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Intervention de Nicolas Thierry

Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 15h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Thierry, rapporteur pour avis :

Monsieur Fugit, l'irrecevabilité qui a été opposée à un certain nombre d'amendements est liée à la maquette budgétaire de la mission, qui ne se prête à aucun mouvement de crédits. Dès lors qu'il n'y a plus d'autorisations d'engagement, seuls des décaissements sont réalisés en faveur des opérateurs du plan. Cela étant, sur le fond, j'aurais pu m'associer à vos demandes.

Nous avons auditionné le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, qui a insisté sur un projet, en cours de réalisation – en lequel il croit beaucoup –, consistant à développer une intelligence artificielle française, indépendante, qui pourrait s'appuyer sur les bases de données pour effectuer des modélisations et déterminer si une substance est toxique selon l'environnement dans lequel elle est placée. À l'aune des débats que nous avons eus sur le glyphosate, ce projet paraît très intéressant et à même d'éclairer la délibération publique. Son coût serait assez élevé et nécessiterait un investissement sur une décennie, mais je crois que nous pourrions tous nous rassembler autour de ce programme. Les industriels proposent un nombre croissant de molécules, que les agences et les chercheurs peinent à évaluer. Si l'on pouvait s'aider d'un outil d'intelligence artificielle développé par le CNRS, cela constituerait une avancée considérable.

Les chercheurs sont unanimes à reconnaître que l'on est en train de glisser d'un modèle de financement récurrent, permettant de se projeter sur plusieurs années, vers une logique d'appel à projets. Il faut trouver un équilibre. La majorité des crédits doit rester récurrente afin que les chercheurs puissent se projeter à cinq, huit ou dix ans. Parallèlement, les appels à projets peuvent permettre de développer une forme de créativité ou de stimulation, mais ils doivent demeurer à la marge. Malgré l'ambition que le plan France 2030 manifeste en matière d'investissement, les appels à projets sont en train de remplacer les crédits récurrents. Il nous faut être très vigilants sur les modalités de financement des organismes de recherche.

Les polluants éternels concernent près de 12 000 substances ; seules 3 sont interdites, parmi lesquelles le PFOA – acide perfluoro-octanoïque – et le PFOS – perfluoro-octanesulfonique. Il est impossible d'analyser toutes les substances, une à une. Les États-Unis débattent de ce sujet depuis vingt ans. Les PFAS ont pour point commun d'être extrêmement persistants : c'est pour cela qu'on les utilise. On ne trouve pas, dans l'environnement, de bactéries ou d'enzyme susceptible de les dégrader, et nos corps ne parviennent pas à s'en débarrasser.

Pour les autres substances chimiques, il est envisageable de rester en deçà des seuils. S'agissant des PFAS, qui ne peuvent pas être évacués, il se forme un phénomène de bioaccumulation : on peut penser qu'à un moment donné, tout le monde aura atteint le seuil. Ces substances entraînent des pathologies telles que le cholestérol, un certain type de cancers ou encore des dérèglements thyroïdiens. Je défends une proposition de loi visant à interdire toute la famille des PFAS d'ici deux à quatre ans, selon les substances – un débat européen est en cours sur ce sujet.

On ne réglera jamais le problème de la persistance et de l'extrême mobilité des substances. Des études récentes ont montré que des oisillons âgés de trois semaines, qui sont nés en Arctique et n'ont jamais migré, ont dans le corps des PFAS, qui proviennent des crevettes et du phytoplancton. Il faut anticiper la survenue d'un problème sanitaire et écologique majeur. Aux États-Unis, le groupe chimique 3M vient de faire un chèque de 12 milliards de dollars pour éviter un procès lié à la contamination des nappes phréatiques.

Je préconise que nous nous dirigions vers une interdiction générale de cette famille de molécules en prévoyant toutefois quelques exceptions, très restreintes, lorsque ces substances sont indispensables à la transition énergétique ou à la médecine. Comme nous le disent les chercheurs, il faut d'urgence fermer le robinet, car c'est le meilleur moyen de s'en débarrasser.

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