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Intervention de Alexandre Holroyd

Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 13h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd :

Je rejoins Constance Le Grip, qui a une longue expérience des affaires européennes. Au sein de l'Union, les États sont souverains, ils peuvent se retirer de l'Union s'ils le souhaitent comme cela a été fait il y a quelques années. Le compromis est au cœur du fonctionnement de l'Union.

Je pense que l'on est tous d'accords sur la question des rabais. Cela a été répété par cette commission. J'étais moi-même membre de cette commission lors de la négociation du cadre financier pluriannuel 2021-2027 : la France s'est opposée de manière systématique aux rabais et a demandé leur suppression. Ils ont été rabotés mais n'ont pas été supprimés, ce qui a été une insatisfaction pour l'Assemblée nationale. Je pense que les Français comprennent très bien que lorsque l'on vit dans une collectivité, on ne fait pas ce que l'on veut et l'on trouve des compromis. C'est un principe cher aux partis de gouvernement et qui semble échapper à ceux qui n'ont jamais exercé de fonctions gouvernementales.

La deuxième chose que je souhaiterais évoquer concerne le lien assez tendancieux fait entre le pacte de stabilité et de croissance, sur lequel nous avons remis un rapport avec Marietta Karamanli, et le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Je vois que Manuel Bompard a fait ce lien en indiquant que le PSR-UE contribuait à notre déficit. Notre déficit est basé sur nos dépenses nationales, et non sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE). Si l'on fait le net entre le PSR-UE et les revenus, c'est assez marginal par rapport aux 400 milliards d'euros de dépenses de notre budget. Le pacte de stabilité encadre les dépenses de l'État, et de chaque État, alors que le budget de l'Union européenne encadre les dépenses que la Commission européenne et que les institutions européennes engagent. Ce sont deux sujets assez différents.

Je ne vais pas revenir sur le pacte de stabilité et les accusations récurrentes d'austérité qui sont le fruit d'une imagination assez fertile. La France n'a pas présenté un budget équilibré depuis 1974 : donc le concept d'austérité est un concept qui laisse pantois ceux qui regardent la France de loin, c'est-à-dire le pays qui a un taux de dépenses publiques par habitant parmi les plus élevés de l'OCDE, un taux de prélèvement obligatoires le plus élevé de l'OCDE et un taux de dépense publique le plus élevé de l'OCDE. C'est un concept assez surprenant. Je disais d'ailleurs la semaine dernière que nos amis grecs savent ce qu'est l'austérité et ce n'est pas ce qui se passe en France depuis cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans ou vingt-cinq ans. C'est une réalité mathématique, même si l'on voudrait y échapper.

S'agissant de la lutte contre la pauvreté, je partage ce qui a été dit sur les conditions très difficiles dans lesquelles se trouvent certains Européens. Je tiens juste à signaler que l'on ne peut pas à la fois soutenir qu'il faut couper tous les budgets de l'Union européenne, et estimer que l'Union européenne doit gagner de nouvelles responsabilités. La lutte contre la pauvreté, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas une compétence européenne. Dire que l'Union européenne ne lutte pas contre la pauvreté alors qu'on ne lui en a pas donné la compétence est un raisonnement un peu circulaire. Donnons-lui cette compétence mais, dans ce cas, proposez une augmentation du budget. Il faut être cohérent. Si vous souhaitez davantage de compétences européennes, il faut proposer davantage de budget européen. Si vous en souhaitez moins, demandez en moins.

C'est là où le Rassemblement national a une cohérence. Le Rassemblement national exige très clairement une baisse de 5 milliards d'euros sur le budget européen. Retranscrivons ces 5 milliards d'euros de baisse sur la politique agricole commune (PAC) ! Allez dire à nos agriculteurs que vous souhaitez que la PAC soit sabrée en deux ! On ne peut pas à la fois arrêter de payer l'Union européenne et, en même temps, recevoir les mêmes fonds. Cela me paraît assez curieux !

S'agissant de France relance et du plan de relance européen, je veux me tourner vers Manuel Bompard, qui fait des calculs très savants sur les subventions par habitant versées par l'Union européenne. Si vous faites le même calcul pour France relance, vous trouverez un équilibre supérieur au plan Biden, ce qui soulève la question de savoir pourquoi vous n'avez pas voté avec enthousiasme pour ce plan qui, contrairement à ce que dit le Rassemblement national, n'est pas cher : le taux de l'endettement européen pour NextGenerationEU est inférieur au taux de financement de la France. Ce n'est donc pas un emprunt cher : un emprunt cher est fixé par rapport au taux d'intérêt, or nous payons très peu cher collectivement les taux d'intérêt sur NextGenerationEU.

S'agissant de la contribution française en 2025 et 2026, oui, elle va augmenter, si l'on ne met pas en place d'autres ressources propres. Nous avons emprunté 750 milliards d'euros ensemble, et nous devons les rembourser. Nous les avons aussi utilisés, nous rénovons nos bâtiments publics avec cet argent. Dans toutes les métropoles, les villages, les circonscriptions de notre territoire, vous pouvez voir des panneaux indiquant un financement par l'Union européenne : on a là un exemple parfait de la façon dont les financements européens bénéficient à nos territoires.

