Je m'associe aux mots énoncés par le président en introduction. La présentation du prélèvement sur recettes dans le cadre du projet de loi de finances 2024 représente un triple enjeu : premièrement, elle intervient au moment de la révision de mi-mandat du cadre financier pluriannuel ; deuxièmement, elle intervient l'année précédant les élections européennes ; troisièmement, elle doit prendre en compte le retour annoncé des règles du Pacte de stabilité et de croissance.
Sur ce dernier point, notre contribution au budget européen à hauteur de 21,6 milliards d'euros pour 2024 contribue au déficit public de la France. Notre pays est pris en tenaille entre sa position de second contributeur net au budget de l'Union à hauteur de 9,6 milliards d'euros en 2022 et son déficit aggravé l'exposant au risque de sanctions par la Commission. En d'autres termes, nous risquons d'être sanctionnés pour notre excès de générosité au budget européen. Je crois que c'est surtout un excès de naïveté.
Il est vrai que la France est le premier pays bénéficiaire des fonds européens, à hauteur de 15,5 milliards d'euros en 2021. Néanmoins, en rapportant ce budget à la population, la France se situe à la 21e place des bénéficiaires de la politique de cohésion et à la 23e place pour l'ensemble des politiques européennes. Le premier bénéficiaire est le Luxembourg, qui perçoit 3 905 euros par habitant, là où la France perçoit 235 euros par habitant.
Notre enveloppe au titre du plan de relance européen a par ailleurs diminué de 2 milliards, alors que le remboursement représentera 2,4 milliards d'euros par an.
Notre grande naïveté ne s'arrête pas là. Si la France est le deuxième pays contributeur au budget européen, le premier est l'Allemagne et le troisième les Pays-Bas. Ces deux États bénéficient toutefois de « rabais », à hauteur de 3,7 milliards d'euros pour l'Allemagne et de 1,9 milliard pour les Pays-Bas. La Suède, l'Autriche et le Danemark en bénéficient aussi. Naturellement, les rabais des uns doivent être compensés par les contributions des autres : la France est la première contributrice au financement de ce chèque-cadeau.
Cette naïveté de la France n'est pas imputable au seul gouvernement d'Emmanuel Macron : le montant de la contribution française est passé de 3,7 % des recettes fiscales en 1982 à 8,4 % en 2023, à périmètre constant.
En revanche, nous avions averti votre gouvernement sur le fait que, faute de ressources propres, le plan de relance allait uniquement aggraver la dette des États membres. L'austérité budgétaire est donc l'horizon des peuples européens. Cette alerte ne venait pas uniquement des rangs de l'opposition : Valérie Hayer, cheffe de file française du groupe Renew au Parlement européen sur ces questions a régulièrement alerté sur le caractère insuffisant et hypothétique des nouvelles ressources propres. Le besoin initial de remboursement annuel était budgété à 15 milliards d'euros : il est maintenant compris entre 17 et 20 milliards d'euros du fait de la hausse des taux d'intérêt.
Je rappelais dans mon introduction que cette présentation intervient l'année précédant les élections européennes, et donc le renouvellement de la Commission. Étant contributrice nette, la France serait en droit d'enjoindre à la future Commission de s'appliquer ses propres conseils d'efficacité budgétaire. La Cour des comptes européenne souligne des défaillances dans l'évaluation de la performance de réalisation de gestion de la dette liée au plan de relance : ses objectifs ont été définis de manière opaque, avec un manque de transparence et de responsabilité vis-à-vis du Parlement européen.
Je conclurais sur la révision à mi-mandat du cadre pluriannuel financier. Dans sa résolution du 3 octobre 2023, le Parlement européen se contente de remarquer que la révision ne concerne que quelques-unes des questions les plus préoccupantes dans le cadre existant, sans répondre à l'ensemble des besoins et problèmes présentés. C'est un euphémisme.
Sur les 65 milliards supplémentaires proposés par la Commission, il y a deux absents et un camouflet pour la France. La première absence est la lutte contre la pauvreté : plus d'un Européen sur cinq est menacé de pauvreté ou d'exclusion sociale, soit 95 millions de personnes et 3,3 millions de plus depuis 2019. L'Union européenne a manqué ses objectifs en la matière en 2010, en 2020 et semble en voie de manquer ceux pour 2030. La seconde absence est la politique agricole commune. Malgré les promesses du commissaire européen à l'agriculture, le budget n'augmentera pas. Le camouflet pour la France tient à l'absence de Fonds de souveraineté, réclamé par Emmanuel Macron pour répondre aux 370 milliards de l' Inflation reduction act américain. À la place, nous avons STEP, avec un budget de 10 milliards d'euros.
Le constat est donc clair : nous sommes le dindon de la farce budgétaire européenne. La France voit sa contribution augmenter pour financer les rabais d'États égoïstes et reçoit en proportion du nombre d'habitants moins que le Luxembourg. Un risque de sanctions pèse également sur la France. Nous sommes contributeurs nets d'un budget européen qui ne répond ni à l'urgence sociale, ni à l'urgence climatique.
Notre Assemblée devrait donc rejeter l'article 33 du projet de loi de finances pour renégocier les conditions de participation au budget de l'Union européenne.