grenelle ni marche pour le climat, sans prise de conscience de la nécessité de préserver les sols, nos anciens avaient la sagesse de construire de manière compacte, à la fois pour économiser les matériaux, limiter les déplacements et préserver les espaces de production.

Il est absolument nécessaire de tenir notre objectif, dont personne ne conteste d'ailleurs la pertinence. La nomenclature en annexe du décret doit néanmoins être revue pour lever des incompréhensions, comme le fait de considérer les parcs et jardins urbains comme des espaces artificialisés. J'ai demandé à une dizaine d'agences d'urbanisme, en lien avec autant de communes et de collectivités, d'identifier les points irritants, voire un peu absurdes, afin que nous apportions les évolutions nécessaires avant la fin de l'année. Nous procéderons également à une modification législative pour introduire dès maintenant une comptabilisation en solde et non à l'issue d'une période de dix ans pendant laquelle la consommation d'espaces devra être divisée par deux. En effet, la rédaction actuelle pourrait conduire à conserver des friches, de manière à bénéficier de nouveaux droits à construire en rendant les terrains à la nature dans une décennie.

La Convention citoyenne pour le climat avait suggéré une disposition imposant à tous les territoires de diviser par deux leur rythme d'artificialisation. La représentation nationale a estimé avec sagesse que cet objectif devait être apprécié à l'échelon régional pour prendre en considération l'évolution de la démographie et ne pas pénaliser les territoires qui avaient fait preuve de sobriété foncière par le passé. Certains élus ont toutefois relevé que la maille choisie n'était pas forcément pertinente pour les projets d'intérêt national.

La présidente de la région Occitanie, Mme Carole Delga, m'a ainsi fait valoir que les deux lignes à grande vitesse (LGV) qui doivent être construites dans sa région réduiraient sa capacité à construire, alors qu'elle subit déjà l'injustice d'avoir attendu vingt ou trente ans de plus que d'autres pour bénéficier de ces infrastructures de décarbonation. La problématique est identique pour le canal Seine-Nord Europe. Il n'est pas question de décompter ces grandes infrastructures de l'objectif global, mais elles pourraient être imputées sur un compte national, puisqu'elles servent les objectifs nationaux de décarbonation.

Je dois recevoir les associations d'élus dans quelques jours pour aborder ce sujet mais le calendrier, avec ses différentes échéances, devra être respecté.

Quant aux transports, tout n'a pas été parfait au cours du précédent quinquennat, mais les engagements pris ont été tenus, en suivant une méthode qui consiste à recenser les besoins des territoires dans le cadre du Conseil d'orientation des infrastructures, puis à faire valider les scénarios par la représentation nationale et à les décliner dans une loi d'orientation des mobilités. Les crédits ont été scrupuleusement respectés, avec des compléments pour le canal Seine-Nord Europe et la liaison Lyon-Turin pour ne pas amputer les feuilles de route qui avaient été fixées. Nous conserverons la même approche, car les enjeux budgétaires sont considérables, en particulier pour le ferroviaire.

Les outre-mer sont au cœur de nos réflexions. Ils ne sont pas un problème et peuvent, au contraire, être une partie de la solution, même s'ils sont confrontés à des difficultés spécifiques et particulièrement exposés aux conséquences du réchauffement climatique.

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