Intervention de Christophe Béchu

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 16h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Je ne vous présenterai pas de manière exhaustive la feuille de route que la Première ministre m'a remise, car cet exercice serait fastidieux. Je préfère vous en livrer un résumé, qui nous permettra ensuite d'aborder de manière plus détaillée les aspects qui vous semblent les plus intéressants.

Tout d'abord, je voudrais dire un mot sur le périmètre ministériel qui m'a été confié. La transition écologique est associée à la cohésion des territoires pour consacrer l'idée que nous avons besoin d'une union sacrée entre l'État et les collectivités locales, afin de tenir nos objectifs en matière d'atténuation du changement climatique, d'adaptation à ce changement et de préservation de la biodiversité.

La plupart des politiques peuvent se décider à Paris mais elles se déclinent localement. S'agissant de la décarbonation des transports par exemple, la réalisation de pistes cyclables ou la mise en place de transports en commun ambitieux dans un territoire sont des leviers pour faire reculer la part des voitures thermiques. La décision prise par l'Union européenne d'abandonner cette technologie à l'horizon 2035 ne peut à elle seule suffire. D'autres mesures crédibles et compatibles avec l'objectif, telles qu'un programme national d'installation de bornes de recharge pour les véhicules électriques, sont également nécessaires. Cela vaut pour le ferroviaire et pour plusieurs autres domaines.

Notre ambition est très simple : il s'agit de tenir les engagements pris par la France. Ils traduisent la prise de conscience de la nécessité, pour préserver l'habitabilité de notre planète, de limiter autant que possible le réchauffement climatique. Plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre que notre planète subit depuis la Révolution date des trente dernières années. Pour rester dans la fourchette de 1,5 à 2 degrés, le travail est considérable, à commencer par le fait d'atteindre, à court terme, l'objectif de 55 % de décarbonation par rapport à 1990 et, en 2050, la neutralité carbone. Au rythme actuel, nous ne pourrons pas être à ce rendez-vous. Nous avons besoin d'une accélération très sensible et d'un changement de méthode dont la planification écologique voulue par le Président de la République est la traduction.

Les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 23 % par rapport à 1990, selon le Haut Conseil pour le climat. Ce rythme a doublé au cours des cinq dernières années par rapport aux cinq années précédentes. Malheureusement, il faudrait le doubler à nouveau pour se conformer à notre ambition. Il faut toutefois des évolutions encourageantes, comme le fait que notre empreinte importée ait diminué dans les mêmes proportions que notre empreinte d'émissions nationales.

S'agissant de mon ministère, le choix a été fait d'un périmètre large et cohérent, qui inclut à la fois le logement, les transports, l'écologie, la ruralité et les collectivités locales. Il traduit la volonté d'agir aux différents échelons territoriaux ainsi que d'assurer la cohérence et l'efficacité des mesures qui pourront être prises, puisque les deux secteurs qui totalisent la moitié des émissions de gaz à effet de serre – 30 % pour les transports et près de 20 % pour le logement – seront placés sous la même responsabilité.

Je souhaite replacer mon intervention dans le contexte de la présentation du projet de loi de finances (PLF). La transition écologique se voit octroyer 40 milliards d'euros, ce qui correspond à un niveau historiquement élevé. À titre d'information, les concours aux collectivités territoriales représentent 53 milliards d'euros. S'y ajoutent quelques mesures non budgétaires qui revêtent une très grande importance. Ainsi, à ceux qui m'interrogent sur nos intentions pour la COP27, je réponds que nous devons déjà commencer par tenir les engagements pris lors de la COP26 et qui résultaient de l'accord de Paris sur la fin du soutien public aux nouveaux projets en matière d'énergies fossiles. L'arrêt des garanties à l'exportation est à cet égard un élément de crédibilité.

La décarbonation doit entrer dans le débat public. De la même manière que nous avons pris l'habitude de compter en euros, il nous faut désormais compter en tonnes de CO2 évitées, à la fois pour obtenir des crédits à la hauteur des ambitions et pour faciliter les arbitrages à budget constant.