Je veux revenir sur quelque chose que Monsieur Sabatou a dit. Il me semble que c'est une erreur d'appréciation sur ce qu'est le budget européen. La contribution française a augmenté graduellement au début des années 2000 parce que le budget européen n'était pas construit de la même manière, mais était financé par des ressources propres. Il y a donc quelque chose de parfaitement contradictoire dans ce que vous dites. Vous nous invitez à regarder le budget des années 1980-1990, lorsque le budget était financé par des ressources propres. Et en même temps vous refusez toute nouvelle ressource propre pour financer le budget européen. Entre financer le budget européen par des contributions des Etats ou des ressources propres, il faut choisir. Il n'y a pas d'argent magique qui viendrait financer le budget européen. Il faut être clair : la hausse des contributions françaises au début des années 2000 est liée à la baisse des droits de douane qui abondaient le budget européen à l'époque. C'est pour cela que je suis sûr que si voulez revenir à cette époque, vous souscrirez sans réserves à ma proposition de faire en sorte que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières vienne abonder le budget européen directement.

Pour répondre à Mme Chikirou, nous sommes d'accord sur la question des rabais. Nous sommes aussi également d'accord s'agissant de la taxe sur le numérique. Seulement, je suis au regret de vous dire que quand la taxe sur le numérique a été proposée par le gouvernement, vous avez voté contre. S'agissant de l'assiette commune pour l'impôt sur les sociétés, je suis parfaitement d'accord avec vous. Il est très regrettable que nous ne parvenions pas à avancer sur ce sujet pourtant nécessaire. Si l'on croit à l'Union européenne et aux avantages du marché unique, il faut que l'on ait une lecture commune de l'assiette de l'impôt, au risque de créer sinon toutes sortes de concurrences déloyales au sein de l'Union européenne. Je pense que l'Union européenne devrait s'y atteler, même si c'est un sujet très difficile au regard des pratiques très différentes au sein de l'Union européenne. Elles ont, en partie, été corrigées par l'accord historique négocié par le Président de la République et le ministre des finances à l'OCDE sur l'impôt minimal sur les bénéfices des sociétés.

S'agissant de la réforme du pacte de stabilité et de croissance, la réalité est que, dans la proposition de la Commission, la modalité de calcul d'évolution des dépenses évolue dans le bon sens. Le calcul est différencié en fonction de la situation d'endettement de l'État. S'agissant des traités, je suis d'accord avec vous sur le fond, et je l'ai d'ailleurs mentionné dans le rapport d'information que j'ai écrit avec Marietta Karamanli. Je pense que les 60 % et les 3 % n'ont pas de sens économique aujourd'hui mais, à nouveau, je suis obligé de regarder les choses en face : changer les traités aujourd'hui, vu l'équation politique en Europe et peu importe qui est au pouvoir en France, est quasiment impossible puisqu'il faut l'unanimité. Or, aujourd'hui, vous n'aurez pas l'unanimité. Il faut donc faire avec les traités actuels et, en même temps, créer les conditions du redressement des finances publiques en investissant dans nos capacités productrices et nos capacités de transition écologique, ce qui est l'ambition de ce budget.

Pour répondre à Monsieur Seitlinger, j'aimerais préciser deux choses. Sur le nucléaire, je suis ravi de savoir que vous vous félicitez de l'accord historique intervenu, qui est une victoire majeure pour la France et le soutien à la filière nucléaire.

S'agissant de l'achat de matériels français par nos partenaires européens. Je suis d'accord avec vous mais, cela reste une compétence nationale que de décider à qui un État souhaite acheter son matériel. La réalité est que ni la France, ni la Commission européenne, ni le Conseil européen, ni le Parlement européen n'ont le pouvoir ni la légitimité d'aller suggérer aux Finlandais, aux Suédois, aux Hongrois ou aux Italiens auprès de qui acheter leur matériel militaire. Dans ce cas, j'invite Les Républicains à plaider très clairement pour une défense européenne à l'exclusion de la défense nationale, puisque nous achetons notre matériel où nous le souhaitons aussi. Je n'ai pas le sentiment que cela soit la position des Républicains. Il faut choisir entre les deux : si l'on veut que cela soit la Commission européenne qui décide où l'on veut acheter du matériel militaire, il faut le dire mais c'est une position qui est assez éloignée de la mienne pour l'instant. L'action du gouvernement continuera d'être axée sur la mise en marche de l'Union européenne vers une position souveraine qui investit pour son avenir, pour son industrie, pour sa base industrielle et pour la transition écologique. C'est l'Union européenne qu'avait dessinée le Président de la République dans son discours de la Sorbonne il y a maintenant cinq ans. L'Union européenne a considérablement évolué dans ce sens au cours de ces cinq dernières années, grâce à de nombreuses réformes sur lesquelles je ne reviendrai pas.

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