Merci monsieur le président. Permettez-moi de m'associer à ce que vous avez énoncé au sujet des attaques. J'ai été particulièrement bouleversé en tant que député des Français de l'étranger de Suède notamment, alors que des suédois ont été frappés par les évènements de Bruxelles.
Nous avons en effet pris l'habitude, depuis la précédente législature, de discuter du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne et je suis ravi de procéder aujourd'hui à cette présentation aux côtés de mon collègue Manuel Bompard.
Sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, je veux d'ores-et-déjà indiquer, car je sais que les arguments en ce sens ne manqueront pas de s'élever au cours des échanges qui vont suivre, que la logique de budget commun, exclut, par définition, l'idée de percevoir l'exact équivalent des sommes versées. Oui, cette année encore, alors que le montant du PSR-UE est estimé à 21,6 milliards d'euros dans le projet de loi de finances, nous serons à nouveau un contributeur net de l'Union, et même l'un des plus grands. Nous n'avons pas à rougir de cela. L'un des principes de base de l'Union européenne est le principe de solidarité et nous pouvons en être fiers.
Par ailleurs, le calcul en termes de solde net est un calcul stérile. La notion de solde net ne saurait en effet retracer à elle seule la totalité des coûts et bénéfices de l'appartenance d'un État à l'Union européenne. Quid, par exemple, des gains qu'entraîne l'appartenance au marché unique ou ceux résultant, pour un État membre, de l'utilisation de fonds européens dans un autre État ?
Enfin, s'il s'agit de procéder à de petits calculs, je veux quand même rappeler que la France est le second bénéficiaire, en volume, des dépenses européennes. En 2022, ce sont près de 17 milliards d'euros qui nous ont ainsi été reversés, dont l'essentiel vient soutenir l'action de nos agriculteurs.
Ceci étant dit, je vais désormais prendre le parti pris inverse et anticiper les questions de mes collègues qui eux pourraient s'interroger sur la baisse du montant du PSR-UE inscrit en première partie cette année. Les 21,6 milliards d'euros contrastent en effet avec les près de 25 milliards inscrits en LFI 2023 et les 24,2 milliards exécutés en 2022. Toutefois, la baisse de cette contribution reflète avant tout des ajustements techniques, au premier rang desquels la baisse anticipée des paiements de la politique de la cohésion. Si notre contribution baisse, c'est parce que le budget de l'Union pour 2024 baisse lui-même ! Le budget arrêté pour 2023 prévoyait ainsi des crédits de paiement pour un peu plus de 168 milliards, contre 143 milliards dans le projet de 2024. Cette contribution est aussi à examiner à la lumière du plan de relance, dont la France est, je tiens à le rappeler sur cette question également, l'un des principaux bénéficiaires. L'adoption d'un tel plan de relance a représenté un basculement inédit, par son existence même mais également par son ampleur, qui a accru considérablement les moyens financiers de l'Union.
Si nous discutons aujourd'hui du PSR, c'est parce que l'Union européenne, reconnaissons-le, ne dispose pas de suffisamment de ressources propres. Les contributions des États représentent les deux tiers de ses ressources. Or, quand bien même ces contributions sont exigibles de plein droit par l'Union, notre examen de ce PSR, inscrit en loi de finances, montre bien qu'elle est toujours à la merci de la décision des États. Les droits de douane (sur les marchandises et les produits agricoles) ne constituaient que 13 % des recettes en 2023. C'est une inversion par rapport à la vision qui prévalait à la naissance de ces ressources. En 1988, la participation des États membres n'était qu'une petite ressource d'ajustement pour équilibrer le budget de l'Union avant que son importance grandisse au fil du temps avec la disparition des véritables ressources propres dont l'Union disposait alors. En outre, les dernières ressources propres créées n'en sont pas – la ressource dite « plastique » est ainsi une composante du PSR-UE – et beaucoup d'autres ressources propres n'en sont qu'au stade des discussions, comme la TFF ou le projet BEFIT. Disposer de ressources propres suffisantes est pourtant un élément clé pour pouvoir bâtir des CFP à la hauteur de nos ambitions, ce qui me conduit désormais au second point de notre discussion d'aujourd'hui.
La Commission a proposé de réviser cet été le cadre financier pluriannuel 2021-2027. Deux raisons à cela. Il s'agit d'abord de prévoir des dépenses nouvelles alors que, notamment, le soutien de l'Union à l'Ukraine, s'il est indispensable et doit continuer aussi longtemps que nécessaire, représente un effort financier conséquent. Il s'agit surtout de réviser un CFP qui s'est très vite avéré obsolète en raison d'évènements inattendus au moment de son élaboration, parmi lesquels l'épidémie de covid-19, la guerre en Ukraine, la crise énergétique ou encore la hausse des taux. On touche là, si vous voulez mon avis, à un problème central des CFP tels qu'ils sont conçus aujourd'hui.
Les négociations du CFP 2021-2027 ont débuté en 2018, soit presque dix ans avant la dernière année qu'il est censé couvrir ! Un budget sur sept ans, bien que cela corresponde à la logique propre de l'Union, est, en réalité, sous-optimal. À titre personnel, je suis plutôt récalcitrant à l'idée de me projeter sur un tel horizon temporel. En 2008, les conséquences économiques de la crise financière et, en 2015, celles de la crise migratoire avaient déjà souligné les limites d'un tel exercice. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à appeler à reconsidérer cette durée : le groupe d'experts mandaté par la France et l'Allemagne pour réfléchir aux changements nécessaires au sein des institutions européennes pour permettre à l'Union de s'élargir recommande, par exemple, de fixer, pour chaque cycle institutionnel, c'est-à-dire chaque législature du Parlement européen, un nouveau cadre financier pluriannuel d'une durée de cinq ans.
Plusieurs évolutions ont déjà été mises en place de façon à parer les imprévus, telles que de sanctuariser des crédits précisément pour faire face à des évènements exceptionnels ou de prévoir une révision du CFP à mi-mandat si nécessaire. Force est toutefois de constater que le CFP dans sa forme actuelle n'est toujours pas satisfaisant ; et, de mon point de vue, ce n'est pas en mettant plus d'argent sur la table comme le demandent la Commission et le Parlement européen que le problème sera résolu, mais bien en sortant de la logique des sept ans, qui nous empêche d'être véritablement flexibles et réactifs.
En attendant, les États membres sont donc appelés à contribuer davantage, faute de pouvoir compter sur de véritables ressources propres. Alors que celles-ci finançaient initialement le budget européen, les contributions des États ont progressivement pris le pas sur celles-ci et alimentent désormais les deux tiers du budget européen. La hausse de la part prise par les contributions nationales reflète certes la montée en puissance de l'Union, et je m'en réjouis, mais elle conduit du même coup à une moindre autonomie de l'Union, et c'est en raison du poids de ces contributions nationales que la révision du CFP est aujourd'hui soumise à d'intenses négociations. Il faut donc renforcer les ressources propres, notamment le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières auquel je tiens tout particulièrement car il représente une forme d'extension des droits de douane, qui constituaient la ressource propre du budget européen à l'origine, et car il remplit, aussi, un objectif de transition écologique.