Dans plusieurs domaines, nous devons chercher à améliorer l'efficacité climatique des mesures que nous prenons. MaPrimeRénov' est incontestablement un succès sur le plan quantitatif puisque 700 000 logements en ont bénéficié. En revanche, nous pouvons sans doute être plus performants s'agissant des tonnes de CO2 évitées.

La Première ministre m'a demandé de travailler sur la feuille de route de planification écologique pour qu'elle puisse être présentée à la fin de l'année. Celle-ci abordera tous les secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, en particulier les transports et l'agriculture, dont le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre reste inférieur à nos objectifs.

L'agriculture totalise 19 % des émissions. La part de l'industrie, comme du logement, est de 18 %, celle de l'énergie de 10 % et celle de la sylviculture de 4 %, laquelle soulève des questions liées au piégeage du carbone et à la stratégie forestière.

Nous devons préparer la sortie du véhicule thermique et concomitamment accompagner le développement du véhicule électrique, en essayant pour ce dernier d'éviter les importations venues du bout du monde et les productions utilisant du charbon. Pour ce faire, nous devons élaborer une stratégie avec les industriels et installer des bornes de recharge.

S'agissant de la rénovation des bâtiments, nous ne devons pas oublier les bâtiments publics, qui présentent un potentiel d'amélioration énergétique considérable.

Nous devons également être attentifs à la biodiversité et, de manière générale, à la préservation des ressources, dont l'eau. L'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) est un moyen de faciliter la recharge des nappes phréatiques. Face aux interrogations, voire un peu plus, que les décrets d'application du 29 avril dernier ont pu soulever, j'ai multiplié les concertations au cours de l'été. Toutefois, compte tenu de l'importance de l'objectif, la trajectoire et l'ambition ne sauraient en aucune manière être remises en cause.

L'adaptation au changement climatique n'est pas un sous-objectif par rapport à son atténuation. Comme vous l'avez dit, Monsieur le président, l'été que nous avons vécu nous a permis de mesurer que l'urgence climatique est une réalité et que l'inaction a un coût. Nous devons accroître la résilience de nos territoires et nous préparer à des conséquences qui sont désormais certaines, puisque nous avons déjà atteint 1,7 degré de réchauffement en France.

Cette adaptation devra se décliner dans tous les champs de l'action publique et à tous les échelons territoriaux, en prenant en considération les risques, l'eau, la forêt et l'urbanisme.

S'agissant des moyens, un fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, baptisé « Fonds vert », sera doté de 1,5 milliard d'euros de crédits nouveaux en 2023. Il permettra d'associer les collectivités locales, de manière très concrète, à une partie des efforts ou des dépenses qui seront nécessaires.

La biodiversité, qui sera au cœur de la COP15 à Montréal, ne doit pas être l'angle mort de notre politique de transition écologique. Des crédits seront disponibles dès cette année, au titre de la stratégie nationale de la biodiversité mais aussi dans le cadre du Fonds vert.

Pour agir avec les collectivités locales de manière intense et accélérée, nous devons disposer d'une méthode que j'ai eu l'occasion de présenter à toutes les associations représentatives d'élus. Celle-ci repose sur un agenda territorial permettant d'identifier avec les collectivités locales les sujets dont elles souhaitent que nous discutions dans les mois et les années qui viennent, même s'ils n'ont aucun lien avec la transition écologique. La commission du développement durable aura toute sa place dans cet agenda. Nous devrons également adapter nos démarches de contractualisation à travers une nouvelle étape pour les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) et un renforcement des contrats de plan État-région. Les opérateurs du ministère, dont l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ou l'Agence de la transition écologique (Ademe), devront être capables, par de l'ingénierie et des moyens, d'accompagner l'ensemble des mesures.

Je ne serai pas plus long pour laisser la place au dialogue. Je ne vous ai parlé ni de la politique de la ville, ni de la politique en faveur de la ruralité, ni plus largement des territoires les plus fragiles mais il va de soi qu'une transition écologique qui les négligerait ne serait ni juste ni efficace. Il s'agit d'un chemin de crête mais nous n'avons pas le droit à l'échec.

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